Le site de Télérama évoque aussi Empreintes ! (02.10.08)

[France 5] Empreintes : Antoinette Fouque
Dans le cadre de la thématique « Empreintes », France 5 propose, vendredi 10 octobre 2008 à 20 heures 38, le documentaire réalisé par Julie Bertuccelli, d’après une idée d’Anne Andreu, « Antoinette Fouque ».

Co-fondatrice en octobre 1968 du MLF, psychanalyste, créatrice des éditions des Femmes, députée européenne, Antoinette Fouque est, depuis 40 ans, engagée aux côtés des femmes.

Elle soutient leurs luttes dans le monde entier, qu’il s’agisse de l’excision, de l’avortement, des femmes battues, de leur libre expression et de leur création.

Mi-corse, mi-italienne, Antoinette Fouque est née en 1936, d’une mère analphabète et d’un père militant actif du Front Populaire.

Ses origines puis la naissance de sa fille en 1964 lui insufflent la volonté de se battre, le goût de la justice sociale, le besoin de trouver sa véritable place.

Antoinette Fouque a apporté au mouvement des femmes la particularité d’allier action et pensée, inconscient et Histoire, psychanalyse et politique.

Son féminisme ne prône pas la guerre des sexes, bien au contraire.

Il s’appuie tout simplement sur une redéfinition du concept d’égalité en se concentrant sur la différence.

Elle n’a cessé de poser la question ‘ qu’est-ce qu’une femme ? ‘ en répondant ‘ une femme est une femme et elle est géniale ‘ car génitrice, donc créatrice.

Ce portrait offre un témoignage sans fard pour les jeunes générations et fait revivre, au travers des archives extrêmement riches et variées, 40 ans de féminisme.

A 70 ans, aux côtés de ceux qui l’accompagnent dans ses différents combats, Antoinette raconte comment le mouvement des femmes est toujours l’engagement fécond de sa vie, tant les femmes, aux avant-postes de la lutte contre les injustices car les plus exposées, sont le coeur battant de la démocratie.

Rediffusion : Dimanche 12 octobre 2008 à 09 heures 36

Jeudi 2 octobre 2008

TéléObs annonce Empreintes !

Vendredi, à 20 h 35 – France 5
Collection « Empreintes » : « Antoinette Fouque ».
Eternelle féminine

Elle ne parle plus aujourd’hui de « libération » mais de « démocratisation » de la femme.

Militante, féministe, éditrice, femme politique et théoricienne d’une psychanalyse critique fondée sur l’existence d’une « libido utérine », Antoinette Fouque racontée par elle-même.

Toute sa vie aura été guidée par trois mots : femme, psychanalyse et politique. C’est ainsi qu’Antoinette Fouque se raconte elle-même dans ce « portrait parlant », qu’elle occupe intégralement, sans laisser de place à aucun autre point de vue sur sa vie que le sien. Elle est née, dit-elle, « avec le Front populaire », en 1936. De son père corse et communiste, elle aura hérité la politique, et de sa mère italienne, la psychanalyse. De sa jeunesse à Marseille, elle aura gardé l’accent chantant du sud. Et de sa maladie orpheline, survenue à ses 16 ans, lui resteront le fauteuil roulant et les mains sans vie. Mais cette maladie, « elle n’a peut-être pas été inutile, estime t-elle, parce qu’elle m’a permis de développer d’autres compétences, d’autres qualités. Pas du côté de la motricité mais du côté du mouvement, du mouvement de la pensée ».

Cette pensée, elle se construit d’abord dans les cours de Roland Barthes sur les avant-gardes littéraires, puis dans le séminaire de Jacques Lacan. « Un délice », se souvient-elle, mais aussi « la pensée la plus misogyne qui soit », puisqu’elle part du postulat que « la femme n’existe pas », qu’il n’y a de libido que phallique. Elle, elle est convaincue du contraire. Cette libido des femmes dont elle se fait le chantre, elle lui donne un nom : « la libido creandi » ; une définition : « Nous sommes toutes des homosexuelles en puissance » car nous avons un « amour charnel pour la mère », et un slogan : « Si l’usine est aux ouvriers, l’utérus est aux femmes », à chanter dans les manifestations de Mai 68. « Nous avons la machine de production », « Nous créons la vie » et « C’est ce que vous nous enviez », lance t-elle alors en défi aux hommes.

Cette année-là, Antoinette Fouque participe à la création du Mouvement de Libération féminine, le MLF, où elle anime la branche « psychépo », qui se donne pour modus operandi de conjuguer psychanalyse et politique, action et pensée. Entre le MLF et la création, en 1989, de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, elle franchit le pas de la maturité. Que ce soit pour Solidarnosc ou contre Pinochet, au Parlement européen où elle siège de 1994 à 1999, ou encore dans son travail d’éditrice, elle ne parle plus désormais de « libération » mais de « démocratisation » de la femme. Féministe, Antoinette Fouque ? Pas tout à fait : aux féministes, elle laisse l’apanage de la lutte pour l’égalité, elle, elle revendique aussi la différence.

Sarah Halifa-Legrand

Ce que recouvrent les trois lettres MLF (Le Parisien, 1er octobre)

Le mot du jour
MLF

Ce sont trois lettres souvent associées à un poing levé, brandissant un soutien-gorge (symbole d’entrave) ou une aiguille à tricoter (symbole d’avortement clandestin) dans les manifs des années 1970. Le MLF, pour Mouvement de libération des femmes, est né dans la foulée de Mai 68 d’un soulèvement de femmes contre la misogynie, l’oppression et les discriminations dont elles étaient victimes. L’écrivain Monique Wittig et l’intellectuelle Antoinette Fouque en sont, au départ, les têtes pensantes. Elles représenteront ensuite, chacune, deux courants distincts du « féminisme ». Le premier, radical, proclame « la femme est un homme comme un autre » et défend une féminité libérée de ces entraves constitutives (grossesse, allaitement…). Le second, plus réformiste, lutte pour faire reconnaître aux femmes leur place à part entière dans l’humanité et la primauté que leur vaut d’être celles qui mettent les êtres humains au monde.

Les acquis des femmes par le MLF (Le Parisien du 1er octobre)

CE QU’ELLES ONT ACQUIS DEPUIS QUARANTE ANS

1970. Abolition de la notion de puissance paternelle, remplacée par celle d’autorité parentale. Le congé maternité est indemnisé à hauteur de 90 % au lieu de 50 %.

1972. Loi sur la filiation : les enfants naturels ont les mêmes droits que les enfants légitimes. Première loi sur l’égalité de salaire entre hommes et femmes. Ouverture aux femmes des concours d’entrée des grandes écoles.

1975. Loi légalisant l’IVG dans c e r t a i n e s conditions. Choi x en commun du d omi c i l e conjugal, signature de la déclaration de revenus par les deux époux. Instauration du divorce par c o n s e n t ement mutuel. Interdiction de la discrimination à l’embauche. Obligation de mixité dans l’enseignement public.

1979. La loi sur l’interruption volontaire de grossesse devient définitive.

1980. Interdiction de licencier une femme enceinte. Congé de maternité porté à seize semaines.

1982. Remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale. Loi donnant des droits à la couverture sociale pour les conjoints d’artisans et de
commerçants (des femmes enmajorité).

1983. Ratification par la France de la convention des Nations unies pour « l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ». Loi sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.

1985. Loi sur l’égalité entre époux dans les régimes matrimoniaux.

1987. Loi instaurant l’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale.

1992. Loi créant le délit d’entrave à l’IVG.

1994. Réforme du Code pénal : première reconnaissance légale du viol conjugal et du harcèlement sexuel.

1999. Loi créant le pacte civil de solidarité (pacs).

2000. Loi sur la parité dans les mandats électoraux et les fonctions électives. Loi autorisant la vente sans ordonnance de la pilule du lendemain,
gratuite pour les mineures.

2002. Loi permettant à la femme de transmettre son nom à son enfant.

2004. Loi qui simplifie les procédures de divorce et permet d’envisager l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal.

2006. Nouvelle loi sur l’égalité salariale. Loi « renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ». L’âge légal du mariage
pour les femmes (15 ans depuis 1804) est aligné sur celui des hommes (18 ans). La répression des mutilations sexuelles s’étend à celles
commises à l’étranger sur une victimerésidant en France. Elle étend la circonstance aggravante aux viols conjugaux.

Télérama annonce Empreintes ! (01.10.08)

T. 20 h 35 France 5 Documentaire

Empreintes

Antoinette Fouque

Documentaire de Julie Bertucelli (France, 2008). 55 mn. Inédit.

« Il faut y aller. » Antoinette Fouque répètera cette phrase plusieurs fois au cours d’un document qui embrasse le destin exceptionnel d’une femme et l’évolution d’un mouvement social, politique et intellectuel. A 70 ans, droite dans son fauteuil, la parole aussi vive que le regard, Antoinette Fouque raconte quarante ans de combats : le MLF (Mouvement de libération de la femme) créé en octobre 1968, la fondation des Editions des femmes, la députation européenne, une lutte internationale pour les libertés individuelles.

Née en 1936 d’un père communiste, marin et berger, et d’une mère italienne, analphabète au tempérament indépendant, Antoinette a, de naissance, le sens de la justice sociale. Psychanalyste, elle suit les séminaires de Lacan, à la fois admorative et en colère contre cet homme qui unit « intelligence et misogynie ». En s’activant pour la légalisation de l’avortement, contre les violences conjugales et l’excision, en luttant pour que le viol soit reconnu comme un crime, elle ne revendique pas seulement l’égalité des sexes, mais se concentre sur leurs différences.

Ce document est à montrer aux jeunes générations pour leur rappeler que le combat pour la démocratie n’est jamais gagné.

Christine Ferniot
Rediffusion : 12/10 à 9 h 35

Le Parisien souhaite un bon anniversaire au MLF ! (01.10.08)

VIVRE MIEUX

40 ANS DU MLF

« GLOBALEMENT, LES FEMMES S’EN SORTENT BIEN »

Antoinette Fouque, cofondatrice du Mouvement de libération des femmes en 1968

Saint-Raphaël (Var), le 26 septembre. Antoinette Fouque, cofondatrice du MLF, estime qu’il faudrait aujourd’hui « un Grenelle des femmes, pour tout mettre à plat et traiter toutes les violences qui tombent sur elles : domestiques, économiques… » (LP/ANAIS BROCHIERO)

Il y a quarante ans, le 1er octobre 1968, quinze femmes de 17 à 33 ans se retrouvaient dans un petit studio de la rue de Vaugirard à Paris. Un studio vide, prêté par Marguerite Duras, où, assises à même la moquette et renvoyant fermement les garçons qui passaient le nez par la porte, ces intellectuelles et artistes ont décidé du lancement du Mouvement de libération des femmes. Une deuxième révolution, aprèsles pavés très masculins de mai, à laquelle les Françaises soivent aujourd’hui la plupart de leurs droits. A leur tête, discrète et passionnée, une prof de lettres à l’accent chantant, Antoinette Fouque. La cofondatrice du MLF a toujours refusé de réclamer, contrairement à son amie Monique Wittig, une égalité qui anéantirait la féminité. Refusé le mépris, la caricature, les clichés. Depuis sa maison face à la mer, où la maladie l’a clouée dans un fauteuil roulant au milieu des livres et des rêves encore pleins la tête, Antoinette Fouque fête aujourd’hui ses 72 ans. A quelques jours de la parution de « Génération MLF », un livre de témoignages de 616 pages publié aux Editions Des femmes, elle revient pour nous sur ces quarante années de conquêtes à la fois inouïes et inachevées.

Saint-Raphaël (Var) de notre envoyée spéciale

Quand vous avez lancé le MLF il y a tout juste quarante ans vous pensiez faire la révolution en un jour ?

Oh non, on a tout de suite su que ce serait la plus longue des révolutions ! Le MLF, c’est la partie qui émerge de l’iceberg, les combats médiatiques. Pour la majorité des femmes, c’était, c’est encore, violences, injustices, invisibilité… Mais on a fait plus en quarante ans qu’en quatre mille ans, et on peut être fières. En 1968, c’était terrifiant ! Pour tous ces gens qui renouvelaient la pensée, les femmes n’existaient pas. Nos seuls droits, c’étaient le droit de vote et la contraception. Tout ce qu’il a fallu combler au niveau juridique… A l’époque, je n’avais même pas de compte en banque à mon nom !

Ce sont donc quarante ans de victoires ?

Je considère qu’on a gagné. Les femmes d’aujourd’hui font des enfants désirés sans renoncer à leur désir d’exister dans le siècle, ni à leur indépendance économique. « S’acheter une paire de bas quand on veut », comme disait ma mère. Si on a voulu la parité politique, c’est aussi pouvoir entrer avec une poussette dans le métro. Il faut être 30% dans une assemblée pour commencer à être entendu ! D’énormes progrès ont été faits mais il faut rester vigilant pour faire appliquer les lois, et se battre pour les étendre. Je suis pour donner à toutes les femmes d’Europe les droits les plus élevés de chaque pays.

« Il est temps de donner un second souffle au féminisme »

Parmi ce qui n’a pas beaucoup évolué, il y a les violences conjugales…

Lors de notre première réunion en 1968, une des filles nous avait avoué que sa mère se faisait frapper par son père. Et, ça continue. Mais entretemps, on a fait connaître ces violences et maintenant, il y a des lois. C’est quand les droits sont acquis que les luttes commencent ! Il faudrait vraiment un Grenelle des femmes, pour tout mettre à plat et traiter toutes les violences qui tombent sur elles : domestiques, économiques…

Vous observez des régressions ?

C’est sûr que Sarah Palin, aux Etats-Unis, c’est le retour de la Mère Fouettard. C’est grave ! Et Halle Berry battue par son compagnon… Mais quand je vois Mélissa Theuriau qui se marie avec Jamel, Laurence Ferrari ou d’autres, il me semble que les femmes d’aujourd’hui gardent quand même l’essentiel des acquis récents. Elles vivent leurs contradictions sur un mode bénéficiaire. Globalement, elles s’en sortent bien.

Vous êtes amère quand le MLF est moqué par les hommes, renié par les trentenaires, ignoré par les plus jeunes ?

J’en ai tant attendu… On a été traitées comme les femmes sur les barricades de la Commune : on disait qu’elles retrouvaient visage humain une fois mortes ! On a été considérées comme des hystériques. Non, ce n’est pas bien de discréditer ce mouvement. Quand on voit tout ce qui reste à faire, c’est presque criminel. Moi, je n’ai jamais voulu que le mot « féminisme » recouvre le mot « femme ». Je pense que toutes les femmes ont vocation à exister en tant que femmes, mais toutes n’ont pas vocation à mener des combats féministes !

Vous êtes optimiste pour l’avenir ?

La seule chose qui reste de 68, c’est le mouvement des femmes. Cet anniversaire, c’est une opportunité : il est temps de lui donner un second souffle, sur les anciennes questions comme sur celles qui surgissent. On a conquis, pas trop détruit, c’est imparfait… Mais je suis persuadée que la masse des femmes ne s’est pas encore exprimée. J’attends tout des générations qui viennent. »

Propos recueillis par Florence Deguen

GENERATION MLF (sortie le 16 octobre 2008)

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EVENEMENT : CONFERENCE DE PRESSE D’ANTOINETTE FOUQUE MARDI 7 OCTOBRE A 18 H 30 A L’ESPACE DES FEMMES, 35 RUE JACOB, 75006 PARIS. Pour vous inscrire, appelez-moi au 06.84.36.31.85.

Nous nous sommes rejointes
chaque-une plurielle autant que mille,
cela fait combien à l’ infini ?

Antoinette Fouque, Hendaye 1975.

Le MLF a quarante ans. Ce mouvement original qui a su articuler le désir de révolution aux nécessités des réformes a imprégné l’ensemble de la société et transformé la vie des femmes et des hommes. « Notre corps nous appartient », disions-nous aux commencements. Et puis, il y a eu la loi autorisant puis remboursant l’IVG, l’abolition de la toute-puissance paternelle, les lois sur le viol et sur les violences, les lois sur l’égalité
professionnelle et sur la parité… Mais ces grandes victoires démocratiques que le MLF a initiées ne lui sont pas attribuées et il reste dans l’opinion ignoré, décrié, ou défiguré.

Nous nous revendiquons ici de ce mouvement qui a constitué l’événement le plus marquant de la seconde moitié du XXe siècle et qui a engendré une mutation de notre civilisation. Des femmes qui l’ont créé en 1968 témoignent ici avec d’autres qui les ont rejointes au cours des mois et des années suivantes, pour un engagement plus ou moins long, continu ou discontinu ; oeuvre ouverte aux témoignages à venir.
Dès les premiers temps du Mouvement, dans l’oralité des premières années, puis dans les écrits, nous qui étions en train de faire l’histoire et qui n’acceptions pas le clivage sujet/objet, nous sommes interrogées sur comment l’écrire et la transmettre.

Génération MLF a été élaboré sur un temps long, au rythme des réunions, rencontres, séminaires, universités d’été proposés, animés, dirigés par Antoinette Fouque.

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Quelques dates jalonnent ce chemin de maturation :

1978, rencontre à Saint-Rémy de Provence ;
1982, université d’été à Apt ;
1983, exposition Quinze ans de MLF à Paris ;
1989 et 1990, États-Généraux des femmes à la Sorbonne;
1992, université d’été à La Garde- Freinet ;
1992, thèse de doctorat d’Antoinette Fouque à Paris 8 : Une expérience du mouvement des femmes – 1968-1991 : De la libération
à la démocratisation ;
1993-1994, séminaires d’Antoinette Fouque dans le cadre du Département « Droit, économie, sociologie de la décision médicale », dirigé par André Demichel, où chacune a travaillé son itinéraire ; soutenance de quinze DEA sous la co-direction de Francine Demichel et d’Antoinette Fouque; 1994, conférences de l’Institut d’Etudes et de Recherches en Sciences des Femmes ou féminologie sur l’origénération mlf 1968-2008

Éditions Des femmes-Antoinette Fouque
Sortie en avant-première le 7 octobre
et en librairie le 16 octobre 2008
gine du vivant, du MLF, de l’écriture ; puis, en 1995, sur femmes et démocratie, parité,
homosexualité féminine, et en 1996, sur violences sexuelles, démographie, économie
politique ; 2004, livre-mémoire : Depuis 30 ans des femmes éditent… ; 2005-2006,
séminaires collectifs à Paris 8 sur l’histoire du MLF ; 2006, colloque à la Sorbonne
Femmes de mouvements, hier et aujourd’hui, pour demain ; 2006-2007, séminaires
réguliers de l’Institut en féminologie.
Aller au réel, à la recherche d’un savoir subjectif, pratique et savant, en laissant la place
au savoir inconscient ; ne jamais perdre le sujet pour que la subjectivité vienne altérer,
informer, enrichir la science historique ; approfondir ce qui, femme, résiste en chacune à
l’identité dérivée, phallocentrée, imposée… telle a été la pratique Psychanalyse et politique,
telle est notre ambition. Chacune selon sa singularité, et ensemble. Et nous avons été
confirmées dans notre démarche par le fait que la vérité historique de Shoah, le film
de Claude Lanzmann, sorti en 1985, composé uniquement de témoignages, n’est pas
contestée aujourd’hui. Les corps, les coeurs, sont des lieux de mémoire. Ce faisant,
nous avons retrouvé notre jeunesse, nos plus belles années. Des années d’affirmation,
pas de guerre, des années de création plus que de critique ; car la libération, c’est l’affirmation
de l’identité.
Les souvenirs ont été confrontés entre eux, confortés par une chronologie réalisée à
partir de multiples sources, dans le désir partagé d’arriver à une vérité historique, en
prenant le risque de nous tromper. Nous avons mentionné les actions marquantes de
celles qui, au Mouvement, se sont revendiquées de la tradition féministe.
Les femmes qui témoignent ici sont vivantes. Elles peuvent être consultées. Les témoignages
apparaissent l’année où, pour chacune, la rencontre s’est produite. Les documents
d’archives, nous les publions. Nous nous sommes situées moins du côté de ne
rien oublier que de celui de rectifier des erreurs, des omissions.
Témoins donc, nous avons aussi cherché à nous situer au plus près d’un travail d’historiennes
du temps présent, au service des historiens à qui nous espérons éviter des
erreurs, inconscientes ou délibérées. Notre souhait est de préparer les années à venir,
de susciter de nouveaux travaux pour que Mai 68 et le MLF ne soient pas « liquidés »,
c’est-à-dire vidés de leur contenu, annexés, trahis.
Dans les manifestations, nous portons toujours des banderoles MLF, à côté de celles
de l’Alliance des femmes, pour rappeler que c’est de ce mouvement que viennent les
libertés nouvelles.
Septembre 2008

Pierre Cormary étudie « Génésique » (26.09.08)

26/09/2008
Le MLF a quarante ans !

Le 1er octobre 2008, l’on fêtera le soixante-douzième anniversaire d’Antoinette Fouque ainsi que, et surtout, le quarantième anniversaire du Mouvement de Libération des Femmes que celle-ci créa, précisément en octobre 68, avec Monique Wittig et Josiane Chanel. Défini par Fouque elle-même comme « l’événement génésique » de la fin du XX ème siècle, le MLF s’imposa comme une nouvelle alternative au féminisme triomphant de l’époque, celui de Simone de Beauvoir, sinon, car l’auteur de Gravidanza n’aime pas les mots en « isme » toujours trop connotés idéologiquement, comme la première féminologie, soit une nouvelle épistémologie des sexes rendant raison et justice à la femme en tant que femme. Libérer la femme, ce ne serait plus en faire un homme comme un autre, ce serait au contraire affirmer la singularité sexuelle et ontologique de celle-ci. Si les premières féministes avaient plaidé pour un rééquilibrage sexuel et social, ô combien légitime, de la femme dans la société, les féministes « fouquiennes » affirmaient le génie féminin à travers la fécondité, la maternité, ce qu’elles appelleraient bientôt la géni(t)alité. Avec Beauvoir, les femmes avaient accédé, du moins en droit, à une reconnaissance et à une égalité sociales. Avec Fouque, l’on passait du social au vivant. Libérer la femme, ce ne serait plus simplement lui donner le droit d’avorter, ce serait aussi celui de procréer. La liberté de la grossesse serait aussi la joie de la grossesse.

Cette joie, Antoinette Fouque la connut elle-même avec la naissance de sa fille Vincente en 1964. Faire de la grossesse une « expérience charnelle, psychique et symbolique », y voir « une rupture anthropologique et épistémologique », c’est tout le génie nietzschéen (car qui mieux que Nietzsche insiste sur l’intelligence du corps ?) de la co-fondatrice du MLF d’avoir pensé la femme à travers la chair procréatrice, d’avoir donné du sens métaphysique à l’enfantement. Surtout dans les années soixante-dix où, il faut le rappeler, la mode était de penser la chair soit à travers l’hédonisme post-soixantuitard, vaguement beatnik, et finalement toujours aussi phallocrate, soit à travers ce qu’elle appelle très justement « une subversion de l’ordre sexuel par la perversion », et qui, de Genet à Guyotat, de Foucault à Deleuze, de Bataille à Sollers, ne voit plus les choses de la chair et du monde qu’à travers Sade, Masoch, Lautréamont, et tout ce que l’art et la littérature donnent en divins tordus, pervers géniaux (et moins géniaux), freaks édifiants. Dans La condition historique, Marcel Gauchet regrettait aussi cette tendance des grands courants de pensée de l’époque, en premier lieu le structuralisme, à fuir systématiquement le centre pour ne s’intéresser qu’à la marge, à substituer l’exception à la généralité, à ne penser la vie qu’à sa limite. La pensée du « border line » était à la fin une impasse.

En faisant de la grossesse le principe premier (pour ne pas dire l’Arché, terme trop masculin s’il en est) de sa réflexion, la très bernanosienne Antoinette Fouque (qui fit, n’oublions pas, un DES sur « Angoisse et Espérance dans le Journal du curé de campagne de Bernanos ») posait l’irréductibilité de la différence des sexes et la révélation du « deuxième » dans un monde d’avant et d’au-delà de la chute. La femme définie comme une apocalypse, tel pourrait être le titre d’une étude du MLF. En effet, procréer, ce n’est rien moins que participer à la création divine. Et si l’on n’est pas sûr que Dieu existe, on est sûr en revanche que la femme accouche. Faire un enfant, c’est, comme le dit Fouque, « créer du vivant pensant ». La grossesse est en ce sens la seule réponse valable à la question « qu’appelle-t-on penser ? ». Valable – car concrète, réelle, vivante, empêcheuse de symboliser en rond. Car le symbolique, la plus grande invention masculine de tous les temps, c’est précisément ce qui crée du mythe, de l’imaginaire, d’une certaine manière : de la mort, pour ne pas dire : du masculin. Or, comme le dit avec force Antoinette Fouque :

« Si la procréation a droit de cité dans les sciences humaines, le symbolique ne pourra plus produire des mythes en lieu et en place des développements de l’espèce humaine. »

La procréation, c’est la chair féminine dans laquelle nous sommes tous inscrits, avec laquelle nous sommes tous écrits, hommes et femmes, une sorte de lettre vivante que l’esprit mortifère masculin n’a cessé de piler. Au fond, et comme ce fut le cas avec les prolétaires par les aristocrates, le matérialisme est ce qui fut sans cesse rabaissé, écrasé, martyrisé par l’esprit. La matière – et avec elle : la matrice, la maternité, la féminité – c’est ce qui fut crucifié par l’esprit masculin, ou plutôt par l’esprit confisqué par le masculin. Issue d’un milieu prolétarien et influencé par Charles Péguy, « le seul qui exalte l’honneur et l’éthique de l’homme qui fait un barreau de chaise », Antoinette Fouque cherche à réhabiliter la créativité spirituelle du travail manuel au même titre que le travail charnel et métaphysique de la procréation. Même si elle récuserait peut-être cette étiquette, son combat a indéniablement un aspect « chrétien de gauche » qui insupportera autant les marxistes orthodoxes que les chrétiens papistes. Et si nous faisons partie de ces derniers, nous ne pouvons nier que ce qui nous intéresse dans le féminisme fouquien est cette persistance (toute chrétienne) à penser l’homme et la femme selon la différenciation originelle et biblique. A l’être désexué et révolutionnaire qu’en avaient fait Simone de Beauvoir et les autres (et dont l’aboutissement sera l’infect mouvement « queer », dans lequel il n’y a plus ni hommes ni femmes mais que des « genres » interchangeables), le MLF a voulu que la femme retrouve sa singularité élémentaire, faiseuse d’humanité plutôt que d’anges, incarnant l’esprit de la vie. A l’envie de pénis théorisée par Freud, Antoinette Fouque a substitué une envie de l’utérus propre à tous les hommes – et parallèlement instauré le monologue du vagin bien avant la célèbre pièce de théâtre du même nom.

Quoiqu’on en dise, la vie reste hétérosexuée. L’avortement, ce n’est que le droit négatif du désir de l’enfant – et c’est parce qu’il y a ce droit que les femmes peuvent désormais affirmer, sans contraintes et sans complexes, le droit, le désir, la joie d’avoir, de concevoir, un enfant. Finie l’hystérique ! C’est-à-dire, finie la femme à qui l’on a confisqué les pouvoirs de son utérus ! Finie la colonisation phallocentrique du continent noir ! Finie l’économie patriarcale de la reproduction ! Libérer la femme, c’est la décoloniser, c’est la rendre à son identité singulière, c’est lui rendre le don de donner la vie selon son désir à elle, c’est lui redonner la conscience joyeuse de la fécondité ! Si Virginia Woolf s’est suicidée, c’est parce qu’on l’avait privée de ce désir.

Cette révélation du désir, sinon cette remise du désir aux femmes, constitue la révolution « génésique » contre la « genèse », assure Antoinette Fouque. Elle est aussi la plus grande vexation que les hommes aient connue après les vexations galiléenne, darwinienne et freudienne.

« Ce n’est pas Dieu qui crée l’homme et la femme, ce sont les femmes qui, grossesse après grossesse, génération après génération, régénèrent l’humanité. »

Evidemment, les objections affluent. N’est-ce pas là remplacer le patriarcat par le matriarcat ? Est-ce si progressiste et si égalitariste que de faire de la femme la seule détentrice de la vie (qui d’ailleurs est un contresens puisque pour faire de l’humain, il faut les deux sexes) ? D’ailleurs, que devient l’homme dans toute cette féminologie ? Ne retrouve-t-on pas là-dedans la tentation régressive et masochiste de la mère originelle ? A quelle représentation renvoie cette femme souveraine ? Quel poème, quel portrait, quel film ont pu illustrer cette femme rendue à elle-même ?

Comme par hasard, et parallèlement à l’écriture de ce post, j’écoutais Ma mère de George Bataille, lu par Pierre Arditi, l’un des joyaux de « la Bibliothèque des Voix » des éditions Des femmes, cette collection pionnière d’enregistrement de textes lus par des acteurs ou des actrices et créée par cette même Fouque. Ma mère ! Peut-être le texte le plus malsain, le plus limite, le plus intime de l’histoire de la littérature française. Je l’avais découvert à vingt ans et à cette époque-là j’en faisais mes délices. Aujourd’hui, j’ai bien de la peine à le supporter. Car cette histoire d’une mère qui initie son fils, Pierre, à la perversion (j’allais écrire : à la « pierversion ») renvoie à toute la complicité que peuvent avoir mère et fils. L’inceste, ce n’est pas tant une affaire de gestes malheureux, de caresses douteuses, sinon de viol, que de confidences trop poussées, de rires trop complices, de disputes trop haineuses. Pas besoin de passer par le sexe pour avoir un rapport sexuel avec sa mère, et d’ailleurs avec son père, son frère ou sa soeur ! La vérité est qu’en écoutant la voix de Pierre Arditi enregistrée dans ce texte par Antoinette Fouque, j’ai fini par me demander si la féminologie de cette dernière pouvait, elle aussi, flirter avec une sorte d’érotisme matriciel ou de maternité trop érogène. Et que si les hommes s’étaient tant souciés de maîtriser le corps de la femme, c’était parce que celui-ci était irrésistible, et que l’envie d’utérus, en fait l’envie de s’y retrouver dedans, l’envie de ne pas naître, l’envie de rester en Dieu ou en Femme, était si violent qu’il fallait se protéger contre elles ! Que répondrait Antoinette Fouque à ce risque de fantasmagorie de sa pensée – et, à mon sens, contenue par elle ?

Quoiqu’il en soit, la maîtrise de la fécondité par la femme, ce que Fouque appelle la « gynéconomie », fut la vraie révolution sexuelle des années soixante-dix. L’accès des femmes à leur propre fécondité allait de pair avec l’accès des femmes à leur propre capacité de penser. La vraie poésie, la vraie philosophie, la vraie politique ne pouvaient plus se configurer qu’autour de la génésique – quelles que soient les éternelles résistances de l’ordre patriarcal. Et c’est cette génésique comme nouvelle condition historique de la femme qui s’imposa progressivement au monde des hommes, et à l’inverse des hommes, le fit sans passer par la violence. Est-ce parce que le MLF était fort qu’il n’y eut pas de terrorisme en France ? L’on peut toujours créditer ou non l’optimisme d’Antoinette Fouque à ce sujet.

Ce qui est sûr, c’est que « le Mouvement de Libération des Femmes est, comme elle l’écrit, pour la première fois dans l’Histoire, absolument non refoulable. » Le double droit d’avorter et de procréer, le double désir de ne pas séparer la procréation de la sexualité, la double affirmation de la liberté et de la fécondité, tout cela constitue, plus qu’un simple « progrès social », une véritable nouvelle anthropologie dont on n’a pas encore fini de voir les effets. Reste l’immense tâche de réorganiser ce pays comme d’ailleurs l’espèce humaine autour de ce qui apparaît comme l’union, jusque là impossible, de l’égalité et de la dualité.

Car il ne faut jamais l’oublier :

« Il y a deux sexes, et c’est ce qui rendra possible le passage de la métaphysique, amour de la sagesse, à l’éthique, sagesse de l’amour. »

Au fond, la féminologie d’Antoinette Fouque, aussi épistémologique que poétique, se résumerait dans le mot d’Arthur Rimbaud : il faut réinventer l’amour.

(NB : Toutes les citations sont extraites de « Génésique », titre du texte d’Antoinette Fouque dans « Génération MLF 1968 – 2008 », un livre événement, véritable document d’histoire composé de 51 témoignages avec chronologie inédite et images d’archives, à paraître aux Editions des Femmes le 16 octobre. Si vous êtes journaliste, contactez Guilaine Depis à guilaine_depis@yahoo.com pour assister à la conférence de presse d’Antoinette Fouque autour du 40ème anniversaire du MLF, mardi 7 octobre dans son Espace des Femmes, 35 rue Jacob, Paris 6ème, à 18 h 30. Le cas échéant, il vous faudra patienter jusqu’au vendredi 10 octobre, 20 h 35, pour regarder sur France 5 le film de 52 minutes de la prestigieuse série « Empreintes » réalisé par Julie Bertucelli et coproduit par Cinétévé consacré à Antoinette Fouque, qui sera rediffusé pour les chaînes hertziennes dimanche 12 octobre à 9 h 30. Antoine Perraud recevra également Antoinette Fouque sur France Culture samedi 11 octobre de 19 h à 20 h comme invitée de « Jeux d’archives »)

(Les quatre articles consacrés aux Editions des femmes font désormais partie d’une liste intitulée « Montalte aux Editions des Femmes », que l’on trouve en bas, à gauche.)