Le Dit des Mots trouve que « La Tentation de la vague » tient ses promesses

La saga d’un bourgeois révolutionnaire
par François Cardinali : Premier roman de Alain Schmoll, ingénieur de formation, La Tentation de la vague est une espèce de polar politique où un meurtre sert de révélateur dans une société où certains mènent  une double vie. Tel Werner, alias Romain…

La Tentation de la vague joue sur deux mondes. Playboy et un rien bobo, Werner vit à Paris, à l’écart de ses parents, de riches industriels de la filière laitière menant un train de vie fastueux sur la rive suisse du lac de Genève. Un jour, il découvre que le groupe familial va au-devant de graves difficultés. Pour Werner, se pose alors la question essentielle de la responsabilité, celle du groupe et la sienne. Car Werner est un as du double jeu.

À la ville, à Paris, sous le patronyme de Romain, il dans un tout autre univers. Activiste d’extrême-gauche, formé à Cuba à la lutte révolutionnaire clandestine, il a fondé son propre mouvement politique. Il s’appuie sur Julia, sa compagne, et sur Greg, un jeune militant qu’il a choisi pour son charisme et son pouvoir de séduction. Or, Julia va, sans le vouloir vraiment au départ, les séparer…

Alain Schmoll connaît ses classiques révolutionnaires et il décrit avec une vraie habileté le parcours gauchiste de Romain dont le métier de consultant est une habile couverture pour ses autres activités. Le romancier décrit avec verve les débats enflammés de ces révoltés qui ont été formés à l’école de Cuba : c’est là que Romain a croisé et vécu avec une fille qui le hante, une fois qu’ils sont séparés, Julia. Car Romain a appris à se fondre dans l’anonymat comme le souligne l’auteur : « Quand il a un article,  une tribune, une déclaration ou un ensemble d’emails à diffuser, comme c’était la cas ce matin, il l’enregistre sur une clé USB, puis se rend dans l’un des cybercafés ou dans l’un des espaces de coworking, rendant impossible toute identification personnelle, ainsi que tout repérage de son matériel et de son lieu de résidence. »

Le contraste avec ce milieu d’activistes révolutionnaires est d’autant plus grand ensuite que, dans la maison familiale de Suisse – grand industriel dans l’alimentaire, son père, rêve de passer la main car il sait atteint d’un cancer incurable-, ses parents font tout pour organiser des fêtes somptueuses et lui faire rencontrer les jeunes filles les plus prometteuses, socialement parlant.

Tout ce savant château de cartes qu’il a construit dans cette vie compartimentée est sur le point de s’écrouler quand, suite à des manifestations violentes dans une ZAD près de Nantes, Greg est retrouvé agonisant, victime d’un coup violent derrière la tête. Bavure policière or not ? Cette mort ne peut qu’entraîner le lecteur sur bien des pistes, plus ou moins valables… Un meurtre qui fait peser quelques légitimes soupçons sur Romain qui était présent dans la zone durant quelques heures.

Fin connaisseur du monde des affaires, Alain Schmoll fait pénétrer le lecteur dans cet univers où la finance est reine et nombreux les coups fourrés sur fond de guerre de la communication et des réseaux sociaux. Ainsi quand il décrit les actes de Claude Cordelier, ami intime de son père et personnalité essentielle dans la gestion du groupe : « Claude Cordelier en était le mandataire social. A ce titre, il était le seul maître à bord et il la dirigeait sans rendre de comptes à personne. Plus exactement, la société établissait des comptes globaux et les transmettait au Groupe, sans en diffuser les pièces justificatives. Ils étaient validés par un commissaire aux comptes des environs de médiocre réputation, mandaté directement par Cordelier. »

Si la chute du polar et la révélation du responsable de la mort de Greg n’est pas vraiment étonnante, le roman tient ses promesses dans sa description de deux mondes que tout oppose. Et où les salauds ont la vie dure. Romain en est le parfait exemple qui reconnaît : « J’étais en train de basculer dans le monde que j’avais honni depuis mon adolescence, celui de l’argent, des affaires, de Jonquart, de mes parents, de Toni. »

(*) Ed. L’Harmattan

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