« Res Nullius » dans Les Echos par Jean-Claude Hazéra (6 août 2007)

Paru dans « LES ECHOS » du 6 août et sur le site web des ECHOS

La vie devant soi


« Res Nullius »
de Pomme Jouffroy

Editions Des femmes, 250 pages, 18 euros

On s’approche, on s’éloigne, on s’approche et on ne comprend toujours pas comment les taches de peinture posées par le peintre sont devenues cette lumière, ce regard ou ce sourire. Même impression avec l’écriture de Pomme Jouffroy. Elle pose ses personnages à sa manière. Pour Majnouna, par exemple, ça commence par « Mon grand-père avait dix-huit ans quand elle a explosé en vol« . Et ça marche. Quelques répliques et anecdotes plus loin, ils sont là et nous avons envie d’en savoir plus sur eux. Ce nouveau livre raconte deux histoires parallèles : les amours d’Arnaud et d’Hélène et la vie de Majnouna, supermamie quasi centenaire, et de son arrière petit-fils. Ces deux histoires vont se rejoindre, elles n’étaient pas parallèles. L’important n’est pas dans l’intrigue, mais dans l’épaisseur des moments, des présents successifs, car le sujet de « Res Nullius », c’est la vie, tout simplement. « Votre prochaine étape est prévue ? Rien n’est prévu. Sauf le voyage. » Et au cours du voyage, Pomme Jouffroy nous arrête où elle a envie, évoquant des univers qu’elle connaît manifestement bien : la médecine – elle est chirurgienne – , les chevaux, le cirque, les échecs. Son imagination a besoin pour notre plus grand plaisir de s’appuyersur du concret, lmes luthiers dans son précédent roman, « Rue de Rome », le cirque et les chevaux dans celui-ci. Par moments, elle part très loin, chez les Navajos ou dans une histoire de fées à sa manière – une malencontreuse erreur de baguette impose à la princesse Huguette quarante-neuf expériences sexuelles avant de trouver un mari.

Le désir et le plaisir

Parfois, son texte se nourrit et nous nourrit de ce terre-à-terre si important pour autant qu’on sache y prêter attention : la cuisine, les repas, le bain des enfants, leurs tartines… La vie, quoi. « La vie est si bonne, tu ne vas pas bouder tout de même ! » Le désir et le plaisir sont au centre de ce livre de femme dont le personnage central est une femme. De ce désir, elle parle en termes parfois crus, jamais vulgaires. On n’est même pas gêné de devenir voyeur avec Arnaud quand il tombe amoureux d’Hélène, femme mûre nettement plus âgée que lui, en la voyant vivre depuis les fenêtres d’une salle de classe. Pourquoi ce titre latin, au fait ? « Res Nullius » : objets sans maître que l’on peut s’approprier. C’est ainsi que Majnouna appelle ces petits morceaux de verre que la mer roule et use sur les plages et dont vous êtes libres de faire des « diamants » dans vos jeux. « Les res nullius, je pense aujourd’hui que ce sont probablement les choses les plus importantes dans la vie », dit-elle, peu de temps avant sa mort.

Jean-Claude Hazera

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