Monique Petillon fait l’éloge du « manteau noir » dans Le Monde (article du 8 mai 1998)

chchawaf.jpgLe Monde.fr : Archives 1

09/07/2009

littératures

Chantal Chawaf vers la lumière

Article paru dans l’édition du 08.05.98

A défaut d’un nom perdu, d’une identité effacée par la guerre, la romancière a trouvé dans l’écriture une langue poignante et belle pour conter son histoire. En 1974 paraissait un ouvrage d’une densité poétique peu commune. Une jeune femme, Chantal Chawaf, entrait en littérature avec ce premier livre inclassable : une narration, en diptyque, où s’inventait un langage pour dire à la fois la mort et la naissance, l’absence et la plénitude sensorielle. C’était dans Retable (éd. des Femmes), déjà, l’évocation d’une naissance traumatique, celle d’une enfant arrachée au corps d’une mère mourante tandis qu’en contrepoint, dans la Rêverie, se déployait un cantique charnel.

Un quart de siècle plus tard, Chantal Chawaf boucle magistralement la boucle avec un grand roman, Le Manteau noir, son dix après avoir évoqué la tendresse radieuse, angoissée de la maternité dans Cercoeur (Mercure de France) ; le bonheur lumineux de l’enfance, lié au merveilleux des contes, de Blé de semences (Mercure de France) à Fées de toujours ; le manque, le deuil ou la solitude dans Landes, Crépusculaires (Ramsay) ou Rougeâtre (éd. Pauvert), à travers un camaïeu de rouges. Depuis Chair chaude (Mercure de France), Chawaf explore l’aventure d’écrire au féminin » un langage pétri, travaillé à la paume de la main parce qu’il y a des mots remonter « vers la lumière », vers l’absence maternelle ce halo, cette blondeur cendrée.

Le Manteau noir est une « autofiction », très proche parfois de la réalité autobiographique. Dans une notice accompagnant L’Intérieur des heures (éd. des Femmes), Chantal Chawaf confiait qu’elle était née à la clinique du Belvédère, à Boulogne, après un bombardement en 1943, qu’elle avait porté, jusqu’à son mariage, un nom à particule. La fin de son roman, écrit en cinq ans, indique que, comme la femme au manteau noir, elle a, des mois durant, exploré les archives, interrogé des témoins, vécu dans une « communauté de fantômes mutilés ses parents parmi la masse des victimes civiles.

Le récit commence dans la violence de la guerre : éclats de métal, arbres fauchés, chairs meurtries. Puis c’est le décor froid d’une pouponnière : le petit humain », né d’une mère de vingt-quatre ans mortellement blessée, est devenu un beau bébé au regard fixe, qui attire et fait peur. Bientôt l’enfant est adoptée illégalement par un couple, qui efface toutes les traces de son identité. « Petite reine sauvage parmi les pois de senteur et les ronces, fillette pâlichonne, terrée dans l’appartement d’Auteuil, puis adolescente révoltée, l’orpheline n’apprend qu’à l’âge de vingt ans les circonstances de sa naissance.

Alors commence un retour en arrière, une descente aux Enfers à laquelle Chantal Chawaf a donné une véritable épaisseur romanesque. Elle recrée les personnages qui entourent l’enfant, fait entendre dans des dialogues les intonations, la langue familière de l’époque : la voix éclatante, un peu vulgaire de « Dadou », la fausse mère passionnée et possessive, semble sortie d’un film des années 50. Lorsque se tait cette voix, à la mort de Dadou, commence la quête d’une vérité introuvable.

La « fille des morts », devenue une adulte vêtue de noir, essaie, avec une douloureuse douceur, de préserver ses perceptions : elle ne veut pas oublier l’abîme qu’ouvre une guerre dans la chair et dans l’esprit des victimes. Recueillant des témoignages de survivants un secouriste, un bibliothécaire, une puéricultrice , elle fait entendre, pour tous les disparus, les profonds accents d’une berceuse infernale. Ce n’est pas un roman qu’écrit la chercheuse d’enfance », c’est « de l’inconnu », qui requiert une langue nouvelle, à défaut du nom de famille perdu qui lui aurait permis d’exprimer, intelligiblement, une expérience inouïe.

De sa plongée dans le pays « des souffles et des voix », dans la nuit des « muqueuses grenat », pour mieux témoigner de ses morts, pour transfuser, dans ses mots, le goût râpeux et chaud de la vie. Chantal Chawaf, souvent invitée aux Etats Unis, où l’on commente son oeuvre, reste trop mal connue en France. Le Manteau noir, ce voyage à rebours vers », éclaire de sa lumière obscure un destin singulier. C’est aussi l’ouvrage original et puissant d’une romancière en pleine maîtrise de ses moyens, qui mérite la consécration d’un large public.

MONIQUE PETILLON

 

Les Marianne de la diversité vous invitent à Féminin PluriELLES, vendredi 6 mars 2009, à 14 h (Maison de l’Amérique Latine)

http://lesmariannedeladiversite.org

http://lesmariannedeladiversite.org/IMG/pdf/Programme_Feminin_Plurielles-2.pdf

Dans le cadre de la journée internationale de la femme, les Marianne de la diversité, en partenariat avec l’association LLLS, vous invitent à partager un moment d’échange et de culture pour célébrer dans l’engagement et la solidarité la journée internationale de la femme.

c.chawaf .jpghalimix.jpg De nombreuses artistes, chanteurs, comédiens, philosophes, sociologues, acteurs économiques et personnes engagées ont répondu à notre invitation et seront présents pour soutenir l’engagement au féminin. Lors de cette manifestation, la jeune artiste saoudienne Cheikha Latifa AL-Sowayel exposera pour nous ses toiles et ouvrira un pont entre l’Orient et l’Occident.

Découvrez ci-dessous le programme de cet événement :

FADILA MEHAL, Présidente-Fondatrice des MARIANNE DE LA DIVERSITE
En partenariat avec l’association LLLS
vous convie à la manifestation
« FEMININ PLURIELLES »

Lieu de cette manifestation :
Maison de l’Amérique Latine, salon Brasilia
117 boulevard Saint Germain
Paris 75007
Métro Solférino

Vendredi 6 mars 2009, de 14h à 19h (journée animée par Nadia Bey, journaliste à la radio)

PROGRAMME :

14h00 Accueil des participants

14h15 : Ouverture par Fadila Mehal, présidente des Marianne de la diversité

Allocutions :
Valérie Létard, secrétaire d’Etat aux solidarités
Fadéla Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville
Edgar Morin, sociologue, parrain des Marianne de la diversité

14h30 Regard :

Blandine Kriegel, philosophe, marraine des Marianne de la diversité
« Les femmes et la Méditerranée en partage »

15h00 Table ronde 1 :

L’expression au féminin, entre miroir et mémoire

Régina Avila , écrivain , artiste, Yamina Benguigui, Olivia Cattan , journaliste cinéaste, CHANTAL CHAWAF, écrivain, Faiza Guene, écrivain, GISELE HALIMI, avocate, Simone Veil, membre de l’Académie française, Scholastique Mukasonga, écrivain, et prix Seligmann 2008

Modérateur Alexis Lacroix, rédacteur en chef de la culture à Marianne

Hommage à Aimé Césaire par Gisèle Bourquin, présidente de femmes au-delà des mers

16h Table ronde 2 :

Aux actes citoyennes !

Isabelle Fougère, présidente de l’association des femmes journalistes, Carole Da Silva, DG AFIP, Soumia Malinbaum, présidente de l’AFMD, Véronique Morali, femme d’or 2008 Terra Fémina, Marie-France Picard, Halde, Françoise Seligmann, présidente de la fondation Seligmann, Françoise Vergés, historienne et politologue

Modérateur : Serge Moati/Frédéric Taddéi, journaliste

Echanges avec la salle

17h : Vincent Byrd le Sage, discours de Philadelphie de Barak Obama

17h15 : Témoignages de femmes de Fatima Lancou-Besnaci par Souad Amidou, comédienne

17h30 : Intermède musical, Kerry James, Louisa Belaiche, Sébastien Avispa, Sté Strauss.

18h15 : clôture

Fadila Mehal, présidente des Marianne de la diversité
Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication
Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères et aux Droits de l’homme

Carole Vantroys interviewe Chantal Chawaf pour le Magazine Lire (article de mars 1998)

chawaf1.jpgLa mémoire bombardée

par Carole Vantroys
Lire, mars 1998

 Le 15 septembre 1943, un couple est victime d’un bombardement à Boulogne-Billancourt. Enceinte, la jeune femme met au monde une petite fille avant de mourir. L’exode l’empêchant de retrouver ses grands-parents, Marie-Antoinette est adoptée illégalement et n’apprend la vérité sur son passé qu’à vingt ans. Dans cette «autofiction» douloureuse, Chantal Chawaf décrit l’obsédante recherche d’une femme en quête du secret de sa naissance…

En quoi le recours à la fiction vous a-t-il aidée à écrire ce livre que l’on devine si profondément autobiographique?
Chantal Chawaf. Pour moi, écrire est un acte d’amour. Je ne crois pas que l’on puisse sacrifier ses proches à la volonté de parler de son expérience intime, et leur faire du mal. D’où l’importance du roman qui, tout en s’enracinant dans le plus authentique, m’a offert la liberté de communiquer, simplement, sincèrement et le plus profondément possible, quelque chose de si complexe et de tellement viscéral.

 

Est-ce aussi pour cela que, dans le roman, votre héroïne attend la mort de Dadou, sa mère adoptive, pour rechercher ses origines?
C.C. Lorsqu’elle a vingt ans, Marie-Antoinette apprend la vérité, mais ménage ses parents adoptifs. Ce n’est que trente ans plus tard, lorsque sa mère meurt, qu’elle effectue cette recherche. Elle a été conditionnée pour effacer sa propre vie. Il lui a été interdit de se connaître. Alors elle attend, elle est docile, elle participe à l’effacement de sa personnalité

 

Même si on lui a tout caché pendant vingt ans, Marie-Antoinette pressent très tôt que ses parents biologiques ne sont pas ses parents…
C.C. Oui, on sait que le fœtus ressent de manière amplifiée tout ce que la mère perçoit. Dans le ventre de sa mère, la petite fille a entendu la guerre, les bombardements, les cris. Elle a sa «mémoire de bombardée». Et il lui en restera des séquelles pour la vie, même si ces souvenirs lui sont interdits par sa mère adoptive qui veut à tout prix la sauver, ressusciter cette enfant prisonnière de la mort, cette enfant qui ne veut pas vivre.

 

La petite fille est adoptée grâce à la loi d’août 1941…
C.C. Oui, la loi du code de la famille de 1939 a été révisée en 1941 pour faciliter l’adoption d’orphelins de guerre. Marie-Antoinette est orpheline, mais ses grands-parents partis en exode risquent d’entreprendre des recherches lorsque la guerre sera finie. Il suffit donc à ses parents adoptifs de faire de Marie-Antoinette une enfant naturelle, abandonnée, née de père et de mère inconnus, pour qu’il ne reste aucune trace de ses origines.

 

Pour écrire ce livre, vous vous êtes beaucoup documentée sur les victimes de guerre…
C.C. J’ai passé deux ans à temps plein dans le centre annexe des Archives de Paris de Villemoisson-sur-Orge. J’ai lu les rapports de police relatant les récits de bombardements, établissant les listes de victimes…
Je voulais aller voir là où même les historiens ne se sont pas penchés de près. Du côté des bébés, des femmes enceintes, des civils victimes des bombardements.

 

Est-ce un livre contre la violence?
C.C. Ce qui m’intéresse, c’est la problématique de la guerre, son aspect insoluble. Les parents de Marie-Antoinette sont tués par un raid «libérateur». Ils meurent à cause des sauveurs. Peut-on faire l’économie de ces vies inutilement sacrifiées? Passer outre en ne retenant que la victoire? Je n’accuse personne. Je constate simplement que la Seconde Guerre mondiale est la première guerre aérien
ne où les civils font partie de la guerre.

 

Vous avez publié votre premier livre en 1974. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour raconter cette histoire?
C.C. Je crois que ces deux décennies n’étaient pas de trop. Avant, l’émotion n’était pas encore suffisamment travaillée. L’angoisse était plus forte. Depuis 1974, j’ai publié une vingtaine de livres. Et c’est comme si chacun de ces textes m’avait aidée à trouver une langue capable de dire ce que je ne pouvais pas dire avec la langue que j’avais apprise.

Didier Jacob, foudroyé par « Le manteau noir » dans Le Nouvel Observateur (article du 19 février 1998)

chawaf1.jpgNº1737 – SEMAINE DU JEUDI 19 Février 1998 

À la Une

Quand les avions alliés attaquaient la France

Sous les bombes


Deux beaux romans pour une même tragédie: cest la dernière guerre vue par Chantal Chawaf et par Alain Genestar

 

Ce long miaulement, ce grondement, cette vibration comme celle dun chat qui ronronne, comme celle dun chat qui vient, comme un moteur de chat qui vole ce bruit nest pas celui que fait le chat de la maison. Car cest tout maintenant qui tremble et braille et pleure, et dans le ciel pas un moteur mais cent, pas une bombe mais mille, mille ufs métalliques largués par dénormes «Forteresses volantes» sur les hommes, en bas, qui courent en hurlant.
Le 15 septembre 1943, Boulogne-Billancourt est bombardée par les alliés dans le quartier des usines. Près de la porte de Saint-Cloud, une femme meurt qui allait donner la vie: une petite fille sortie à temps du tombeau de son ventre. Le 6 juin 1944, la ville de Caen est sacrifiée au débarquement qui se prépare. Les bombes pleuvent dans un crachin de feu qui simprime dans la mémoire anténatale de celui qui, quelques années plus tard, viendra aussi au monde. Boulogne ou Caen, les bombardements de 1943 ou ceux du Jour le plus long: cest toujours la mort que, dansles romans quils viennent décrire, ChantalChawaf, lécrivain que lon sait, et Alain Genestar, le patron du «Journal du dimanche», ont traînée, menottes aux poignets, devant la frêle justicedes hommes.
Dans son autobiographique «Manteau noir», Chantal Chawaf raconte la vie de la petite miraculée de Billancourt. Adoptée par un couple qui lui dissimule ses origines, Marie-Antoinette grandit, et sent monter en elle des vagues de terreur qui obligent ses parents de fortune à lui révéler que celle-ci ne lui a pas souri. La nuit survient. La folie guette. La mort est là, dans sa silhouette, ses cheveux fous, ses yeux comme des phares tristes qui portent à eux seuls tout le deuil de la guerre. «Le Manteau noir» est, on la compris, le plus beau roman de Chantal Chawaf: un opéra, unesymphonie, un thrène, un admirable et stupé-fiant concert où tambourine la haine et claironne la hargne tout au long dune partition méca-nique pour amour et cymbales, désespoir etondes Martenot.

 


Dans le premier roman, inspiré, dAlain Genestar, le héros na pas moins que Marie-Antoinette la douleur chevillée au corps, comme vitrifiée sur les parois intérieures de lêtre, et brûlant du dedans. Ainsi Frank Merced, la mémoire encor
e endolorie par les bombardements de Caen, voit-il sa sur et ses parents mourir, quelques années après la guerre, dans lexplosion de la bombe quils avaient pris pour un coquillage, sur les plages du débarquement.
Cest alors que les deux romans, si différents dans la forme, se rejoignent dans leur développement. Chez Genestar, Frank veut oublier. Il fuit à New York, découvre lAmérique, le jazz, le journalisme. Sans relâche, il arpente la ville pour mettre de la distance entre lui et la mort. Marie-Antoinette, elle, passe des journées aux Archives, semplit des rumeurs de la guerre, suit à la trace lombre de ses parents, ses chers fantômes: elle marche aussi, erre sans fin dans des rues sans joie, les noires avenues de sa douleur. Frank finit-il par se replier dans une réserve indienne pour écrire son histoire? A bout de forces, Marie-Antoinette décide de renoncer à la mort et de renaître à la vie pour écrire elle aussi.
Chantal Chawaf et Alain Genestar ont bien fait mémoire et souffrance communes pour raconter le désastre des vies que la guerre emporta dans sa macabre danse. Comme si, tirant à quatre mains sur la même lourde corde, ils avaient sonné ensemble, dans leur somptueuse cérémonie aux morts, un tocsin vengeur et un funèbre glas.

 


«Le Manteau noir», par Chantal Chawaf, Flammarion, 424p., 125F. «Le Baraquement américain», par Alain Genestar, Grasset, 324p., 125F.

 

Didier Jacob
Le Nouvel Observateur

Régine Deforges évoque « Le manteau noir » dans L’Humanité (article du 10 mars 1998)

chawaf2.jpgCultures – Article paru le 10 mars 1998

Pêle-mêle

Le manteau noir de Chantal Chawaf

La chronique de Régine Deforges

Chantal Chawaf a enfin écrit le livre qu’elle portait en elle depuis ce jour de 1943 où elle est née, arrachée au ventre maternel. Depuis, elle, l’enfant, est la recherche de cette mère. Quête éperdue de toute une vie, cinquante ans à poursuivre un fant »me blond tué sous les bombardements de Boulogne. Le blond et insaisissable fant »me qui erre de page en page, de livre en livre. Et tout ce sang ! Le sang domine l’éuvre et la vie de Chantal Chawaf : « Sous les bombes… ils se rendaient à la clinique… où la mère de la petite devait accoucher… la voiture a été touchée… On a pu avoir l’enfant par césarienne… La mère est morte… » Les mots se bousculent, s’emmêlent, deviennent sang que la terre absorbe… lentement…. boue rougeâtre… et dans laquelle l’orpheline patauge, s’englue, étouffe. « Comment était-elle ? Je ne la connaîtrai jamais. » Les bombes explosent, résonnent sans fin dans le crâne du bébé protégé par la matrice. Après la naissance, les yeux grands ouverts dans le noir, elle écoute, elle entend les battements du céur de la morte. « Comment était-elle ? » Je ne veux pas qu’on m’emporte… Les parois du ventre maternel me protègent, elles sont un rempart contre la bêtise des hommes, contre le feu qui tombe du ciel. Là je n’ai pas peur, je suis dans le doux, dans le chaud, dans le mouillé. Je flotte dans l’amour de ma mère. Pourquoi me retire-t-on du nid ? Le sang coule sur mon visage emplit mes yeux et ma bouche, je le bois. Je ne veux pas le boire. Les lèvres du nouveau-né tètent avec horreur et volupté. Oh le sang de ma mère ! « Mais l’enfant s’entête. Elle ne veut pas naître. Elle veut celle qui est restée dans le chaos. Elle ne veut personne d’autre. Elle veut retourner dans sa mère, dans le chaos… ». .

 

La petite fille grandit, adoptée, illégalement par un couple en mal d’enfants. L’amour de la mère adoptive étouffe l’enfant. « On l’aime sa mère, pas vrai bout d’chou ? » Elle la mange de baisers, l’habille d’organdi, la nourrit d’aliments gras malgré les restrictions ; elle est si maigrichonne, ma bonne dame ! « Si tu manges pas ta soupe, j’appelle le loup-garou. Tu sais ce qu’il fait, le loup-garou, aux petites filles qui ne mangent pas leur soupe ? Il leur pince les mollets et leurs petites fesses rondouillardes Ä J’veux pas qu’il vienne ! » Rien n’est trop beau pour l’enfant de la femme morte : les meilleures institutions, les jolies robes, les cours de tennis, les leçons particulières… Alors, pourquoi n’est-elle jamais contente ? Pourquoi crie-t-elle dans le noir quand un avion passe dans le ciel ? « C’est quoi la guerre ? » Pourquoi ne veulent-ils pas lui avouer qu’ »elle vient de la guerre, des immondices de la guerre, des cervelles rouges, des avant-bras sectionnés, des doigts séparés des mains, des corps décapités, des débris humains non identifiables, des corps rigides sous le linceul des cercueils exposés dans les chapelles ardentes, des ventres désintégrés par le souffle des explosions, des ventres noyés par les égouts éclatés, des ventres écrasés sous les abris, qu’elle vient des asphyxiés inertes dans les éclairs… » Depuis la révélation du secret de sa naissance, elle fait chaque nuit le même cauchemar : elle cherche dans les décombres son père et sa mère. « Les éclats d’obus étaient entrés dans le ciment, dans les briques, dans le plâtre, dans le zinc, dans les tuiles, dans la peau, dans la chair, dans les cheveux, dans le ventre, dans la tête, la mort avait dessiné ses lézardes… où est mon père ? Où est ma mère ? »

Tentation de la folie. La folie est là, tapie dans un coin du cerveau du bébé, de l’enfant, de la femme, de la mère ; il lui faut creuser, creuser sans cesse dans le magma de sa conscience utérine. Nulle paix pour elle tant qu’elle n’aura pas retrouvé le fil qui la relie à la famille de ses parents morts. Jour après jour, année après année, elle compulse frénétiquement les archives de Boulogne, toujours vêtue, hiver comme été, d’un long manteau noir qui lui bat les mollets. « Cherche ! cherche ! Tu te sentiras peut-être moins seule, à moins que ce ne soit pire et que tu te sentes encore plus orpheline que jamais parce que tu seras devenue la fille de tous ces tués qui n’ont pas l’habitude qu’on se penche sur leur souvenir… » Elle commence patiemment à inventorier la mort : « Hôpital de Sèvres. Femme non identifiée. Cheveux châtains avec chignon. Plus de visage. Hôpital Bichat, hôpital Laënnec… » Elle ne dort plus, mange à peine, se rend titubante à la salle des archives de l’hôtel de ville de Boulogne. « Où sont mes bombardements, ceux d’avril 44, avec un dossier rouge ? » Le
magasinier, indifférent, l’a rangé, il n’a pas le temps de s’en occuper. Elle retient sa colère, les invectives qui montent à sa bouche. « Alors subitement elle se fait honte. Elle se déteste. Un immense dégoût d’elle-même et de sa recherche l’envahit. Elle a honte d’être ici, de gaspiller sa vie, de venir tous les jours, de réclamer des dossiers qui sont pleins de sang et de lambeaux humains déchiquetés, de se nourrir des morts comme un vampire… C’est comme si la vie n’avait plus de signification… comme si les mots n’avaient plus de sens. Mais ce n’est pas la mort qui doit être la plus forte, c’est la vie. » Elle a toujours su qu’elle ne trouverait rien, mais elle avait besoin de rester parmi les tués. « … je les connais tous ces morts des bombardements, j’étais avec eux, on était ensemble, on a vu ensemble la mort violente fondre sur nous, on ne peut plus aimer votre monde, on ne peut pas aimer vos guerres, on n’a plus confiance en rien ni personne. » Enfin, elle accepte de vivre, elle a guéri, elle ne porte plus son manteau informe, son uniforme de guerre. Elle est vivante, elle le crie. Par l’écriture, elle témoignera contre la guerre, pour qu’on n’oublie pas ces multitudes de civils tués de par le monde. Témoin par le sang, par les nerfs, par la peau, par la vie qui s’échappe de la mère blessée à mort, Chantal Chawaf a écrit « le Manteau noir », un livre fort et exigeant, impudique et vibrant, qui montre d’une façon impitoyable les ravages de la guerre dans le céur et l’esprit d’un enfant innocent.

En 1944, en cinq mois, d’avril à août, les bombardements ont tué sept mille personnes et en ont blessé neuf mille.

 

« Le Manteau noir » est publié chez Flammarion. Les autres livres de Chantal Chawaf sont disponibles aux Editions des Femmes, au Mercure de France, aux Presses de la Renaissance, chez Stock, Pauvert, Ramsay et Plon. C’est une éuvre importante qui fait l’objet d’études approfondies dans différents pays.

Thierry Gandillot écrit sur « Le manteau noir » dans L’express (article du 5 février 1998)

chawaf2.jpgLa vie après les morts

Par Gandillot Thierry, publié le 05/02/1998

 

Une enfant adoptée cherche la vérité. Chantal Chawaf signe une hallucinante descente aux Enfers.

C’est un bébé qui fait peur. A la pouponnière de Boulogne, les puéricultrices évitent d’instinct le «petit poids» qui occupe le lit n° 7. Elle se nomme Marie-Antoinette, mesure 50 centimètres et pèse trois kilos quatre. Les nurses ne savent rien de ses origines; mais elles sentent que ce poupon, «rayonnant d’une vie fixe, étrange», n’est pas comme les autres. Ce qu’elles ignorent: le drame de sa naissance.

La fillette a été arrachée par césarienne à sa mère morte, tuée en compagnie de son mari, porte de Saint-Cloud, pendant le bombardement du 15 septembre 1943, dans l’automobile qui conduisait le couple vers une clinique chic de Boulogne où devait avoir lieu l’accouchement. Le destin en avait décidé autrement. L’action du 15 septembre devait être la dernière de cet été sanglant. Or le médecin qui sauva le bébé remarqua que, dans leur inquiétude, les futurs parents s’étaient précipités à la clinique une semaine trop tôt. Sans cette hâte, toute la famille serait encore vivante.

Une seule personne sait la vérité, la directrice de la crèche. Yvonne de Chaumont est impressionnée par ce bébé qui «semble n’avoir plus de vivant qu’une gravité d’adulte, qu’une blessure existentielle qu’on lit dans son regard dilaté, à vif, comme des chairs écorchées». Elle sait aussi que ses parents sont d’ «excellente souche», comme on dit dans son milieu. Trichant avec la loi, elle va proposer à un couple d’amis qui ne peut pas avoir d’enfant d’adopter en toute illégalité la petite miraculée.

Jeanne et René de Lummont acceptent. Lui est un aristo qui magouille dans les milieux collabo. Ce sera Daddy. Elle, oisive avec un léger penchant pour la bouteille, possède une gouaille célinienne. Ce sera Dadou. Ils sont fous de la gosse, maladroits, grossiers, vulgaires; elle refusera leur amour. Au risque de la folie.

Un jour – Marie-Antoinette a 20 ans – excédés par son hostilité, ses parents adoptifs lui «lâcheront le morceau». A un détail près: ils ignorent le nom de ses parents. Ils savent seulement que sa mère appartient à une grande famille du Nord et son père, à l’aristocratie poitevine. Les Lummont n’ont jamais voulu en savoir plus. Et Yvonne de Chaumont a emporté son secret dans la tombe.

C’est le début d’une hallucinante descente vers ces Enfers que Chantal Chawaf va visiter, cercle après cercle, de son écriture obstinée, ravinée, douloureuse. Pendant trente ans, Marie-Antoinette va se murer dans sa détresse. Jusqu’au jour où, à l’âge de 50 ans, elle plonge dans les archives de Boulogne. Troncs décapités, têtes mutilées, bouillies cérébrales, sexes en putréfaction, jambes sectionnées, bras déchiquetés: les comptes rendus administratifs méticuleux des massacres de septembre 1943 s’entassent, témoignages désincarnés d’une horreur que le foetus a vécue dans toutes les fibres de son petit être prêt à respirer la vie. Vrombissement des avions porteurs de mort, stridence des piqués, souffles de feu, éclairs de la mort blanche, brûlure des corps, odeur des chairs calcinées. Cauchemars. Mensonges. Folie.

Un demi-siècle après la tragédie, un fantôme vêtu d’un long manteau noir arpente la nuit de Boulogne à Auteuil pour se débarrasser de «cette souillure de la mort» qui s’est incrustée en lui, depuis que l’horreur a frappé porte de Saint-Cloud. A la recherche de la vérité. Si elle existe.

Le Manteau noir, par Chantal Chawaf. Flammarion, 420 p., 125 F.

Claudie Kibler-Andreotti salue Les Obscures dans La Marseillaise (23.11.08)

16 XI 2008
chawaf gwennie.jpg

« LES OBSCURES » DE CHANTAL CHAWAF

Ce dernier roman de Chantal Chawaf se déroule dans la complexité et la dureté d’une vie de femme, de deux femmes : belle-mère abandonnée par son mari turc, belle-fille ne connaissant de son père que les reproches et les coups… Recherche d’une autre compagnie qui n’apporte rien de plus que contraintes et nouvelles violences. L’humanité n’est pas coupable. Ce sont les femmes qui se montrent impuissantes.
Les scènes de brutalité témoignent de manque d’amour, elles étaient nées filles au pays des fils…

Ces deux personnages hors du temps sont imprégnés d’une souffrance voulue. Conflit expliquable par le passé de ces êtres battus, spoliés de la douceur, de l’affection que peut montrer une mère. Vivant imprégnées d’un passé séculaire qu’elles n’ont jamais connu et ne connaîtront jamais, dont elles ne parviennent pas à se libérer. Ces brutales, à la méchanceté cruelle parfois, sont en réalité en mal d’amour. Qui le comprendra ? Qui le ressentira ?

« Mon frère c’est un individu, les gars d’aujourd’hui sont des individus », ils n’ont que l’égoïsme pour exister.

La vie de ces deux « Obscures », belle-mère ivre de tendresse, belle-fille violente, frustrée au quotidien, est inconciliable.

La lutte tantôt sournoise, tantôt violente, méchante, où les cicatrices corporelles témoignent de l’intensité des coups, se déroule dans une banlieue particulièrement inhospitalière, qui n’apporte rien que ses tours et son indifférence à ces deux femmes avides de tendresse volée.
Pourtant… Lise avait été conçue pour une vie bien différente. N’avait- elle pas tourné la page des beaux jours… ?

Et sa vie s’imprégnait d’eau, de lacs dans lesquels peu à peu elle semblait s’immerger, disparaître. Un jour avait surgi Yashar…
« Peut-on réveiller une somnambule ? Enfouis dans les cellules de son ascendance par les femmes, l’infériorisation, l’exploitation, la lapidation, la répudiation, l’esclavage rendaient Yashar fragile, nerveuse, violente. De l’histoire de l’Orient, Yashar, turque, arrière-petite-fille de Tcherkesses, ne connaissait que cet héritage impulsif qui, au moindre choc, à la moindre contrariété, se manifestait par des vociférations, par une rancune où, en état second, elle devenait incontrôlable, semblait étrangère à elle-même, se comportait en visionnaire, porteuse d’un monde ancien dont elle ne pouvait pas mesurer l’emprise ».

« Les Obscures » roman puissant de Chantal Chawaf, imprégné de la dure terre d’Asie dont la jeune Yashar reste une héritière.
Publié aux Éditions des Femmes/Antoinette Fouque.

Depuis sa première fiction « Rétable, La rêverie (Des femmes, 1974) Chantal Chawaf développe une oeuvre originale et incandescente, riche aujourd’hui de plus d’une vingtaine de titres.

Claudie KIBLER ANDREOTTI
Photo CKA : Chantal Chawaf (à G.) lors d’un dîner littéraire chez son amie Gwendolyn Chabrier de Saint Tropez

Joël Schmidt, excellent lecteur des « Obscures » (Réforme, 30.10.08)

schmidt.jpgREFORME 30 oct/5 nov 08

EXORCISMES. Quatre romans qui font appel des ombres, des stérilités, des tromperies, des noirceurs, de l’identité perdue…

FIN DE MONDES ?

(…)

YASHAR, LA TCHERKESSE

Le roman de Chantal Chawaf, « Les Obscures », porte bien son titre, transportant la narratrice, Lise, abandonnée par son époux, d’origine turque, qui lui a laissé une fille, Yashar, au bord des eaux noires d’un lac quasi méphitique, issu de quelques mythologies nordiques, et au coeur d’une banlieue ténébreuse, hostile et dangereuse.

Dans ce climat de haines sournoises, Yashar, la Tcherkesse, la fille des steppes, semble se confondre peu à peu à la désolation des lieux, visqueux, marécageux, rebelle, violents, au bord d’une démence provocatrice, révoltée et sauvageonne qui est à l’avers absolu d’une lucidité trop éblouie. Lise développe dans une série d’hallucinations visionnaires, rêveuses et auditives, tout ce qui dans sa condition de femme a pu la heurter au point que le lac la renvoie à ses humeurs, à l’humide, aux secrets et à l’effroi du corps féminin.

De cette noirceur apparente jaillit par éclairs plus ou moins étendus un appel à une libération de Yashar, condamnée aux camisoles, alors que l’amour, la compréhension, la liberté, et non point l’enfermement, sont les seuls remèdes à cette femme et à sa mère de substitution pour échapper au monde totalitaire d’une banlieue tyrannique. En apposant et en opposant ces deux femmes à cet univers stérile, Chantal Chawaf joue le clair-obscur magistral d’une partition romanesque qui, dans sa symbolique et son emblématique, pétries par nos terreurs contemporaines, n’a, une fois encore, pas d’égale dans notre littérature. (…)

Le Parisien de l’Essonne (Benjamin Jérôme) a aimé Les Obscures !

283427_9593066-o_150x113.gif Grigny – Viry-Châtillon
Littérature : Chantal Chawaf raconte le lac et la cité Benjamin Jérôme | 21.10.2008, 07h00

SOUVENT Chantal Chawaf attrape ses clés de voiture, son écharpe et part visiter les alentours. On peut la croiser se promenant dans le sud du département, en forêt de Sénart ou à proximité des pistes d’Orly. « Je suis une nomade », explique-t-elle. Mais son coup de coeur, ce sont les trois étendues d’eau de Viry-Châtillon et de Grigny.

Le lac et l’Essonne figurent d’ailleurs en bonne place de son dernier et vingtième roman publié récemment : « les Obscures ».

Auteur reconnue, Chantal Chawaf travaille dans le très chic VI e arrondissement, garde un pied-à-terre dans le XVI e . Mais elle ne pense qu’à s’évader et à rejoindre, le plus souvent possible, l’appartement qu’elle possède près des tours de Grigny 2. Il y a trente ans, elle s’est installée là pour la nature. « J’étais amoureuse du lac. Je n’ai vu que cela », se souvient-elle. Puis, elle prend conscience des immeubles qui l’entourent. « Ce que les gens appellent un ghetto avec un certain racisme et une certaine ignorance. Moi, je me trouve bien ici. » Elle parle de la diversité des cultures sans nier la violence des rapports humains. « Quand quelqu’un fait quelque chose de mal devant moi, je lui dis. Les gens respectent cette franchise. Une seule fois, on m’a dit : Tu n’es pas chez toi ici.»

Le roman se veut avant tout social

Cette coexistence entre nature et cité nourrit le livre « les Obscures ». Une jeune femme délaissée par son mari turc s’engourdit dans la solitude. Un jour, elle doit accueillir chez elle sa belle-fille : une Turque de 17 ans, récemment arrivée en France, à la fois perdue et révoltée. Une relation complexe se noue entre les deux femmes abandonnées sur fond de nature verdoyante. Bien que jalonné d’évocations bucoliques du lac et de ses crapauds, le roman se veut avant tout social. En arrière-plan, se dessinent les émeutes et la police, la peur de l’autre, les problèmes d’intégration ou encore le machisme de la société, un machisme intégré par les femmes. « Cette ville et ces problèmes méritent aussi qu’on y mette la littérature, la poésie, les mots. C’est un livre d’amour, de ce lieu, de cette population, de ce lac. »

* « Les Obscures », Edition des Femmes, 18 €.

VENDREDI, Macha Méril et Chantal Chawaf dès 18 h 30 !!

Un jour je suis morte.JPG

chawaf.jpg

NOUVEAUTE LIVRE AUDIO, Un jour, je suis morte de et lu par Macha Méril
ISBN : 3328140021073 * Extrait – 1 CD – 18 € * Office 11/09/2008 http://www.machameril.com/

« Un jour, je suis morte. J’ai eu du mal à m’en remettre. Je ne m’en remets pas, en vérité. » M.M.

Le roman Macha Méril commence par cette révélation inattendue. Sous le masque de la comédienne, femme épanouie, « apparente, rigolante, fornicante », se cache une blessure profonde. Rendue stérile par un avortement bâclé dans sa jeunesse, sa tentative de maternité se soldera par une fausse couche. Errant entre passé et avenir, l’actrice nous livre son ressenti, sans pathos mais avec émotion et courage. Le récit dévoile cette part d’ombre qui la hante, cette sensation douloureuse et obsédante de perte. Une vie passée entre être et non-être, un être-à-demi… puisque pour Macha Méril le destin d’une femme, son accomplissement et sa seule vérité est d’être mère. Sacralisant l’enfantement, qu’elle ne connaîtra jamais, elle évoque cette épreuve. La confession d’une femme qui met une incroyable énergie à défendre une cause qui transcende l’individu : « Alors tous les enfants de la Terre seront mes enfants, j’aurais gagné sur ma mort prématurée. » Un écrit intense et pudique, subjectif et sincère.

Macha Méril est née en 1940 à Rabat au Maroc. Très vite repérée par le cinéma, son premier rôle important arrive en 1960 avec La Main chaude de Gérard Oury. Elle tourne ensuite dans Une femme mariée de Godard, qui la fait connaître dans le monde entier. De nombreux cinéastes européens la sollicitent, Buñuel, Pialat, Dario Argento, Claude Lelouch… En 2005, elle reçoit le Prix « Reconnaissance des cinéphiles ». Se dédiant aussi à l’écriture, elle a publié avec succès plusieurs roman, dont Biographie d’un sexe ordinaire (Albin Michel, 2003) ou Les Mots des hommes (Albin Michel, 2005).
Macha Méril a lu des extraits de son texte « Un jour, je suis morte » au Marathon des Mots de Toulouse, le 13 juin 2008.

Article de Christophe Combarieu sur le célèbre site aufeminin.com :
Ce jour est celui où, après une fausse-couche, Macha Méril comprit qu’elle n’aurait jamais d’enfant. Un fardeau pour cette femme
qui ne cessera d’en souffrir. C’est ce qu’elle raconte dans ce récit, forcément partial, comme lorsqu’elle écrit : « Les femmes qui n’enfantent pas sont des erreurs. »
«Un jour, je suis morte. J’ai eu du mal à m’en remettre. Je ne m’en remets pas, en vérité.»
Ainsi commence le récit inattendu de Macha Méril, qui nous révèle sa part d’ombre dans une confession empreinte de sincérité, de complicité, d’émotion. La comédienne a choisi de nous conter le jour où, suite à une fausse couche, elle ne pourrait plus avoir d’enfant, et puis surtout toutes ces années qui ont suivi cette «mort», toute cette vie passée entre être et non-être. Dans une langue d’une grande sobriété, presque dépouillée, mais d’une grande justesse, Macha Méril exprime toute la détresse d’une femme qui ne sera plus jamais vraiment femme à ses yeux, puisqu’elle ne connaîtra pas l’évènements sacré qu’est l’enfantement. La douleur de ne pas être mère est le fondement, la clé de voûte de ces pages, une obsession sans cesse répétée, et ô combien compréhensible. Telle une litanie. (source : http://www.aufeminin.com/news/culture/livres/n7411.html)

Edité chez Albin Michel ET en livre audio pour la Bibliothèque des Voix des Editions Des femmes

******

Les Obscures, 200 p. – 18 € – 25.08.08 L’extrait que je vous avais PROMIS dans mon émile précédent !! (miam miam !!) : »On était travaillées comme le sol rugueux d’écorce de grains, on était riches comme lui, de la concentration de foin, de tubercules, de racines, on marchait à grandes enjambées sur les chaumes pâturés par les moutons ; nos robes parfumées d’argile, de silice, de soleil, de brume sentaient les effluves des cours de ferme, les moissons, les roses ; on communiait avec la boue bordant les étangs, on se réappropriait les rivières, on jouait, on courait à perdre haleine dans les ondulations du terrain (…). On pressentait que les vacances finiraient, que notre existence de vagabondes serait sanctionnée, on jouissait d’un faux répit. C’était un sursis. On se doutait que la mort, la folie, la solitude, le suicide nous coursaient. Mais on ne voulait rien prévoir, on voulait seulement se sentir vivante… » C.C

Le site officiel de l’auteur : http://www.chantal-chawaf.com/

Et toutes mes félicitations à Marc Alpozzo, véritablement ébloui par sa découverte (grâce à moi !! ) de l’oeuvre de Chantal Chawaf)
http://marcalpozzo.blogspirit.com/ pour son sublime article dans le Magazine des Livres du cher Joseph Vebret http://www.magazinedeslivres.com/ dont voici un petit morceau :

LES VIES ABIMEES
(…)
La densité de ce roman d’environ deux cents pages, le regard critique courageux qu’il porte sur une société patriarcale qui hisse la phallus au firmament, valorisant la force, la domination, l’argent, le succès, font de cette nouvelle fiction un grand moment de libre-pensée, de vrai esprit critique contre la fronde actuelle, véritable dictature de la « pensée unique » qui réduit toute chose, tout être vivant à un pur et simple objet de consommation immédiate. Plus qu’un roman, Les obscures, est un hymne à la vie, à l’amour, et à la fraternité. M.A. Pour lire la suite, http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/archive/2008/09/29/superbe-article-sur-les-obscures-par-marc-alpozzo-magazine-d.html

Depuis sa première fiction, Rétable, la Rêverie (Des femmes, 1974), Chantal Chawaf développe une oeuvre originale et incandescente, riche aujourd’hui de plus d’une vingtaine de titres dont notamment, Cercoeur (Mercure de France, 1975), Le Soleil et la terre (J.J. Pauvert, 1978), Maternité (Stock, 1979), Crépusculaires (Ramsay, 1981), Le Corps et le verbe (Presses de la Renaissance , 1992), Le Manteau noir (Flammarion, 1998), L’Ombre (Le Rocher, 2004), Infra-Monde (Des femmes, 2006)…