Fanny Ardant, lectrice de la Bibliothèque des voix ! (blog 15.01.09)

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jeudi 15 janvier 2009
[masse critique] La Musica Deuxième, théâtre, Marguerite Duras
Second billet rédigé dans le cadre de la quatrième opération Masse Critique de Babelio. Double merci à eux !

Décidément, je suis poursuivie par le thème de l’oubli, de la mémoire, du revivre…

Fanny Ardant – Sami Frey. Ces deux-là, Anne-Marie Roche et Michel Nollet, vont mettre le temps d’un cédé audio de soixante-neuf minutes, le temps d’une pièce en un acte, trois scènes, pour attiser et confronter les souvenirs de leur histoire douloureuse. Le temps d’une longue conversation dans le salon d’un hôtel de province, à la sortie du tribunal où leur divorce vient d’être prononcé, pour se convaincre à contre-coeurs qu’il ne pouvait y avoir d’autre forme de terme à leur passion, que la rupture.

Au début ils font semblant d’avoir oublié, de ne pas se souvenir. Il y a combien de temps ? Ils s’observent avec la distance affichée de leurs nouvelles vies. Ils se posent des questions d’abord anodines. Où est-ce que tu habites, maintenant ? Et ton travail ? Puis au fur et à mesure, leurs cercles de communication se concentrent, les interrogations deviennent plus chirurgicales, visant à rouvrir une après l’autre, les blessures mal cicatrisées.

Jeux de pattes de velours ou coups de griffes, j’ai imaginé en les écoutant la danse nocturne de deux félins qui vont déchirer et disputer jusqu’à l’aube la dépouille de leur amour.

Jamais les voix tendues mais calmes ne vont s’enfler pour éclater, même quand ils évoqueront l’enfer des violences conjugales. Même quand ils en viendront à rejouer le drame passionnel mais sans victime de sang qui les a irrémédiablement séparés. Au bout de la nuit, ils laisseront derrière eux les décombres de leur histoire d’amour, ayant attendu l’extinction des dernières braises pour partir chacun de son côté, pantelants d’émotion, résignés, brisés à jamais.

Des voix …

Les voix féminines de Duras : Delphine Seyrig, la blonde, et Fanny Ardant, la brune. J’ai le souvenir encore précis de la splendeur helvétique de Delphine interprète de Duras au cinéma et qui était la compagne de Sami Frey. Disparue très tôt emportée par la maladie. Fanny elle, est brune, vivante avec cette diction particulière, essoufflée qui rappelle celle de Delphine, parfois. Deux timbres mythiques et si personnels qu’ils ont fait et font encore le bonheur d’imitateurs masculins. Je me souviens de Claude Vega imitant Delphine Seyrig.

La voix de Sami Frey… évidemment chavirante, très légèrement voilée, et si parfaitement accordée a celle de Fanny Ardant. Tellement que parfois, surtout au début, quand on ne sait rien d’eux encore, il est possible de confondre leurs musiques, de n’entendre plus qu’un monologue, un solo.

Je n’avais jamais fait de lecture audio d’un livre ou d’une pièce de théâtre. J’ai beaucoup aimé. A la fin, j’ai eu envie de réécouter les dernières pistes et de transcrire quelques phrases au hasard, du sublime dialogue :

« Vous avez oublié que vous aviez laissé vos livres ? Vous les aviez fait venir et puis après vous n’en vouliez plus. Vous disiez que ça vous dégoûtait. […] On les laisse alors ? C’est dommage quand même, non ? »

« J’ai oublié notre histoire. La douleur, j’ai oublié. Je ne sais plus du tout pourquoi. Souffrir, comme ça, à ce point la, et ne plus retrouver pourquoi après, les raisons… »

« Je crois qu’on ne se souvient pas de l’amour. »
« Peut-être qu’on ne se souvient pas de la douleur quand elle ne fait plus souffrir. »
« Du désir, il y a ou un oubli total, ou une mémoire totale, aucune ombre. »

« Nous allons aimer moins maintenant, les autres gens. Moins. »
« Nous sommes moins forts maintenant, nous avons perdu de notre force. Nous nous sommes rapprochés de la fin de notre vie. »

http://tillybayardrichard.typepad.com/le_blogue_de_tilly/2009/01/masse-critique-la-musica-deuxi%C3%A8me-th%C3%A9%C3%A2tre-marguerite-duras.html

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