Patricia Lemariey écrit sur « Des yeux pour mourir » dans La Dépêche du Midi

zordan5.JPGLu pour vous
Des yeux pour mourir
10.02.05
Publié aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, Des yeux pour mourir est le premier roman de Laurence Zordan dont Patricia Lemariey a souhaité vous parler cette semaine.
 
« Venge-moi ! Quitte pour cela à user tous tes ongles, à perdre tous tes doigts ! Oui, c’est la traduction de ce cri, compréhensible de moi seul. C’est à moi que s’adresse le râle du supplicié. Vous vous étonnez de ce qu’un bruit de gorge, aussi peu articulé, soit une phrase construite et logique, presque élégante. Pour vos oreilles si charitables de défenseurs des Droits de l’Homme, seules les majuscules de la pitié sont audibles et pas ce minuscule message de haine, échappé péniblement d’une bouche à l’agonie. Je suis le seul à percevoir la grandeur de la scène que vous avez cru enfermer dans une cassette vidéo clandestine. L’homme torturé était un taliban et j’étais son tortionnaire. Il n’appelle pas à la vengeance contre moi, mais par moi. Je suis son légataire universel, son exécuteur meurtrier et son exécuteur testamentaire. »
 
« Telles sont les premières lignes de l’ouvrage de Laurence Zordan, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure et de l’Ena, agrégée de philosophie, heut fonctionnaire et spécialiste des questions de sécurité et de géostratégie » présente Patricia Lemariey, professeur d’histoire et géographie.
 
Publié aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, le décor de ce premier roman est rapidement campé. Les paysages sont beaux, l’homme l’est aussi. Dans cet ouvrage qui se déroule en Afghanistan, ce pays, comme la torture, y sont décrits et vécus avec passion par un personnage de récit vraiment peu ordinaire. Celui qui parle ainsi est moudjahidin. De son amour quasi fusionnel avec sa mère en passant par ses choix politiques, cet homme, le narrateur, semble jouir de tout dans une violence exacerbée. »
 
« Je faisais comme ma mère qui, dit-il, m’ouvrait délicatement les lèvres pour y glisser son mamelon ; à ceux que je torturais, je prenais délicatement la tête pour que ma douceur les ouvre à la cruauté. »
 
« Terrible non ?, interroge Mme Lemariey. Par delà le plaisir de faire et voir souffrir, le narrateur veut faire ressentir au lecteur l’inhumanité de la cruauté, via l’écriture belle et pourtant féroce de Laurence Zordan qui nous interpelle et nous pousse ainsi au plus loin de nos retranchements en faisant reculer régulièrement les limites du supportable » commente notre lectrice.
 
« Je suis le guetteur, le Guetteur de l’Abomination. Je vais vous raconter l’histoire de mon regard, de mes paupières et nous passerons un marché en nous regardant face à face » invite le narrateur.
 
« Difficile de résister à cela. Sans morale, cet ouvrage est pourtant très bien écrit« , constate Mme Lemariey. Des yeux pour mourir touche forcément et captive malgré nous. D’une manière ou d’une autre, il nous concerne. On aimera ou on détestera. On ne pourra peut-être pas aller au bout de ses 174 pages. Mais c’est un livre qu’il faut avoir lu si on veut comprendre l’histoire du monde et le rôle, c’est selon, que les hommes ont joué et y jouent encore, malheureusement.
 
 

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