Au boulot, que faire face à un manager tyrannique ? article repris sur Yahoo Finance
Face à un manager difficile, le coach Pierre Blanc-Sahnoun préconise la fuite.
Face à elle, Bobette, 1,70 mètre, 55 ans, une boule de vie et d’humour, propulsée aux commandes de La Bulle, cellule spécialisée cosmétiques du groupe publicitaire Chabadabada après le burnout de la précédente directrice, détruite par les exigences tyranniques de SP, capable de faire refaire 257 fois une prise de vue de noix de coco pour une pub, alternant ordres, contrordres, insultes, et grands numéros de chantage affectif.
Voici le pitch du dernier roman de Paula Marchioni, N’en fais pas une affaire personnelle, portrait au scalpel d’une perverse narcissique et du système qui lui permet de briser impunément ses collaborateurs et ses fournisseurs au vu et au su de sa hiérarchie, qui regarde ailleurs, c’est-à-dire uniquement le P&L (profit and loss) et le cours de l’action. En lisant ce récit d’une précision clinique, souvent hilarant et parfois poétique, on comprend rapidement que la lente descente aux enfers de Bobette est marquée du sceau du vécu et que l’auteure maîtrise tellement bien chaque détail de la vie dans les Empires matriciels que l’on devine que cette fiction a tout d’un témoignage.
Mais au-delà de Super Power et de sa folie destructrice, le livre démonte les rouages de la violence institutionnelle et quotidienne que connaissent tous les managers vivant dans ces groupes devenus psychotiques, où seuls comptent les chiffres, où les personnes font naufrage silencieusement à l’ombre des pompeuses chartes de valeurs parlant de coopération et de bienveillance. Un monde qui produit des monstres, robots déréglés dont on tolère la folie tant qu’elle reste rentable.
Mais toi ? Que faire face à un pervers narcissique ? Dénoncer ? Illusoire : tout le monde est déjà au courant et détourne courageusement le regard. Résister ? Tu risques d’y laisser ta santé et ton équilibre mental. Un(e) Super Power n’arrête jamais tant que l’autre n’est pas totalement carbonisé, c’est à ce prix qu’il peut maintenir son illusion de toute puissance. Si tu arrives avec la ferme résolution de te confronter à lui, il le sent et devient soudain adorable, attentif, tellement séduisant et flatteur que ta colère elle-même te semble irréelle. Te faire aider ? Bobette voit un psy dealer de Prozac, une coach, une médecin du travail, une avocate…
Mais la violence économique n’a ni morale ni émotions, sa seule mécanique est celle des « Big 5 » : profit, croissance éternelle, performance, conformité et compétition, les cinq valeurs dominantes qui régissent les grands groupes et finissent toujours par gagner la partie.
Alors, que faire ? Hélas, la seule solution raisonnable, c’est la fuite. Certes, ce n’est pas glorieux, mais le sage économise ses combats lorsque le ratio opportunité-méchanceté descend au-dessous de 1. C’est une leçon que l’on apprend souvent dans le sang et la souffrance. Je serais heureux que Bobette et moi puissions te l’épargner.