CANNES 2019 : XAVIER DOLAN, L’IRRÉDUCTIBLE
ALORS QUE SON NOUVEAU FILM, MATTHIAS ET MAXIME DÉBOULE DANS LA COMPÉTITION, XAVIER DOLAN A DROIT À SA PREMIÈRE BIOGRAPHIE. SIGNÉE LAURENT BEURDELEY, L’INDOMPTABLE (*)MONTRE LA CARRIÈRE-ÉCLAIR D’UN JEUNE HOMME PRESSÉ ET BOURRÉ DE TALENT.
Cap sur la Croisette
Acteur, scénariste, monteur, costumier et réalisateur, Xavier Dolan n’est pas du genre à rester en place. Aujourd’hui, il présente sur la Croisette son dernier film, deux mois après son premier opus américain, Ma vie avec John F. Donovan qui n’a pas vraiment trouvé son public en France, un des rares pays où il est d’ailleurs sorti. Avec Matthias et Maxime, Xavier Dolan , devant et derrière la caméra, retrouve une atmosphère de drame. Le pitch ? Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences. Une fois encore, Xavier Dolan explore les blessures internes, les traumatismes qui bouleversent les corps et les esprits.
Fort à propos, une biographie, Xavier Dolan – L’Indomptable (*) vient retracer le parcours bluffant d’un jeune réalisateur qui fait déjà parler de lui en 2009 à Cannes en remportant plusieurs distinctions. Il n’a que 20 ans. Dans ce volume solidement documenté – Laurent Beurdeley a exploré les nombreux interviews de l’artiste qui n’est pas du style à se terrer dans sa tour d’Ivoire – on mesure à quelle vitesse, le jeune Québecois a bouleversé le visage du cinéma moderne. L’homme vit, boit et respire avec le 7ème art. En 2010, il disait déjà : « Le cinéma est la seule rencontre amoureuse de toute mon existence. »
Revenant sur les blessures de son enfance – la séparation de ses parents notamment – Laurent Beurdeley montre comment l’artiste a appris en autodidacte à une vitesse record sans cultiver tel ou tel genre. Xavier Dolan s’est littéralement « nourri » de cinéma, de littérature et de peintures. Camille Tremblay, qui fut une dizaine d’années la conjointe de Manuel Tadros, le père de Xavier, a raconté comme son « petit gueux » la suivait dans la moindre projection de presse. Aussi fasciné par le Titanic, de Camero qu’il vit des dizaines de fois que par La Leçon de piano, de Jane Campion, vu sur les conseils de sa belle-mère. Une réalisatrice à laquelle il va rendre hommage en mai 2014 au Festival de Cannes, affirmant haut et fort que ce « film lui a donné envie de faire du cinéma et de créer des personnages forts de femmes. »
Des personnages forts de femmes, Dolan saura en créer un certain nombre, s’appuyant sur la totale confiance de quelques actrices qui, très tôt, ont cru en lui : Anne Dorval, son interprète fétiche, ou encore Suzanne Clément. Suzanne qui dit de leur relation, comme le livre le rappelle : « Nous sommes frères et sœurs, mère et fils, père et fille, amoureux un peu, ça dépend des moments. » D’autres ont débarqué dans l’univers du cinéaste, non sans quelques appréhensions. Ainsi Marion Cotillard quand, en 2014, toujours au Festival de Cannes, Xavier Dolan lui proposa de jouer la belle-sœur dans Juste la fin du monde, adaptation très touchante de la pièce du Franc-Comtois Jean-Luc Lagarce, emporté par la maladie. Marion Cotillard lui dit-même, comme le rapporte l’auteur : « Je ne sais pas quoi faire avec ce rôle, il me fait peur et c’est pour ça que je vais le faire. »
L’audace, c’est sans nul doute une des caractéristiques du caractère de Xavier Dolan qui tente les formats, explore, teste sans cesse. Un artiste engagé qui n’a jamais hésité de mettre sa notoriété au service de causes qui le touchent. C’est ainsi qu’il tourna en quatre jours le clip de Collège Boy, d’Indochine, en optant pour la première fois pour le ratio 1.1, le format du portrait, et pour le noir et blanc. Un clip qui suscita bien des remous et des interprétations, mais Xavier Dolan fit, à son habitude, face en montrant du doigt la violence de clips musicaux mettant en scène « des filles en train de se verser de la vodka entre les seins, enduites d’huile, en se faisant traiter de salopes par des chanteurs. »
Une chose est sûre : Cannes et Dolan, c’est déjà une vieille histoire d’amour. Dolan à Cannes,ce n’est jamais tiède… Cela valait bien cette riche biographie.
(*)Ed. du CRAM