Grand entretien de John-Frédéric Lippis dans Lettres capitales

Entretien. John-Frédéric Lippis – « Dans le Chœur de Mozart »

 

John-Frédéric Lippis publie Dans le Chœur de Mozart aux Éditions Lina. Il s’agit du troisième livre publié par ce pianiste et compositeur, fondateur de l’Académie de piano JF Lippis. Selon lui, nombreuses sont les raisons qui l’on poussé à écrire ce livre dont la plus forte est, bien entendu, sa rencontre avec la personnalité et la création du grand compositeur et qui le fait dire avec le clin d’œil de l’homonymie Je suis Mozart. Retenez, bien entendu, le verbe suivre et non pas être qui risquerait de vous sembler trop arrogant de la part d’un musicien et un pianiste qui sait mesurer à la fois l’effort et les bienfaits de son art. En écrivant ce livre, John-Frédéric Lippis promet à chaque lecteur une révélation de la personnalité mozartienne. Il nous dit : « En me lisant dans vos mémoires, vous aurez votre Amadeus à vous ». 

Les paroles que je viens de citez en introduction résonne comme une promesse qui engage votre livre que vous qualifiez « d’étincelle qui embrase le sujet Mozart ». Pourriez-vous nous dire qu’est-ce qui vous a poussé avant tout à l’écrire, à allumer cette étincelle, pour reprendre vos propres paroles ? 

Il faut remonter à mon enfance et mes premiers cours de musique. Mozart lorsqu’on commence les cours, peu importe l’instrument, ou le solfège est l’un des premiers compositeurs à apparaitre aux yeux de l’élève comme mystérieux. Il dépasse la notion musicale. Que l’on soit enfant ou adulte, on ressent immédiatement quelque chose de différent à l’énoncé de sa vie. Il est une étincelle qui soudain éclaire votre chemin par sa musique, sa créativité, son génie. Contrairement à tous, il se ressent d’abord et s’écoute après.

Mozart ne laisse personne indifférent. Sa personnalité amène le débat. Sur Mozart chacun a son mot à dire, une opinion, même sans le connaitre précisément. L’enfant, l’homme, le compositeur, ses engagements, etc.

Enfant, j’ai commencé la musique par la batterie, on m’a fait frapper en rythmique la mélodie de la 40e symphonie. Puis ensuite lorsque je me suis mis à l’accordéon, j’ai gagné ma place de demi-finaliste aux championnats d’Europe en interprétant « La Marche Turque ». Plus tard, lorsque j’ai pris mes premiers cours de piano, le génie de Mozart ne m’a plus quitté.

Au fil des années, j’ai compris que nous avions tous quelque chose de Mozart en nous. Ce génie s’est introduit dans nos vies et notre quotidien. On ne parle pas forcément de musique lorsque l’on cite Mozart. Mozart veut dire génie, grandeur, créativité infinie… Il est devenu un mot du vocabulaire. Un repère. Dans les milieux populaires, les gens aiment citer Mozart et ainsi montrer qu’ils ont connaissance de la grande musique. Allez citer Liszt ! très grand compositeur et plus encore que j’affectionne tant, mais dans nos campagnes et même à la ville, très peu connaissent. Mozart est présent à l’école, dans les formations pour adultes, dans le coaching, il est cité. Certains le prennent en surnom. Et combien de fois a-t-on appelé quelqu’un de doué Mozart ou le petit Mozart ?

J’ai été donc intérieurement touché dès mon plus jeune âge par sa musique, et plus encore par sa vie au fur et mesure que je grandissais, je me reconnaissais en lui sans jamais m’identifier. Il est une étoile. La première phrase qui m’est venue au sujet de Mozart et de son œuvre est devenue ma devise : Me rapprocher le plus possible de l’impossible.

Mozart est aussi bouleversant que consolidant. Il a fait naître en moi des envies, des motivations, une inspiration. Et beaucoup d’aspirations.

Un autre aspect qui me semble déterminant est celui exprimé par le titre de votre ouvrage. Vous faites dans son Préambule une plaidoirie pour le chœur comme « union de voix » mais aussi de « beauté de l’harmonie ». Pourquoi avoir choisi ce titre à votre livre ? Et qu’entendez-vous par cette réalité de groupe qui, selon vous, au lieu de cultiver l’égalité, est un exemple d’universel, d’harmonie ?

Je trouve le mot « chœur » universel et bouleversant de sens. Il est la vie. Lorsque j’ai joué en orchestre ou dirigé des chorales, je me suis aperçu que l’égalité n’amène pas à l’harmonie. C’est dans la pluralité et avec la nature de chacun tel qu’il est qu’on harmonise. Cette liberté qu’on ne prend pas forcément et qui peut être donnée. Le respect de l’individu dans sa plus simple définition. Ce sont bien les sons différents et les notes que l’on n’attend pas qui font cette symphonie merveilleuse en musique comme dans la vie. J’ai beaucoup observé les gens, et surtout écouté. J’ai compris que beaucoup n’avaient pas encore pris conscience du devoir et plus encore la beauté de s’harmoniser avec les autres. Ça demande un investissement de soi, de la ténacité, de l’amour. Et ainsi se forme le chœur. J’écris dans le livre que « le cœur des hommes est bien plus fragile que le chœur des hommes. Il faut l’unité. Dans le chœur, il y a cette unité, l’acceptation, le pardon, le bon sens, l’envie de faire bien les choses pour que cela reste harmonieux. On ne fuit pas ce qui nous ressource. Il y a de l’accomplissement. Lorsque j’écris « l’alimentation la plus saine est la scène », il faut comprendre que c’est dans l’action qu’on se révèle, dans l’expression. Je veux dire aussi qu’on se nourrit énormément de ce que l’on vit au quotidien, on le respire, et c’est là que le chœur soigne les maux, éduque, et fait grandir chacun de nous. C’est l’unité et le travail sur soi qui font que l’on sort de toutes médiocrités et faux pas. Ensemble, en préservant nos différences, nous nous enrichissons. Notre grandeur n’est pas d’arriver à la taille de l’autre ou de sa richesse, mais de s’harmoniser avec ce qui nous entoure et ce que l’on ressent intimement. Je suis convaincu de cela.

Mozart s’est nourri de ses voyages, de ses rencontres, de ses rêves, d’une harmonie large. Il aimait des choses très différentes et multiples. Sa musique est un point de rencontre.

Vous affirmez que votre vie a été jalonnée par des « rencontres incroyables ». Celle avec Mozart en est une, sans doute. S’il fallait la positionner sur l’échelle de votre enchantement, de votre découverte musicale, de votre formation, à quelle hauteur vous l’érigeriez-vous ? Autrement dit, que signifie suivre Mozart pour vous personnellement ?

Suivre Mozartc’est l’expression de votre liberté intime, ce que vous avez en vous et qui est votre vie, votre valeur. Votre vibration. S’harmoniser. Suivre son intuition, créer son avenir, son présent par l’action. Être soi.  Vivre sa vie.

Mozart est ma première grande rencontre musicale et spirituelle. La pièce d’un puzzle, ou plus encore le schéma qui nous construit, un élément de l’éducation. Ma deuxième découverte fut Léonard de Vinci que mon père m’a fait découvrir. On parlait beaucoup d’art, de lettres et de technologie ou encore de sciences à la maison.

C’est en cela que mon parcours musical m’a emmené des études du Conservatoire Nérini à Paris jusqu’à l’École Polytechnique dont la formation aura bouleversé ma vie.

Mozart et de Vinci auront été deux de mes repères et inspiration.

S’il fallait prendre un exemple de portrait de Mozart, je vous proposerais de choisir celui (p.56) où vous le comparez à un arbre, à une forêt, etc. Je vous laisse enrichir ce portrait en détaillant chacun de ces éléments si bien choisis. Pouvez-vous le redessiner ? 

Avec grand plaisir, je vous restitue ce que j’ai écrit dans le livre.

Mozart est un arbre, et les branches, les racines sont si nombreuses que l’espace au sol occupé est aussi grand que celui vers le ciel, toutes branches déployées. Il est une symphonie verte, couverte tantôt d’un ciel bleu ou d’un ciel étoilé. Une forêt si épaisse qui protège la terre des tempêtesl’âme du compositeur. Je pense que Mozart, son génie fut tel, que son âme, était intouchable, le rendant inatteignable.

Que pouvez-vous nous dire de l’âme de Mozart ? Comment comprendre cette phrase que vous écrivez : « Il avait plusieurs visages mais une seule âme lumineuse » ? Y a-t-il un rapport avec son œuvre dont vous écrivez qu’elle est composée « des notes qui s’aiment » ?

Lorsque j’évoque que Mozart avait plusieurs visages, je fais référence à ses engagements et aux nombreux intérêts extra-musicaux qu’il pouvait avoir. Son engagement auprès de la franc-maçonnerie, ceux dans le développement de sa carrière, avec une façon très différente pour l’époque de vendre ses concerts ou de les organiser, ou encore d’éditer ses partitions, etc.

Parlons, si vous le permettez, de l’enfant prodige dont Mozart est, à mon sens, l’exemple absolu. En quoi ce don précoce a-t-il impressionné ses contemporains et continue d’exercer de nos jours le même effet sur le public même lorsqu’il s’agit d’autres artistes ?

L’exemple absolu. Vous avez tout dit. Il faut dire qu’à l’époque, entendre un enfant de moins de 5 ans interpréter avec brio de petites musiques au piano était incroyable, tout comme aujourd’hui. Selon les écrits, on peut comprendre que ces interprétations étaient abouties. Plus encore, l’enfant avait une mémoire des sons au-delà du possible et une oreille absolue. Ajoutez à cela ce que Mozart dégageait plus qu’un autre est l’émotion de sa musique et sa personnalité. Il avait une attraction, sa musique était immédiatement accessible. Il générait une fierté et un enthousiasme chez tous ceux qui l’écoutaient. Le fait que ce soit un enfant diront certains, mais mieux encore avec la fabuleuse énergie de l’enfant. Un enfant c’est l’innocence, la sincérité, la magie, ajoutez à cela le génie….

Mais parler de talent prodige chez Mozart exige un regard sur son œuvre. Quelle est son étendue et comment expliquez-vous la force qu’elle exerce depuis sur l’humanité entière ? Peut-on parler à ce sujet d’universalité ?

Nous sortions d’une époque baroque, riche et talentueuse, certes. Mozart, soudain allège si je puis dire, l’écriture musicale et son ressenti. Place à l’émotion. C’est plus harmonieux tout en étant plus léger. Plus harmonieux dans le sens où l’âme de l’auditeur est immédiatement touchée. Cela va au-delà de l’écoute. Il redessine l’arrangement musical, sans contour, sans marge. On peut pénétrer sa musique.

Pour ma part j’explique cela par la capacité de Mozart, avec l’aide de son père, de simplement exprimer son inspiration d’enfant et la restituer comme telle sans retouches. De tous les compositeurs que nous connaissons, majoritairement, ils composent à l’âge adulte, et l’expression, certes grandiose, ne peut avoir l’innocence, la profondeur, l’authenticité de celle de l’enfant. À cela vous ajoutez le génie… et vous obtenez Mozart. Sans oublier que cette capacité représente également un travail non pas acharné, mais profond et sans relâche. Celui qui s’acharne met du nerf dans sa musique, ce n’est pas toujours positif, il faut que la source coule sans être contrée et resserrée et sans que l’inspiration ne soit retouchée, et Mozart attachait à cela une importance hautement symbolique.   

Enfant, adolescent en même à l’âge adulte, Mozart avait un caractère très affirmé. Que peut-on dire à ce sujet ?

Il était ingérable à tous les âges pourrait-on simplifier.

Il savait ce qu’il voulait et était prêt à tout pour suivre son intuition et sa volonté. Il avait des ambitions. Malheur à celui qui osait lui demander de rectifier son œuvre par exemple. Une personnalité complexe pour un compositeur qui a simplifié le rapport à la musique. Prenez juste en exemple sa relation avec l’archevêque Colloredo, en 1781, Mozart quitte Salzbourg et son emploi auprès de lui, avec qui il ne s’entend pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Il était capable de décision radicale.

Aussi, quand il donnait son amitié, c’était entier. Avec Haydn, il partagera des grands moments de sa vie, de son inspiration. Même si le tout Vienne a voulu les opposer à l’époque, ils sont restés amis, éprouvant une grande admiration l’un pour l’autre.

Mozart était un être sensible mais au caractère fort. Il avait une ténacité et n’hésitait pas à se mettre en danger au nom de ses convictions, de son cœur.

Peut-on dire que Mozart était un homme libre ? Quelle signification prend ce mot chez cet homme de génie ?

On ne peut enchainer Mozart, il est au-dessus de tout.

D’abord je vous parlerais du musicien. Libre oui. Totalement je suis convaincu au regard de l’œuvre et des écrits, récits, etc. Sa créativité venait de si haut que la notion de liberté devient dérisoire. Nous sommes dans une autre dimension.

Si l’enfant a joui d’une liberté évidente et « facile », l’homme, lui, a dû défendre corps et âmes sa liberté d’expression, de créativité, sa façon de vivre, son regard très précis qu’il portait sur les choses qui l’entouraient. L’acceptation de ce qu’il était lors de sa vie. Mozart s’est investi dans beaucoup d’expériences très différentes, de rencontres, et sa vision était si large qu’elle lui a posé des problèmes sérieux. Homme ambitieux, je pense que sa vie d’adulte a été plus difficile que celle de l’enfant prodige en matière de liberté. Mais cette liberté, il l’a sans cesse revendiquée, il s’est battu pour elle, sa décision brutale lorsqu’il est parti libéré de tous engagements de Salzbourg à Vienne en 1781. Lorsqu’il sentait des limites il s’enfuyait. 

Il est mort en homme libre.

Tous les compositeurs après lui ont été ses « otages » en quelque sorte, ils ont trouvé la liberté dans la prison dorée sans barreaux de Mozart, tous les musiciens même, j’en fais partie probablement. Il nous a libéré l’esprit, c’est cela la liberté qu’il nous a transmise.

Quant aux qualités que vous décelez dans l’œuvre mozartienne, permettez-moi d’en citez à nouveau son caractère lumineux, en ajoutant celles que vous décrivez comme étant « une musique si légère, soyeuse, pleine de rêve ». Sans doute, cette liste n’est pas achevée. Pourriez-vous la compléter ?

On peut compléter par tant de superlatifs. Il est émouvant dans le sens le plus large du thème. On est ému de l’enfant, du génie, de ses capacités, de son tempérament. Il faut aussi noter la transformation de la pensée de Mozart à l’âge adulte où installé à Vienne, il réalise son rêve d’Opéra « national » après la commande de l’empereur d’Autriche Joseph II pour le Burgtheater. Il va créer « l’Enlèvement au Sérail » qui sera un triomphe. C’est une nouvelle page pour Mozart où il s’ouvre un nouveau style plus large le singspiel. Lumineux jusqu’au bout.

Il n’a cessé de progresser toute sa vie, Même adulte il grandissait encore.

Peut-on parler de l’héritage de la musique de Mozart ? Vous écrivez : « Il a transformé l’histoire de la musique, il en est devenu le personnage central »

Comme je l’écris, « Mozart a donné de la dimension à la musique ». Une autre dimension pourrait-on dire. Si Bach avant lui nous avait gâtés et fait vibrer, Mozart a allégé son écriture, ses arrangements orchestraux, on est dans un schéma totalement différent. Il faut dire que Mozart a uni en lui-même l’art de Bach, la force de Haendel, la clarté et le charme les plus spirituels de Haydn. Les œuvres de Bach et Haendel vont éblouir Mozart, et il va en faire jaillir encore davantage de magie.

Permettez-moi, en conclusion, de vous interroger sur votre expérience personnelle en contact avec la musique Mozart. « Ce génie a électrisé ma vie. Mozart m’a secoué surtout poétiquement » – écrivez-vous. Quelle est la part de Mozart qui existe en vous, citant la célèbre formule à laquelle vous faites appel, et selon laquelle nous avons tous quelque chose de Mozart en nous ?

Mozart c’est la jeunesse éternelle, une force spirituelle, la magie des sens, et l’union des différences dans une harmonie contagieuse et possible grâce à une intelligence de l’oreille et du cœur.

Mozart m’a séduit dans l’enfance par l’accessibilité de sa musique puis à l’adolescence en observant qu’il avait tracé sa propre route, et changé le visage de la musique, c’est en cela qu’il m’a inspiré.

Aussi, le mariage d’amour de Mozart avec Constance m’a séduit et a confirmé toute la grandeur et la passion qui pouvaient l’habiter.

Autour de moi, j’ai découvert très tôt cette présence de Mozart dans nos vies, au-delà de la musique, c’est en cela que je me suis dit « Mozart est en chacun de nous ».

Celui qui écrit une note, des mots, celui qui laisse un témoignage, un message, l’œuvre d’une vie, sans question de grandeur mais d’engagement, ne meurt jamais, voilà l’exemple de Mozart.

Nous sommes tous dans le chœur de Mozart.

Merci pour vos questions pertinentes et votre passion pour la culture, les lettres, votre implication.

Propos recueillis par Dan Burcea

John-Frédéric Lippis, Dans le Chœur de Mozart, Éditions Lina, 2023.

John-Frédéric Lippis dans le magazine Entreprendre

Dans les cœurs de Mozart et Jean-Paul II

Marc Alpozzo et John-Frédéric Lippis

Entretien avec John-Frédéric Lippis 

Qui était Mozart ? Qui était Karol Józef Wojtyła, dit Jean-Paul II ? Pourquoi un musicien compositeur de notre siècle a décidé d’écrire sur ces deux hautes personnalités, qui nous parlaient directement au cœur ? C’est ce que j’ai essayé de comprendre en interrogeant John-Frédéric Lippis, auteur de merveilleux essais, un sur le pianiste et compositeur de génie, l’autre sur le pape et homme de foi.

Marc Alpozzo : Bonjour John-Frédéric Lippis, vous faites paraître deux très beaux textes Dans le chœur de Mozart (Lina éditions, 2022) et L’homme a la valeur de son cœur (Lina éditions, 2022). Outre, que vous jouiez dans vos deux titres sur le mot « cœur », vous abordez dans l’un des ouvrages le génie de la musique du XVIIIème siècle, Mozart, et dans l’autre, le Pape Jean-Paul II qui a laissé un héritage immense. Pourquoi ces choix ?

 John-Frédéric Lippis : Bonjour Marc Alpozzo. Très honoré d’échanger avec vous. Ces choix se sont imposés à moi naturellement. D’abord pour l’admiration que je porte à ces deux personnages hors normes et ce qu’ils m’ont apporté dans ma vie. Et plus encore, je voulais souligner combien leur existence avaient enrichis chacun de nous. Ils ont été un apport pour l’humanité. Deux grands spirituels qui ont permis de lever le nez du sol. D’une certaine manière, je dirais que nous les respirons chaque jour, ils sont dans nos vies. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu faire ces livres. Quant au cœur, il a été la base de mon éducation.

M. A. : Avec Haydn, Mozart, dont il est le contemporain, touche directement à l’âme de l’auditeur. Ne peut-on pas dire la même chose du Pontificat de Jean-Paul II, et qui nous a laissé un message important, que vous citez : « N’ayez pas peur. Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, à sa puissance salvatrice. Ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, ainsi que les immenses domaines de la culture, du développement et de la civilisation. N’ayez pas peur. » ?

J.-F. L. : Mozart a harmonisé comme nul autre ses partitions rendant les barres de mesures moins lourdes et tranchantes. Il a été l’un des premiers à donner des concerts pour le public le plus large à l’époque, à sortir des salons des « rois » réservés aux plus nobles, pour partager sa musique dans des lieux publics au moment où Vienne (1750) fut le centre de l’Europe, de la modernité et de culture. En quelque sorte Mozart a donné un sens nouveau au son et même à l’expression scénique dans ses opéras.

Jean Paul II a donné de la portée aux mots, il a redessiné peut-on lire ici ou là les cartes de certains pays d’Europe qui par son influence spirituelle ou politique a « aboli » des frontières. Le monde a bougé. Des murs sont tombés. Jean Paul II a ouvert la porte de l’Église d’un partage large et populaire avec ses Journées Mondiales de la Jeunesse. Deux rock stars pourraient-on dire, avec un message, une valise de vitamines de l’âme à distribuer à tous. Mozart a allégé l’écriture musicale, et pourtant elle a pesé plus lourd que toutes les autres écritures. Jean Paul II a apporté de la modernité et a su actualiser des textes anciens avec talent et sens.Celle-ci en est un exemple: « Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ, à sa puissance salvatrice ». Et la suite qu’il donne n’est que sa « traduction contemporaine » dans l’ère que le monde vivait à cette époque : « Ouvrez les frontières des États, des systèmes politiques et économiques, ainsi que les immenses domaines de la culture, du développement et de la civilisation. »

Ils incarnent l’harmonie. Ce sont des bâtisseurs de l’humain. Et j’ai toujours rêver de leur ressembler, en restant à ma place, celui que je suis.

M. A. : Vous êtes un musicien de renommée internationale. Wolfgang Amadeus Mozart était pianiste et compositeur comme vous. Il n’a pas vécu très longtemps, 35 ans. Il est un compositeur autrichien de la période classique, considéré comme l’un des plus grands de l’histoire de la musique européenne. Il laisse derrière lui une œuvre considérable (893 œuvres sont répertoriées dans le catalogue Köchel). Aussi, selon les témoignages de ses contemporains, il était un virtuose au piano comme au violon. N’y voyez-vous pas là l’expression du divin dans cette étoile filante ?

J.-F. L. : Mozart a reçu une formation musicale rigoureuse de son père dès son plus jeune âge. Musicien virtuose, c’est certain, mais plus encore, son œuvre relève du divin. On dépasse ici toutes les formes et expressions. Nous avons à faire à l’œuvre d’un personnage qui a créé la majorité de ces œuvres lorsqu’il était enfant, adolescent. Ces tournées de représentations les plus flamboyantes furent celles de l’enfant prodige qui à l’époque ont fait de lui un génie auprès du public. Aussi, sa rapidité de composition, d’écriture, relevait du divin si on y associe l’expression, la qualité d’harmonie, puis le rendu. On est au-dessus de l’imaginable. Mozart a pris le temps d’écrire alors que la vie ne lui en a pas beaucoup donné. En même temps, elle lui a offert l’éternité et le sublime.

Ces œuvres répertoriées au catalogue Köchel, constamment enrichis par des spécialistes après, nous montrent combien Wolfgang Amadeus battait la mesure, il ne se répétait pas, et se corrigeait très peu. Comme souvent lorsque l’on crée cela est un jet, cela vient vite et tout entier. C’est LA création le LA de la créativité. Ce qui est (re)travaillé devient un produit quelque chose d’« artificiel ». Il faut laisser à l’œuvre sa part de magie. Il y a une puissance invisible dans chaque création.

Lorsque vous dites « Mozart était un pianiste comme vous », j’en suis flatté, je n’ai pas son génie, mais je me suis modestement reconnu en lui, et comme beaucoup d’autres, il m’a surtout inspiré car c’est lorsque j’étais enfant que j’ai fait mes premières compositions, et reçu un premier enseignement de la musique par mon père. Puis très tôt, j’ai ressenti un lien spirituel entre la musique et moi. Et en jouant devant un public qui était impressionné de voir l’enfant que j’étais jouer ainsi, ou interprétant des œuvres, je me sentais voyager vers le plus haut. En composant j’étais pris dans quelque chose qui me dépassait. Cela a fait ma joie, mon bonheur d’enfant. Cette lumière éclaire toujours ma vie. C’est à partir de là que j’ai eu des lectures tournées vers le spirituel, vers l’univers, l’humain, je me suis ouvert totalement. Cela a totalement guidé ma vie et fondé l’adulte que j’allais devenir, même si à l’époque je l’ignorais, enfin je me le demande.

M. A. : Karol Józef Wojtyła, dit Jean-Paul II, a durant son très long Pontificat, (26 ans, 5 mois et 18 jours), le troisième plus long de l’histoire catholique à ce jour après ceux de saint Pierre (37 ou 34 ans selon la tradition, non documentée) et Pie IX (31 ans et 8 mois) a délivré à l’humanité un message profondément chrétien. Qu’y a-t-il de plus important dans l’héritage qu’il nous laisse, selon vous ?

J.-F. L. : Il nous a laissé la lumière, il n’a pas éteint lorsqu’il est parti, loin de là. Il a vécu un très long pontificat Jean Paul II. L’athlète de Dieu, comme il fut très justement surnommé, a été debout et un redonné à cette époque une ferveur à tous les chrétiens du monde. D’ailleurs, je suis persuadé qu’il a permis une espérance aux croyants qui n’existe plus aujourd’hui. Ses successeurs n’ont pas eu le même charisme. Je pense que si le message de Jean Paul II aux chrétiens et son héritage fut l’espérance, pour ma part, je suis intimement convaincu que le plus fort de tout ça, toute proportion gardée, dépasse le pape et le christianisme et soit un message, héritage universel de Karol Wojtila nous disant de vivre debout et rempli d’amour. « N’ayez pas peur ». Après avoir abattu des murs et « redessiné » les cartes il a montré un chemin de liberté pour chacun. De la dignité.

Il a incarné le courage qu’il a transmis aux personnes âgées, à la jeunesse, aux malades. Il a été un pape qui a dépassé souvent le cadre religieux, c’est tout l’homme qu’il était, et que je répète encore une fois : L’homme, Karol, était plus grand que le pape Jean Paul II.

M. A. : En tant que musicien, vous jouez dans vos titres de livres, sur le mot « cœur », que vous écrivez aussi « chœur ». La musique hante vos deux livres. Mais aussi les thèmes du courage, de l’amour, de la joie, de la fraternité. Dans un monde où la violence et l’hostilité ressurgissent de manière inquiétante, vous a-t-il semblé urgent de revenir à des valeurs chrétiennes, mais surtout humaines ? Vous avez été Chef de chœur de chorales dès l’âge de 23 ans, c’est donc d’une expérience de l’intérieur que vos écrits partent pour nous témoigner une vie mise au service de la musique, mais aussi de la charité et de l’amour universelle. Vous abordez donc la vie intérieure, à travers des textes qui n’hésitent pas à être intimistes, pensez-vous que les gens aujourd’hui se soucient encore de leur propre vie intérieure ?

 J.-F. L. : J’espère de tout cœur que les gens qui forment le « chœur » de ce monde se soucient de leur propre vie intérieure. Elle est leur santé physique, leur grandeur humaine et spirituelle. Je suis persuadé que pour beaucoup aujourd’hui il y a une volonté de ne plus se laisser instrumentaliser par la technologie même si elle nous a pris en otage. Il y a des limites humaines à ne pas dépasser. La vie intérieure permet encore la liberté. D’ailleurs je recommande à toutes et à tous, de prendre rdv avec eux-mêmes, et de se rencontrer pour la première fois pour certains. Car j’ai souvent vu des gens qui voulaient devenir quelque chose ou quelqu’un de célèbre mais qui était en fait des anonymes pour eux-mêmes. Nous devons cultiver notre vie intérieure. Elle nous mènera vers la joie, la réalisation de nos souhaits, l’accomplissement juste de notre vie, et la transmission de l’amour, d’une lumière que l’on porte dans les yeux et qui donnera confiance à ceux que nous croiserons de continuer à vivre dignement et de rendre chacun meilleur. 

Notre monde n’a jamais vécu sans guerre, sans haine, sans ignorance. Il faut avoir un regard lucide et également nourrir une volonté acharnée de bâtir l’amour chaque jour. Il y a mille raisons futiles et injustifiées de se quereller, et je me suis toujours intéressé aux deux ou trois choses sensées qui nous rassemblent. Le soleil m’émerveille, la nuit m’enrichit de sérénité ou de rêves multiples. Contemplons ce qui nous est offert. Ne nous obstinons pas à vouloir devenir star lorsque nous n’avons pas encore fait l’effort de lever la tête et d’observer une étoile et la grandeur de l’univers. La vie n’est pas de creuser des tombes mais d’élever les êtres. Il faut lâcher la pelle et passer à l’Appel.

Les valeurs qui me portent viennent de mon éducation, de mes parents. Mon père, immigré italien, arrivé en France en 1953 avec sa famille, s’est intégré par les valeurs du travail et de la famille. De petits boulots manuels et « forcés », en formations diverses, il a arpenté une France qui exigeait une carte de séjour stricte, les italiens n’étaient pas les plus gâtés. Après avoir fait des études au Séminaire en Italie, et à avoir appris le français chez lui, il se destinant à enseigner. Puis une Italie fragile et l’histoire en ont décidé autrement. Au début, il s’est adapté en France à ce qu’on lui a permis de faire : l’agriculture, la mine ou le bâtiment. N’ayant pas les mains du travailleur, car plus intellectuel, cela a été un moment difficile où il s’en est sorti par sa persévérance et le devoir de réussir. Se mariant à une française, ma mère, il a ensuite gravi les échelons de la société, et a ouvert une auto-école qu’il a tenu 42 ans, puis une société de transports. Comme pour beaucoup, on ne nous a rien fait cadeau. Mais mon père me disait que le cadeau c’était la vie et qu’elle nous donnait tout. Alors nous avons aimé éperdument la vie, nous nous sommes engagés dans l’amour des gens, la culture de la joie et du partage. J’ai grandi au son de l’accordéon de mon père dans l’allégresse absolue. Nous avons été conscient de la chance que nous avions, et de la fragilité de tout. Nous vivions fixés sur un cap, un rail, on avait la locomotive, les wagons, et la gare. Mes parents étaient la locomotive, les wagons ce que l’on faisait et notre potentiel, la gare, notre maison familiale. Un équilibre parfait. Des échecs, oui, beaucoup car nous n’arrêtions pas d’essayer des choses, de faire, de créer, d’avancer et de se former. Une vie saine qui allait me mener à la scène pour la partager. J’avais compris que : le soleil se lève tous les matins, et que si nous comptions sur les hommes pour le lever, nous vivrions dans le noir, l’obscurantisme le plus total ».

J’ai connu des moments de doute, la trahison, de façon plus rare la calomnie, mais il faut accepter lorsqu’on est dans l’action le fait de ne pas plaire. Ce que vous ne bousculez pas, vous renverse. Nous devons tenir la barre de notre navire avec autorité et respect de chacun. On a tenté plus d’une fois de me déstabiliser, de faire diversion. J’ai tenu le cap car j’étais sain et propre.

Mon expérience de chef de chœur a été une révélation, quelque chose d’irrationnel et même temps un lien entre la terre et le ciel. Le chant choral m’a toujours touché, plus encore bouleversé de sa grandeur, du voyage qu’il vous permet de faire. Dès mon enfance, je fus touché par la voix et les voix, l’harmonie. Lorsque l’on mêle son et sens, c’est l’essence même de ce qui nous porte. J’aimais secrètement le chant choral. Je n’ai jamais voulu devenir chef de chœur et je n’ai jamais appartenu à une chorale avant de le devenir. C’est arrivé par hasard, on est venu me proposer la direction d’une chorale, puis deux, puis trois. Sans vous mentir, cette expérience n’a rien eu d’artistique pour moi, elle fut initiatique, je l’ai mise sur un niveau si haut que cela m’a fait lever ma tête et mes yeux et j’ai grandi, bien plus encore, me suis élevé. Même si jusque-là j’avais toujours regardé la vie avec les yeux de l’amour, la lumière et le lien avec l’invisible a été plus haut. J’aime sincèrement les gens. Je crois en l’humanité, en l’amour.

J’ai toujours été impressionné et surtout transcendé par les voix, le chant polyphonique ou à l’unisson. Lorsque j’entendais des moines et leurs chants, cantique ou autres, résonnant des murs historiques d’un monastère, cela produisait en moi quelque chose d’indescriptible. Je me suis aussi intéressé et ému à l’écoute de chants bulgares en qui je trouvais une puissance intérieure intense. Du coup, mes lectures se sont même étendues à Omraam Mikhaël Aïvanhov.

Je trouve que le chant choral apporte la dignité, il est un appel, son équilibre nous guide. C’est une discipline qui vous libère, et l’écouter vous transmet l’harmonie et la paix. J’ai associé à cette expérience de chef de chœur le désir de rester bénévole pour qu’elle soit totalement humaine, désintéressée, pour mieux respecter et apprécier cette étape inattendue qui m’était offerte. Même si j’ai eu l’honneur de voir l’une des trois chorales me verser une indemnité. Je la reversais dans mes actions humanitaires. Je vais vous avouer quelque chose, je ne me suis pas enrichi à une époque où on me proposait des contrats, mon but était autre, les amis me disaient pense à toi, ils travaillaient pour l’argent, ce qui peut être respecté et compris, mais ma volonté était ailleurs, j’étais l’homme le plus riche du monde, je faisais ce que j’aimais, je réalisais chaque jour un rêve d’enfant, celui de m’accomplir, de grandir, de servir. On ne pouvait pas me voler, ce que j’avais était en moi. Et j’ai toujours eu le désir de donner. Je ne me suis jamais appauvri en partageant.

Beaucoup cherchaient la lumière, moi j’étais modestement engagé à éclairer là où il n’y en avait pas. La musique pour moi est une passion, un rêve, une respiration, un métier. un alibi même, allez savoir. C’est l’instrument qui me permet de délivrer le message suprême de l’amour et de partager. Ma vie se résume à cela.

M. A. : Vos deux ouvrages sont des livres de paix et de fraternité. Vous vous servez beaucoup des principes de la religion chrétienne, notamment lorsque vous vous racontez en évoquant Jean-Paul II. Pianiste, compositeur, commandant de réserve, vous vous êtes engagé dès votre plus jeune âge dans l’humanitaire et les associations caritatives. Votre livre sur Jean-Paul II s’intitule L’homme a la valeur de son cœur. Vous dites d’ailleurs qu’après un drame personnel désormais vous entendez avec le cœur. Que voulez-vous nous dire par-là ?

J.-F. L. : Oui j’entends avec le cœur aujourd’hui, après avoir regardé le monde avec le cœur pendant toute ma jeunesse, avec tant d’amour, il m’est arrivé quelque chose au milieu de la quarantaine qui a touché ce que j’avais de plus cher : mon oreille. J’ai perdu une bonne partie de mon audition, si bien que j’ai dû adapter ma vie professionnelle et sociale à cet incident. Ce fut un bouleversement total et douloureux, de ne plus entendre le chant des oiseaux le matin, en même temps une autre façon de vivre est née. je me suis moins exposé, je me suis organisé des moments de solitude plus long, moins d’échange direct, mais encore plus d’amour et de perception du monde. Ce dont j’ai toujours été convaincu m’est arrivé. Il est plus important de ressentir que d’entendre. Sauf que je ne suis plus en mesure d’entendre le chant des oiseaux. C’est dramatique. Heureusement, la technologie avec les appareils m’a sauvé et permis la possibilité d’entendre la voix de mes enfants à leur naissance.

Mon sens inné de l’adaptation m’a permis de me remettre dans une autre réalité. Nous sommes plus fort que nous croyons, et nous avons toutes les réponses en nous. Souvent on cherche la pilule miracle, elle est en nous.

Enfant, adolescent, j’écoutais des heures de musique au casque, à fond, comme on disait, alors on dit que ça vient aussi de là… mais que voulez-vous, tout ce que j’ai fait je l’ai fait à fond.

J’ai été élevé dans une famille catholique mais ouverte sur le monde et les différences. C’est en cela que j’ai apprécié Jean Paul II. Mon engagement s’est imposé à moi très tôt, c’était à la fois un accident et une chose naturelle, je l’avais en moi. Mes parents sont gaullistes, ils ont vécu ces moments avec le général, toute une époque. Ensuite j’ai eu la chance de rencontrer Pierre Messmer, il m’aimait beaucoup, lorsque j’étais adolescent il me faisait jouer avec mon accordéon pour les personnes âgées du côté de Sarrebourg en Moselle, commune où il était maire. Lorsque cette homme, compagnon de la libération ou encore ministre du général de gaulle me parlait du général, c’était quelque chose. J’ai été habité par l’essentiel dès mon enfance. Je me suis questionné toute ma vie sur le côté mathématique de la vie, son fonctionnement, et le côté spirituel, l’invisible. J’ai été marqué par deux personnages : Wolfgang Amadeus Mozart et Léonard de Vinci. Ce dernier avec sa capacité à joindre l’art et la science m’a fasciné, il incarne encore aujourd’hui la recette ultime de l’innovation. C’est cela qui m’a poussé aussi de suivre ma formation à l’École Polytechnique sur l’innovation. La spiritualité, la musique, les mathématiques, ou encore les lettres… La plus forte énergie qui m’a guidé est la créativité.

M. A. : Nous avons pensé pendant au moins 70 ans, que la paix perpétuelle de Kant avait enfin connu le jour en Occident. Les dramatiques événements qui touchent l’Ukraine aujourd’hui, et la guerre à nos portes en Europe, remettent en question nos dogmes. Vous militez dans vos livres pour la paix entre les hommes, vous êtes vous-même un homme de paix, pensez-vous qu’il puisse être possible, que le monde qui est gouverné par les passions et les désirs, puissent un jour trouver un peu de sagesse en lui ?

J.-F. L. : Kant que vous citez me parle. D’abord par un travail expérimental de création musical que j’avais accompli sur son œuvre en 1991 « l’Esthétique transcendantal », car l’étude a priori de la sensibilité à savoir l’espace et le temps m’a toujours préoccupé. Et cette « paix perpétuelle » … qui a inspiré bon nombre de chef d’État. On a pu lire beaucoup de passionnants ouvrages sur la paix, mais Kant à cette époque évoquait davantage de liberté humaine que d’autres… C’est vous le maître ici en philosophie Marc Alpozzo, je vous admire et la philosophie a donné du relief à ma vie, un espace.   

Pour maintenir la paix, il faut être en capacité de se défendre et le faire savoir. Là, c’est le commandant de réserve qui parle. Il y a une réalité implacable dans la nature humaine, celle du poids de la dissuasion.

La paix est fragile dit-on. Ce dont je suis sûr est que le plus fragile est l’humain. Je suis lucide, bien plus que mes écrits ou musiques ne pourraient le traduire. Si vous saviez combien j’ai craint toute ma vie la guerre au regard des récits de mes parents qui l’ont vécu et des anciens combattants qui m’ont transmis tant de témoignages bouleversants.

Ce monde gouverné par les passions et les désirs comme vous le dites n’est finalement que le quotidien des hommes. Ils aiment se brûler les ailes qu’ils n’ont pas. Ah ! si seulement nous serions ces oiseaux pouvant voler sans rien prendre. Dans leur ciel, il y a aussi des rapaces. La vie revient toujours à un degré de puissance, de domination, mais si nous pouvions seulement convertir cette force à l’amour, l’enseigner et inonder les êtres, les contaminer, une pandémie dont le simple vaccin serait un regard « divin ».

Revenons sur terre, touchons le sol avant les cœurs pour être cohérent et en phase avec notre monde moderne. C’est par les actes, même les plus petits, au quotidien que nous pourrons améliorer le monde, par l’exemple. Il faut envisager une liberté personne qui n’entrave pas celle de notre semblable.

Quand vous allez dans des pays comme la Chine, la toile est éducative, chez nous distractive. Certains appellent ça de la liberté, mais c’est notre prison. On s’éloigne de nos priorités et de nos vies en regardant ce qui est ineptie et pire encore. Notre jeunesse ne se forment plus ou pas assez, le niveau intellectuel baisse. Il suffirait peut-être à cette génération rivée sur les écrans à se divertir, se faisant piéger par la diversion, d’ouvrir un livre et de lire. Cela les ramènerait à la vie, aux fondamentaux, à eux, et à la paix.

C’est là, que je suis convaincu que l’art, la musique, la lecture, la philosophie, sont des éléments qui sauveront le monde et qui permettront à l’humanité de rester debout et de vivre ensemble.

J’ai entamé depuis mon plus jeune âge une promotion du Devoir de Mémoire. Je suis convaincu que la sagesse, la paix, la liberté se trouvent dans la Mémoire, c’est pédagogique.

Merci de cette interview plus encore de ce partage.

Propos recueillis par Marc Alpozzo 

« des conseils de développement personnel à la lumière papale » (John-Frédéric Lippis)

John-Frédéric Lippis, L’homme a la valeur de son cœur

Pianiste compositeur, chef de chorale reconnu, Lippis écrit désormais plus qu’il ne compose car son ouïe se dégrade. Un drame personnel qui l’a conduit à entendre avec le cœur, dit-il.

Ce livre est une méditation inspirée par Karol Wojtyla, ci-devant pape Jean-Paul II, à propos des souffrances et du courage, de la fraternité et de l’Amour avec un grand A (l’Hâmour persiflait Flaubert qui se méfiait des exaltations psychiques). Ce personnage hors norme a fortement impressionné le John-Frédéric adolescent et il s’est mis dans sa lumière.

Au point que le préfacier Laurent de Gaulle fait de John-Frédéric Lippis un saint chrétien, bénévole dès l’âge de 13 ans, un Modèle selon l’imitation de Jésus-Christ : « Dans sa simplicité, John-Frédéric transporte nos cœur par des variations sur le thème de l’amour. Il nous permet d’entrevoir l’invisible dans le visible de nos vies et de nos épreuves » p.13. Laurent est le petit-neveu du général, le petit-fils de son frère Jacques ; il a écrit un livre sur la foi de Charles de Gaulle.

L’auteur lui-même avoue, modeste : « Dans ma vie, il y a toujours eu une part de mystère, quelque chose de spécial. Il y a la foi. En Dieu, en la vie, en les hommes, en moi » p.20. Et l’on peut observer combien cette méditation à propos de Jipitou se réduit finalement à Jièfel. C’est amour et moi, je et Jean, papa et pape. Comme tous les croyants dans le sein de Dieu, Lippis se montre très assuré de soi. François Bayrou est de ce type. A propos du pape, l’auteur parle « d’une osmose entre lui et moi en toute humilité » p.50. Il crée un album de musique instrumentale pour retracer la personnalité de Karol ; désormais il écrit ces méditations.

Et des conseils de développement personnel à la lumière papale : « Retrouvez un rythme, un tempo, comme celui d’une musique qu’on va partager ensemble dans un moment de convivialité et d’amitié. Lâchez ces obligations qui ne vous apportent rien et que vous rendez indispensables, plus de surcharges inutiles, pensez à vous, aux autres, triez votre quotidien, ressourcez-vous pour mieux donner et partager. Cessez de penser comme tout le monde, sortez du moule, ayez le courage d’avoir vos opinions, votre humanité, restez vous-mêmes. Affirmez-vous selon vos opinions. Vous avez le droit d’exister, mais encore faut-il le décider… » – et ainsi de suite, p.60.

De grands mots, dans l’actualité de Noël.

John-Frédéric Lippis, L’homme a la valeur de son cœur, novembre 2022, Lina éditions  JF Lippis, 198 pages, €20,00 (non référencé sur Amazon ni sur la Fnac)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Dans le chœur de Mozart déjà chroniqué sur ce blog

« Un petit essai de plaisir » sur Mozart

John-Frédéric Lippis, Dans le chœur de Mozart

Pianiste compositeur et fondateur de l’Académie de piano JF Lippis, l’auteur engrange en tout un livre son amour de Mozart. Il aime comme lui la légèreté, la transgression des normes, l’inépuisable liberté. Ce pourquoi le titre est un jeu de mots entre chœur et cœur, deux domaines qui entrent en résonance. Quoi de mieux en effet pour se sentir « ensemble » que de chanter à l’unisson ? Dans le chœur, la fraternité n’est pas un vain mot ; ce fut l’un des mantras de Mozart, qui l’a fait entrer en Maçonnerie avec La Flûte enchantée et aimer les Lumières.

L’essai est court et ne commence que page 13, mais il diffuse en deux parties et dix-sept chapitres un peu enflés l’infusion de Mozart. L’auteur en a été ébloui enfant, et surtout adolescent avec La marche turque et la Symphonie n°40 en sol mineur. Pas besoin d’être musicien et de toucher d’un instrument pour le comprendre intimement, tant la musique de Mozart pénètre chacun, quelle que soit sa classe sociale ou son niveau d’études, sans avoir à y penser.

Certains propos ressortent plus d’une émission de radio-copains que d’un « livre » mais quelques formules sonnent juste. « Il reste quelque chose de très marqué chez Mozart, c’est son incessante créativité et son désir de fuite, de liberté, vers la lumière, l’inconnu. Mozart bouge en permanence, et son répertoire est un magnifique catalogue de voyage, faisant rêver et donnant du bonheur » p.125. Avec Don Giovanni ou Don Juan, Jean voulant dire « jeune » : « Mozart était aussi un rendez-vous intime permanent. Il renferme dans son être en existence finalement tous les éléments qui font la vie, ses couleurs, ses drames, ses plaisirs, ses joies » p.119.

Un petit essai de plaisir.

John-Frédéric Lippis, Dans le chœur de Mozart, 2022, Lina éditions, 142 pages, €19,99 vente directe sur site

Le site de l’auteur

John-Frédéric Lippis sur le thème « La quête spirituelle habite t-elle toujours les grands artistes ? » invité de Marie-Ange de Montesquieu

« La quête spirituelle habite-t-elle toujours les grands artistes ? »

En Quête de Sens  09h05 Réécouter l’émission ICI

Joséphine Barbereau, crée les kits Little io qui proposent aux familles de découvrir avec les enfants les héros des mythes fondateurs à travers tous les arts. Elle collabore depuis de nombreuses années avec les éditions Diane de Selliers. Les grands mythes à travers l’art – Little io

Christian Doumet,professeur de lettres et écrivain. Vient de paraître chez Arléa-poche « Segalen ». Segalen : Arléa (arlea.fr)
Victor SEGALEN : poèmes, biographie, oeuvres et recueils (unjourunpoeme.fr)

John-Frédéric Lippis, pianiste, compositeur et auteur. Dernier livre paru « Dans le chœur de Mozart » (Lina Editions).
Dans le choeur de MOZART (johnfredericlippis.com)
L’auteur compositeur | Paris | John-Frédéric Lippis (johnfredericlippis.com)