« Avis de tempête » par François de Coincy (sur la crise sanitaire et sa gestion)

Avis de tempête

Quand une tempête autrefois causait des dommages sur la grange ou l’étable d’un agriculteur, ce dernier sans attendre décuplait ses efforts pour compenser par un travail supplémentaire de réparation les effets de ce mauvais sort, tout en continuant à assurer le travail quotidien.

Lorsque la crise financière a éclaté en 2008 les gouvernements et les autorités monétaires, qui avaient la responsabilité du système monétaire, ont pris des mesures plutôt efficaces pour donner de la liquidité et en éviter le tarissement qui aurait généré un effondrement des échanges. Bien menée en France par Nicolas Sarkozy, cette politique réglait les mouvements financiers mais ne pouvait avoir d’effet sur les pertes de l’économie réelle. Face à cette difficulté, il y avait une réelle opportunité, un « momentum », pour demander aux Français de faire un effort de travail pour compenser cette catastrophe, on aurait pu ainsi obtenir une adhésion populaire à la suppression des 35 heures. C’est quasiment le contraire qui a été décidé en organisant une quasi relance financée par l’emprunt et non par le travail, ce qui a permis aux Français de mieux préserver leur pouvoir d’achat en comparaison de ce qui se passait dans d’autres pays. Mauvais calcul : on doit rembourser les emprunts ce qui pénalise nécessairement la consommation future alors que le produit du travail est définitivement acquis. On a fait comme si les gens ne pouvaient payer que ce dont ils sont directement  responsables et que l’Etat doit les prémunir contre l’imprévu.

Lorsque la crise sanitaire est survenue le gouvernement a activement pris en charge sa résolution. Afin d’éviter le blocage de l’économie, il a mis en place quelques mesures fortes plutôt bien pensées.  Face à cette crise, pourquoi n’a-t-il pas demandé aux Français de faire un effort de travail complémentaire pour compenser le chômage forcé dû aux mesures sanitaires, pourquoi a-t-il préféré recourir massivement au déficit budgétaire c’est à dire à l’emprunt remboursé par l’impôt  qui va pénaliser notre pouvoir d’achat dans l’avenir?

Il y a deux réponses à cette question :

La première tient à la méconnaissance profonde des ressorts économiques. L’opinion, y compris celle de nos responsables,  pense que l’argent est le moteur de l’économie alors que seul le travail produit de la richesse. Les opérations monétaires sont utiles à court terme pour gérer les échanges mais elles ne sont pas créatrices de valeur.

Si on est obligé d’emprunter pour absorber les crises, l’emprunt ne pourra se solder que par un travail futur. Si nous avions accumulé suffisamment de richesses alors nous pourrions absorber les aléas. Nous sommes démunis et plutôt que de faire des efforts aujourd’hui, nous continuons à brader notre patrimoine net en augmentant nos dettes. Quand il ne restera plus rien, personne ne voudra prêter  à nos petits-enfants.

La deuxième est politique. On a peur de déplaire à la majorité de la population, on évite de lui demander des efforts.  Il y a là une erreur de jugement : C’est dans les périodes de crises que les Français sont prêts à apporter leur solidarité pour que le pays s’en sorte, encore faut-il le leur demander.

C’est dans ces moments difficiles que l’on peut trouver le momentum gaullien ; encore faut-il avoir le politique qui ait le courage de l’assumer.

Quel capitaine ne rêve pas de la tempête où il va rencontrer son destin ?

On a l’impression que plutôt d’affronter son équipage en lui demandant de ramer plus fort, le capitaine a préféré alléger le bateau en jetant une partie de la cargaison par-dessus bord.

Ce n’est pas en niant l’évènement qu’on va souder l’équipage. Les circonstances exceptionnelles sont l’occasion de changer les choses.

Emmanuel Macron, avez-vous lu Lord Jim ?

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