Le manoir de Kerbroc’h, Léo Koesten (par Jean-Jacques Bretou)
Le manoir de Kerbroc’h, Léo Koesten, Éditions Baudelaire, février 2023, 243 pages, 19 €
La famille de Kerambrun pourrait être une famille comme les autres à cela près que, sans faire d’analyse sociologique poussée, on peut dire qu’elle appartient à la bourgeoisie radicale. Le père Foucault de Kerambrun, ingénieur polytechnicien, fils d’un autre Foucault de Kerambrun aussi polytechnicien comme le furent ses aïeux (Foucault et ingénieur), fait vivre sa famille grâce à ses seules ressources. Son épouse, Éloïse, est femme au foyer, et leurs deux enfants Margaux et Théodore suivent le cursus scolaire habituel d’enfants pubères de leur âge. Ils habitent Versailles et sont de confession catholique. On pressent pour le fils une carrière identique à celle du père. Les grands-parents Foucault et Lucille possèdent un manoir en Bretagne où la famille qui se voit déjà tous les dimanches en cours d’année se rend pour une partie des vacances. Enfin, n’oublions pas les Kerambrun ont défilé contre « le mariage pour tous ».
Tout irait pour le mieux si l’adolescence de l’aînée Margaux et de son cadet Théodore, dont la voix est en train de muer, ne venait se manifester sous forme de chamailleries où le ton de la voix monte et laisse entendre ce qui était caché. Un beau jour ce que l’on retenait jusque-là se moque des frontières de la bienséance et vient éclater au sein du noyaux familial. On le devine dans cette famille en apparence bien comme il faut, les cartes vont être rebattues.
Ce livre appartient à un genre prisé par les lecteurs : la saga, lorsqu’il s’étend sur plusieurs générations ou le « roman familial » lorsque la période analysée est plus courte. Compte tenu de la modeste densité de l’ouvrage nous parlerons de roman. Les portraits de chacun des personnages et leur évolution constituent en eux-mêmes l’une des parties attrayantes de cette œuvre de fiction. Les comparaisons avec des personnages existant, connus ou inconnus, font partie du jeu et consciemment ou inconsciemment on tente de percer la suite du livre en fonction de ces évolutions, ce qui nous rend « accro » à la lecture.
Malgré quelques imperfections, Léo Koesten nous a fait le portrait d’une galerie d’acteurs gentils et méchants qui renversent une histoire de famille banale pour en faire une critique sociale moderne où chacun va trouver le vrai rôle que la vie lui avait attribué.
Une analyse claire, sans concession de la cellule familiale où chacun à son niveau, en modifiant plus où moins le bâti ou en prenant des exemples opposés, pourrait se reconnaître. Un ouvrage à l’écriture fluide à la portée de tous. Un bon livre qui ne laisse pas sans réflexions.
Jean-Jacques Bretou
Léo Koesten, professeur agrégé d’allemand, auteur et scénariste, a écrit une centaine de pièces pour la radio allemande et une trentaine pour les séries « Au Fil de l’histoire » et « Nuits Noires » de France-Inter. Deux des documentaires qu’il a réalisés pour la télévision allemande ont été primés dans le cadre du Prix franco-allemand du journalisme, le premier consacré au peintre Max Ernst, le second au compositeur Olivier Messiaen. Par ailleurs, il a été coauteur de nombreux manuels d’apprentissage de français destinés aux lycéens allemands.