« La musica deuxième » marque les blogs (26.03.09)

duras-300x298.jpgLa Musica Deuxième, Marguerite Duras
par Fanny Ardant et Sami Frey, Antoinette Fouque présente la bibliothèque des voix.

J’ai avec l’oeuvre de Marguerite Duras un lien particulier, depuis très longtemps. Grand lecteur d’abord, j’ai à mon actif plusieurs travaux universitaires à son sujet, sans avoir pour autant fini mon mémoire de maîtrise sur cette parole qui m’échappa au moment où je crus l’appréhender. Babelio m’a proposé d’écouter cette lecture et c’est avec grand plaisir que je m’y suis prêté, histoire de m’immerger dans cette voix, cette écriture qui me fascine.

« Ce sont des gens qui divorcent, qui ont habité Évreux au début de leur mariage, qui s’y retrouvent le jour où leur divorce est prononcé. Tous les deux dans cet hôtel de France pendant une nuit d’été, sans un baiser, je les ferais parler des heures et des heures. Pour rien d’autre que pour parler. Dans la première partie de la nuit, leur ton est celui de la comédie, de la dispute. Dans la deuxième partie de la nuit, non, ils sont revenus à cet état intégral de l’amour désespéré, voix brisées du deuxième acte, défaites par la fatigue, ils sont toujours dans cette jeunesse du premier amour, effrayés.» M. Duras.

Ce sont deux voix qui se rencontrent. Deux paroles qui résonnent, dans l’intimité d’un bar d’hôtel. Ils viennent de divorcer. La parole s’engage presque sur un ton d’indifférence, neutre comme on pourrait le faire avec un étranger… Puis les voix se nouent peu à peu, les souvenirs remontent à la surface, les reproches, les vérités qu’on ne veut pas entendre, les espoirs qu’on espère peut-être encore… La parole s’embrase : la trahison, la blessure ouverte, béante… On rejoue les scènes de manière distante, pas du tout dans l’analyse, mais dans une théâtralité nécessaire pour faire ressentir l’intraduisible… Duras nous y a habitué : depuis le Square à l’Amant, en passant par Hiroshima mon amour, il y a toujours ce dialogue récurrent, cet entretien infini, ces deux voix qui déchirent le silence ; en surgissent des sentiments paradoxaux : l’amour, le désir, la douleur, mêlés à la voix quotidienne, celle qui parle de meubles, de choses insignifiantes… il en résulte un mouvement contradictoire de violence, d’indifférence, de désir furieux, d’amour brisé.

Les voix s’opposent, s’enlacent, jouent du porte-à-faux, posent une question, répondent à côté, reviennent à la question posée précédemment, ne se rencontrent pas, s’ignorent, puis se percutent violemment quand on ne s’y attend plus. Il y a souvent chez Duras la tentation du dialogue qui pourrait tout renouer, y compris soi-même avec soi-même, mais il y a toujours un ratage, quelque-chose qui passe à côté de l’occasion rêvée… les voix finissent épuisées et repartent chacune de leur côté.

La musica deuxième, réécriture de la Musica, 20 ans plus tard, apporte un deuxième acte qui va plus loin que la première pièce puisqu’elle veut les porter au bout de la nuit, au bout de l’épuisement pour qu’enfin la vérité éclate au grand jour :

« C’est en effet les mêmes gens et c’est aussi Evreux et cet hôtel. C’est aussi après l’audience. Mais cette fois-ci, ils ne se quittent pas au milieu de la nuit, ils parlent aussi dans la deuxième moitié de la nuit, celle tournée vers le jour. Ils sont beaucoup moins assurés à mesure que passe leur dernière nuit. Ils se contrediront, ils se répèteront. Mais avec le jour, inéluctable, la fin de l’histoire surviendra. C’est avant ce lever du jour les derniers instants de leurs dernières heures. Est-ce toujours terrible ? Toujours.
Vingt ans exactement séparent La Musica I et La Musica II, et pendant à peu près ce même temps j’ai désiré ce deuxième acte. Vingt ans que j’entends les voix brisées de ce deuxième acte, défaites par la fatigue de la nuit blanche. Et qu’ils se tiennent toujours dans cette jeunesse du premier amour, effrayés. Quelquefois, on finit par écrire quelque chose. » DURAS Marguerite, La Musica Deuxième, Textes pour la presse, Gallimard, Paris, 1985, p. 97.

A écouter Sami Frey et Fanny Ardant dans cette édition c’est un pur bonheur : leurs voix s’accordent parfaitement à cette parole qui déroule le texte. La voix de Samy Frey est toujours dans une sorte de frayeur, d’interrogation, de désir et de défiance, tandis que celle de Fanny Ardant semble toujours sur la défensive, dans l’usure, dans cette violence de la douleur qui serre les dents, sans se plaindre jamais. Des grains de voix de toute beauté qui servent le texte avec finesse, ni surjoué, ni simplement lu. Il en ressort cette musique, celle qui donne son nom au titre de la pièce, cette Musica, entre ritournelle tragique et chanson d’amour qui ne veut rien dire…

http://www.labyrinthiques.net/2009/03/26/la-musica-deuxieme-marguerite-duras/

Marguerite Duras : que du bonheur à écouter ! (blog 24.01.09)

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Babelio et Marguerite Duras.
Par Sylvie Niel le samedi 24 janvier 2009, 12:00:00 – Livre – Lien permanent

Impressions Livres Oeuvre Talent
La Musica Deuxième de Marguerite Duras, dit par Fanny Ardant et Sami Frey.  »Editions Des Femmes, La Bibliothèque des Voix. »

La critique de ce CD est faîte dans le cadre de l’Opération Masse Critique de Babélio.

Quand deux voix magnifiques reconnaissables entre toutes, Fanny Ardant et Sami Frey, lisent un beau texte « La Musica Deuxième » de Marguerite Duras, cela donne un vrai grand moment de plaisir.
Et pourtant c’est l’histoire d’une déchirure, d’un amour passionnel qui s’est transformé en haine, fait d’instants ponctués de bonheur et de blessures irréparables qui les conduiront vers une rupture inévitable.
Ces êtres là, à l’évidence, s’aiment encore. Après trois ans de séparation et le soir de leur divorce, ils se retrouvent sur les lieux de leur amour pour tenter de comprendre l’échec de leur mariage. Dans un premier temps la conversation est presque banale, et peu à peu la parole se libère, se fait plus dense et chacun tente de décortiquer son histoire, d’expliquer ce qui a fait qu’il en est arrivé là.
Sans violence et avec les mots justes et simples de Marguerite Duras, le couple avoue les tromperies mutuelles, les malentendus, les petites bassesses, les envies même les plus tragiques, et aussi le besoin de se reconstruire ailleurs pour elle, loin de lui  » Je veux être tranquille, partir loin… » , pour lui, tout près d’elle « Ne pars pas … j’irai où vous serez. »
Dans cette relation il est souvent question de désespoir, de révolte, de fuite et de douleur, mais aussi de nostalgie, de tendresse et d’amour avoué pour toujours.
C’est la première fois que  » j’écoutais  » un livre, j’ai passé 69 minutes de grande qualité, ponctués de courts instants de musique de Beethoven jouée par Pablo Casals et Rudolph Serkin ( Sonate pour violoncelle et piano n° 2 opus 5 ) et de Duke Ellington ( Black and Blue ). Une expérience que je vous conseille vivement et que je renouvellerai.

Deux phrases du texte où il est question de couleurs…
Elle :  » Je me souviens de cette lumière de cinéma jaune, et tout le reste dans l’ombre. »
Lui :  » Vous aviez cette robe grise, celle des femmes honnêtes. »

http://blog.couleuraddict.com/post/2009/01/23/Babelio-et-Marguerite-Duras

Fanny Ardant, lectrice de la Bibliothèque des voix ! (blog 15.01.09)

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jeudi 15 janvier 2009
[masse critique] La Musica Deuxième, théâtre, Marguerite Duras
Second billet rédigé dans le cadre de la quatrième opération Masse Critique de Babelio. Double merci à eux !

Décidément, je suis poursuivie par le thème de l’oubli, de la mémoire, du revivre…

Fanny Ardant – Sami Frey. Ces deux-là, Anne-Marie Roche et Michel Nollet, vont mettre le temps d’un cédé audio de soixante-neuf minutes, le temps d’une pièce en un acte, trois scènes, pour attiser et confronter les souvenirs de leur histoire douloureuse. Le temps d’une longue conversation dans le salon d’un hôtel de province, à la sortie du tribunal où leur divorce vient d’être prononcé, pour se convaincre à contre-coeurs qu’il ne pouvait y avoir d’autre forme de terme à leur passion, que la rupture.

Au début ils font semblant d’avoir oublié, de ne pas se souvenir. Il y a combien de temps ? Ils s’observent avec la distance affichée de leurs nouvelles vies. Ils se posent des questions d’abord anodines. Où est-ce que tu habites, maintenant ? Et ton travail ? Puis au fur et à mesure, leurs cercles de communication se concentrent, les interrogations deviennent plus chirurgicales, visant à rouvrir une après l’autre, les blessures mal cicatrisées.

Jeux de pattes de velours ou coups de griffes, j’ai imaginé en les écoutant la danse nocturne de deux félins qui vont déchirer et disputer jusqu’à l’aube la dépouille de leur amour.

Jamais les voix tendues mais calmes ne vont s’enfler pour éclater, même quand ils évoqueront l’enfer des violences conjugales. Même quand ils en viendront à rejouer le drame passionnel mais sans victime de sang qui les a irrémédiablement séparés. Au bout de la nuit, ils laisseront derrière eux les décombres de leur histoire d’amour, ayant attendu l’extinction des dernières braises pour partir chacun de son côté, pantelants d’émotion, résignés, brisés à jamais.

Des voix …

Les voix féminines de Duras : Delphine Seyrig, la blonde, et Fanny Ardant, la brune. J’ai le souvenir encore précis de la splendeur helvétique de Delphine interprète de Duras au cinéma et qui était la compagne de Sami Frey. Disparue très tôt emportée par la maladie. Fanny elle, est brune, vivante avec cette diction particulière, essoufflée qui rappelle celle de Delphine, parfois. Deux timbres mythiques et si personnels qu’ils ont fait et font encore le bonheur d’imitateurs masculins. Je me souviens de Claude Vega imitant Delphine Seyrig.

La voix de Sami Frey… évidemment chavirante, très légèrement voilée, et si parfaitement accordée a celle de Fanny Ardant. Tellement que parfois, surtout au début, quand on ne sait rien d’eux encore, il est possible de confondre leurs musiques, de n’entendre plus qu’un monologue, un solo.

Je n’avais jamais fait de lecture audio d’un livre ou d’une pièce de théâtre. J’ai beaucoup aimé. A la fin, j’ai eu envie de réécouter les dernières pistes et de transcrire quelques phrases au hasard, du sublime dialogue :

« Vous avez oublié que vous aviez laissé vos livres ? Vous les aviez fait venir et puis après vous n’en vouliez plus. Vous disiez que ça vous dégoûtait. […] On les laisse alors ? C’est dommage quand même, non ? »

« J’ai oublié notre histoire. La douleur, j’ai oublié. Je ne sais plus du tout pourquoi. Souffrir, comme ça, à ce point la, et ne plus retrouver pourquoi après, les raisons… »

« Je crois qu’on ne se souvient pas de l’amour. »
« Peut-être qu’on ne se souvient pas de la douleur quand elle ne fait plus souffrir. »
« Du désir, il y a ou un oubli total, ou une mémoire totale, aucune ombre. »

« Nous allons aimer moins maintenant, les autres gens. Moins. »
« Nous sommes moins forts maintenant, nous avons perdu de notre force. Nous nous sommes rapprochés de la fin de notre vie. »

http://tillybayardrichard.typepad.com/le_blogue_de_tilly/2009/01/masse-critique-la-musica-deuxi%C3%A8me-th%C3%A9%C3%A2tre-marguerite-duras.html

Fanny Ardant et Sami Frey lisent Marguerite Duras…

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Fanny Ardant et Sami Frey lisent
La Musica Deuxième
de Marguerite Duras

1 CD – 18 € – 69 mn – 2008

« Ce sont des gens qui divorcent, qui ont habité Évreux au début de leur mariage, qui s’y retrouvent le jour où leur divorce est prononcé. Tous les deux dans cet hôtel de France pendant une nuit d’été, sans un baiser, je les ferais parler des heures et des heures. Pour rien d’autre que pour parler. Dans la première partie de la nuit, leur ton est celui de la comédie, de la dispute. Dans la deuxième partie de la nuit, non, ils sont revenus à cet état intégral de l’amour désespéré, voix brisées du deuxième acte, défaites par la fatigue, ils sont toujours dans cette jeunesse du premier amour, effrayés.» M. D.