LA QUINZAINE LITTERAIRE – Du 1er au 15 janvier 2010
Catégorie : Antoinette Fouque
France Infos interviewe Antoinette Fouque lors de la Journée Internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (le 25 novembre 2009 à 15 h 46) – Questions posées par Laurence Jousserandot
L’invitée du jour est Antoinette Fouque, cofondatrice du MLF , présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie et éditrice, elle lutte contre les violences faites aux femmes. Elle réclame un Grenelle sur la condition des femmes. La violence faite aux femmes a été déclarée « Grande cause Nationale » pour 2010. Antoinette Fouque vient de publier « Qui êtes vous, Antoinette Fouque ? » chez Bourin-Editeur (le 13.11.09).
En librairie le 4 décembre 2009, un long entretien d’Antoinette Fouque avec Marcel Gauchet sur La Gestation pour autrui (revue Le Débat – Gallimard)
Christine Clerc rend compte du spectacle de Eve Ensler et du nouveau livre d’Antoinette Fouque (Valeurs actuelles du 3 décembre 2009)
Quelle semaine ! Par Christine Clerc
Pour un peu de tendresse
Christine Clerc le jeudi, 03/12/2009
dans VALEURS ACTUELLES
Attention! Là, nous entrons “dans le dur”! Il ne s’agit plus de discuter du sexe des anges – de savoir si les femmes constituent “une minorité visible” ou plus de la moitié de l’humanité. Il n’est plus temps de se déterminer pour ou contre la parité. Le sujet, c’est la mort. Cent cinquante-sept femmes tuées chaque année,rien qu’en France, par leur compagnon ; des dizaines, des centaines de milliers violées, torturées, massacrées dans le monde. À l’invitation des Éditions des Femmes, la dramaturge américaine Eve Ensler, auteur des Monologues du vagin (traduits en 45 langues et joués en France devant plus de 700 000 spectateurs) réunit ce lundi soir au Théâtre Michel plusieurs stars – Marie-Christine Barrault, Andréa Ferréol, Christine Orban, etc. – qui lisent chacune un témoignage.
Défilent les villages africains en flammes, les femmes enceintes éventrées, les fillettes excisées, les petites prostituées asiatiques qui mourront du sida à 17 ans, l’adolescente bosniaque emmenée par les soldats… Pourquoi cette haine,parfois attisée par les grands prêtres, du corps de la femme ? Et pourquoi cette lâcheté générale devant les atrocités qu’on lui fait subir ? « J’aimerais que tous ces événements ne se soient pas déroulés comme je vous les ai racontés », conclut l’écrivain Carol Michele Kaplan dans le beau texte lu par Daniel Mesguich, où elle imagine qu’un homme, témoin de l’horreur, s’est dressé en chevalier blanc pour intervenir. «Mais ce n’est pas le cas : le soldat a tué… et je n’ai pas pris la parole pour défendre la jeune fille fouettée à mort. J’ai tourné le dos… »
La philosophe Antoinette Fouque a son explication, qu’elle nous livre dans un ouvrage d’entretiens avec Christophe Bourseiller : contrairement à ce qu’ont prétendu Freud et Lacan,les femmes n’envient pas le sexe des hommes,mais les hommes envieraient – certains,jusqu’à la fureur– la capacité des femmes à donner la vie. (…)
Dans le site de L’Express, Julie Saulnier a pensé à recueillir la pensée d’Antoinette Fouque (formulée notamment dans son nouveau livre chez Bourin Editeur) – le 26 novembre 2009
Qu’elle est la condition des femmes en 2009 ? Qu’est-ce qu’être une femme en 2009 ?
Carine Favier, présidente du Planning Familial: « C’est difficile à dire car il y a un grand fossé entre les mères de familles mono-parentales qui vivent souvent dans des situations précaires et les femmes diplômées conscientes de leur droit et qui luttent pour les faire progresser. Mais malgré toutes ces différences, je pense que ce qui rassemble les femmes d’aujourd’hui est la volonté de mener de front leur vie professionnelle, leur vie affective et familiale. Rares sont celles qui sont prêtes à renoncer à un emploi pour avoir des enfants ou vice-versa. »
Antoinette Fouque, présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie: « Depuis plus de quarante ans, nous nous sommes battues pour que les femmes deviennent citoyennes à part entière et qu’elles aient le droit de réaliser l’intégralité de leurs compétences. Et nous avons gagné en droits et en libertés plus que jamais dans l’histoire. Les Françaises ont le plus fort taux de fécondité de l’Union européenne et une activité professionnelle tout en élevant leurs enfants. Elles s’affirment pleinement créatrices dans tous les domaines. »
Saphia Azzeddine, écrivaine: « D’une part, je ne m’envisage pas uniquement en tant que femme. Et puis je ne milite pas, j’écris des bouquins ou les femmes disent ce qu’elles pensent. Je pense qu’être une femme est à peu près la même chose qu’être un homme en 2009, à quelques détails près: les salaires, les baffes et dans certains pays les droits. Plus sérieusement, une femme en 2009 c’est s’accommoder de nos illusions de femmes libres et toujours relativiser nos désillusions. Sans ça, la femme 2009 serait un kamikaze. »
Quelles sont les principales difficultés auxquelles sont confrontées les femmes ?
A.F : « Mais la crise économique et le backlash, ce qu’il faut bien appeler une contre-libération menaçante, mettent en péril celles qui sont en situation fragile, c’est-à-dire une majorité des femmes qui sont 75% des plus pauvres en France comme dans le monde, et la pauvreté ne cesse de se féminiser.
L’Observatoire National de la Délinquance vient d’annoncer pour 2008 une forte augmentation du nombre des violences contre les femmes. Une femme meurt tous les deux jours et demi du seul fait des violences conjugales. Au niveau mondial, ce sont 160 millions de femmes qui manquent à l’appel de la population mondiale du fait des violences et des discriminations qu’elles subissent. Oui, la situation des femmes se dégrade comme se dégrade celle de la planète, mais la conscience, elle, se développe. L’écologie fait désormais partie à part entière des programmes politiques. Il faut que l’ensemble des partis et des gouvernants mettent en oeuvre une écologie humaine au coeur de laquelle se trouvent les femmes. Il faut une politique globale pour les femmes, une prise de conscience et une volonté politique. »
C.F : « L’égalité est encore loin d’être acquise: le taux de chômage chez les femmes est plus important que chez les hommes, les salaires moins élevés, la précarité est souvent plus importante… Même en ce qui concerne les études, il existe une différence flagrante. D’après un sondage réalisé en 2009, 61% des parents sont prêts à prendre en charge l’intégralité des frais de scolarité de leur fils. Ce chiffre tombe à 48% pour les filles [ndlr: enquête Ipsos/Crédit Agricole]. Les femmes souffrent également de discriminations notamment au moment de leur recherche d’emploi. »
S.A : « Les gouttes de pipi sur la cuvette des wc, les blagues de cul pas drôles et ces hommes qui entendent oui alors qu’elles disent non. En effet, se rendre compte que des fondamentaux que l’on croyait acquis soient remis en cause. »
Quelles évolutions avez-vous constaté sur cette question depuis le début de votre engagement ?
C.F : « Aujourd’hui, les notions de parité et d’égalité paraissent évidentes. Les femmes savent qu’elles doivent lutter pour leurs droits. La possibilité de travailler a permis d’élargir l’autonomie des femmes même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous avons constaté au Planning familial que la situation des femmes a plus changé dans les mentalités que dans la réalité: elles veulent qu’on les traite d’égal à égal avec les hommes; elles ont parfois même l’impression que c’est déjà le cas, mais lorsqu’on regarde les études faites sur le sujet, on se rend compte qu’on est encore loin du compte. »
S.A : « Qu’il y ait une journée de la femme au mois de mars et qu’on nous offre des fleurs. Non je plaisante, c’est même une régression. Le numéro vert par contre, ça c’est bien! Sauf quand la mâchoire est cassée et donc là ça ne sert à rien. »
Comment lutter contre la violence faites aux femmes ?
C.F : « Il est très important de travailler sur la prévention. Avec le Planning Familial, nous organisons régulièrement des ateliers ou des forums pour améliorer les relations entre les filles et les garçons. Il est indispensable de faire comprendre aux gens, même aux plus jeunes, que les différences biologiques ne doivent pas être un prétexte aux différences sociales. Nous organisons également des groupes de parole, notamment avec les auteurs de violences, pour leur faire prendre conscience de la gravité de leurs actes. »
A.F : « J’ai proposé en 2008 un Grenelle des femmes, non seulement sur les violences mais sur l’apport vital des femmes à la société. Il faut un Grenelle des femmes pour connaître et reconnaître ce que l’humanité leur doit, ce qu’elle peut en recevoir. Pour, face à la guerre économique, préparer la venue de l’économie de mise au monde, de création, de créativité, dont elles sont porteuses.
S.A : « D’un point de vue physique, rendre les coups autant que cela est possible et partir après le premier coup, pas le deuxième. »
Que pensez-vous de la loi proposée par Michèle Alliot-Marie ?
C.F : « Le Planning Familial n’est pas à l’origine de cette loi mais nous en sommes globalement plutôt satisfait. Nous regrettons simplement qu’elle n’aborde pas du tout l’aspect préventif qui est essentiel à nos yeux. De plus, nous sommes contre la création de tribunaux spéciaux pour juger les auteurs de violences faites aux femmes. Il est important que les coupables soient punis mais nous ne voulons d’une judiciarisation à l’extrême de ces questions. »
Et pour vous, c’est quoi être une femme aujourd’hui ?
Comment a évolué le statut des femmes dans notre société ?
Madeleine Chapsal, téléspectatrice de « Ce soir ou jamais »… a bien lu Antoinette Fouque (le Populaire du 27.11.09)
Dans le Populaire du Centre du 27 novembre 2009, Madeleine Chapsal, qui a regardé l’émission de Frédéric Taddeï mardi 24 novembre, nous en livre ses impressions…
QU’EST-CE QU’UNE FEMME ?
En ce mois de novembre, deux dates ont concerné la condition des femmes. Le 25, la Sainte-Catherine, fête traditionnelle de la couture, silencieux métier, sous-payé, où l’on trouve normal de cantonner les femmes. Le 26 : journée pour dénoncer le fait qu’il meurt une femme tous les deux jours sous les coups de son compagnon, d’autres étant estropiées.
Ce qui dépasse l’entendement c’est qu’on n’en soit pas autrement scandalisé et qu’il y en ait encore pour dire et penser, comme chez Taddei à la télévision : « L’homme a besoin d’affirmer sa virilité ! »
C’est pour étudier les racines d’une misogynie toujours active qu’il faut lire le petite livre consacré à Antoinette Fouque, la fondatrice du MLF – Mouvement pour la Libération des femmes.
Née en 1936 , à Marseille, cette femme remarquable, à la fois psychanalyste, philosophe, écrivain, élue au Parlement européen, fondatrice d’une maison d’édition, Les Editions des Femmes et de librairies en France, n’a cessé d’agir et de réfléchir à la question qu’avait posé Sigmund Freud sans pour autant y répondre : qu’est-ce qu’une femme ?
Antoinette Fouque nous fait faire quelques pas en avant. Déjà en rappelant qu’il y a deux sexes, ce que cherche à nier un féminisme dont Antoinette se sépare pour parler de « féminologie » ; nouvelle science sociale qui se donne pour objet une « peuplade », les femmes, dont l’histoire n’existe qu’en ombre portée de celle des hommes.
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Dans « Qui êtes-vous Antoinette Fouque ? » elle dénonce quantité d’abus criminels, l’excision, la lapidation, dont un primordial : des millions de femmes dans le monde se voient refuser le droit à l’instruction. Pourtant, ajoute-t-elle : « Je connais des régions de l’âme et du cœur,chez des êtres ne sachant ni lire ni écrire qui sont d’une richesse bien supérieure à ce qu’on trouve chez de plus instruits. » Cet antiféminisme, chez nous insidieux, Fouque en voit le germe dans le déni masculin d’une réalité qu’ils prennent pour une infériorité : ce sont les femmes qui portent les enfants ! D’où jalousie : ils auraient une envie secrète de l’uterus comme nous, d’après Freud, l’envie du pénis…
Bien d’autres idées neuves et bouleversantes se trouvent dans ce petit livre où parle une femme qui s’est installée d’emblée dans l’altérité . Une façon de vivre et de penser loin d’être acquise dans nos sociétés, même par les femmes qui parviennent au pouvoir (casées par les hommes que cela arrange…). Or pas de progrès humain possible si l’on n’accepte pas l’idée qu’il existe deux sexes à la fois différents et égaux : aucun ne devant être soumis à l’autre ! La misogynie, ultime racisme et colonialisme, dont témoigne violemment la burka…
Qui êtes-vous Antoinette Fouque ?
Entretien avec Christophe Bourseiller
Editions Bourin, 19 euros, 154 pages.
Dans Le Figaro, Agnès Leclair interroge Antoinette Fouque sur les violences psychologiques dans le couple (26.11.09)
LE FIGARO DU 26 NOVEMBRE 2009 – JUSTICE
Par Laurence de Charette et Agnès Leclair
« C’est une avancée considérable, a expliqué hier François Fillon en annonçant la création d’un délit de « violences psychologiques » au sein du couple. La création de ce délit va permettre de prendre en compte les situations les plus sournoises, ces situations qui ne laissent pas de traces à l’oeil nu mais qui mutilent l’être intérieur des victimes. »
L’annonce du premier ministre s’appuie sur une proposition de loi déposée par Dominique Raimbourg (UMP) et Serge Blisko (PS) issue des travaux menés par la mission parlementaire de lutte contre les violences faites aux femmes, un texte qui a reçu l’approbation de Nadine Morano, ministre délégué à la Famille, et le soutien de la garde des Sceaux.
Michèle Alliot-Marie souhaite en effet s’appuyer sur ce texte, qui devrait être examiné à l’Assemblée au début de l’année prochaine, pour introduire dans le Code pénal la répression des violences psychologiques au sein du couple. Même si la définition exacte de ce nouveau délit est en discussion entre les parlementaires, qui veulent instituer un délit spécifique, et la Chancellerie, qui envisage simplement d’inclure les violences psychologiques au sein de l’ensemble des violences.
L’idée de sanctionner pénalement des violences morales dans la vie intime étend en tout cas considérablement le champ d’intervention de la justice, et suscite le débat. L’USM, principal syndicat de magistrats, se montre sceptique. « La preuve ne sera pas facile à apporter », prévient son secrétaire général, Laurent Bédoué. Dans leurs travaux, les parlementaires se sont inspirés du « harcèlement moral » au travail pour définir la violence psychologique dont pourrait être l’objet un conjoint. Ils visent « des agissements ou des paroles répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’entraîner une altération de sa santé physique ou mentale » et suggèrent une sanction maximale de trois ans de prison et de 75000 euros d’amende. « Les dossiers de harcèlement au travail ne donnent pas toujours lieu à des poursuites, faute d’éléments constitutifs suffisants », prévient un procureur. Mais les parlementaires, comme la Chancellerie, estiment que les témoignages de proches ainsi que des expertises psychologiques pourront servir de preuve.
« Grenelle des femmes »
Dans la pratique, les magistrats sont déjà confrontés à la violence morale au sein du couple, dans des dossiers de divorce. « Ils se basent sur ces violences morales pour régler par exemple en urgence la séparation physique des époux », explique l’avocate Hélène Poivey-Leclerq. Ils s’appuient sur la loi de 2004, qui a ajouté le « respect» aux obligations entre époux.
Si les associations de lutte contre ces violences ont salué cette avancée, la féministe Antoinette Fouque a, pour sa part, jugé qu’il ne s’agissait que d’ « un morceau du puzzle » et appelle à l’organisation d’un « Grenelle des femmes » .
Auteur d’une enquête sur les maltraitances invisibles, Jean-Baptiste Drouet dénonce enfin une « dérive judiciaire » . « Bien sûr, la manipulation et les pervers existent. Mais créer une loi spécifique revient à ouvrir la boîte de Pandore de la victimisation, souligne-t-il. Dans le couple, lieu des règlements de comptes affectifs et des rancoeurs, tout le monde peut se déclarer victime. »
Ouest-France et la « féminitude » – Le 25 novembre 2009
VIOLENCES : Communiqué officiel de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie (Présidente Antoinette Fouque) du 23 novembre 2009
Alliance des Femmes pour la Démocratie
Présidente : Antoinette Fouque
COMMUNIQUE OFFICIEL DU 23 NOVEMBRE 2009
(pour interviewer Antoinette Fouque, joindre son attachée de presse au 06.84.36.31.85)
La lutte contre les violences misogynes s’est imposée comme une des priorités dès les premières réunions du Mouvement de Libération des Femmes en 1968. Aujourd’hui, après 41 années de formidables conquêtes de droits, ces violences sont pourtant plus meurtrières que jamais.
En 1990, notre Observatoire de la Misogynie recensait en France 360 meurtres de petites filles, jeunes filles ou femmes, en raison de leur sexe. Il a fallu attendre encore 10 ans pour que les premières statistiques officielles viennent confirmer la gravité de cette guerre quotidiennement faite aux femmes.
A la veille de la Journée Internationale pour l’Elimination de la Violence à l’égard des Femmes, les derniers chiffres délivrés par l’Observatoire National de la Délinquance font apparaître que le nombre de femmes victimes de violences, particulièrement au sein de leur foyer, est en augmentation : 312 000 femmes victimes de violences sexuelles, et 1 million, de violences physiques. Dans le même temps, le rapport souligne qu’elles portent de moins en moins plainte.
Selon les sources officielles les plus récentes, une femme meurt tous les deux jours et demi, du seul fait des violences conjugales. Hier encore, on apprenait que Kavidha Bala, 29 ans, agressée et menacée par son mari depuis de longs mois, au su et au vu de tous, a été brûlée vive à Meaux sous les yeux de sa fille de 8 ans.
Le nombre de victimes du gynocide perpétré dans le monde ne cesse de croître.
Ce sont aujourd’hui 200 millions de femmes qui manquent à l’appel de la population de la planète.
Dès 1990, Antoinette Fouque travaillait à une Loi-Cadre pour que, du plus réel au plus symbolique, la condition des femmes devienne une priorité d’action, au bénéfice de tous.
Le 25 novembre 2007, elle appelait à ce que la lutte contre les violences faites aux femmes soit reconnue Grande Cause Nationale. De nombreuses associations, rassemblées en collectif, dont l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, l’ont obtenu pour 2010.
Il faut aller plus loin. Il faut une Politique Globale pour les femmes, généreuse et déterminée, qui prenne en compte les causes profondes des discriminations et des violences qui les frappe, et leur apport vital à l’humanité. Il faut des mesures vigoureuses et de longue durée. Comme Antoinette Fouque le propose depuis 2008, il faut un Grenelle des femmes pour oeuvrer à une nouvelle alliance entre les femmes et les hommes, à un nouveau contrat humain.
CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, le 25 novembre, lire le texte d’Antoinette Fouque (postface du livre « Des Mots pour agir », qu’elle a publié le 13 novembre 2009)
DES MOTS POUR AGIR – CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES – SOUVENIRS, MONOLOGUES, PAMPHLETS, PRIERES – PARUTION LE 13.11.09 AUX EDITIONS DES FEMMES-ANTOINETTE FOUQUE
SOUS LA DIRECTION DE EVE ENSLER ET MOLLIE DOYLE
PREFACES DE RAMA YADE ET NICOLE AMELINE
POSTFACES DE JANE FONDA ET ANTOINETTE FOUQUE
POSTFACE D’ANTOINETTE FOUQUE
POUR UN NOUVEAU CONTRAT HUMAIN
Pas un jour depuis quarante ans sans le souci de résister, de comprendre et d’avancer avec des millions d’autres femmes. Les progrès de ces quatre dernières décennies ont sans doute été plus décisifs que durant deux mille ans d’histoire, mais le constat négatif reste affligeant et excède largement les victoires. Partout sur la planète, encore et davantage, les femmes sont victimes d’une violence unilatérale, celle de la domination mâle dans tous ses états : privés, publics, économiques, sociaux, culturels, religieux, politiques, symboliques, réels, imaginaires… Comme si au fur et à mesure que s’affirmait leur libération, une contre-libération machiste les encadrait, les déportait, les emprisonnait, les écrasait. Chaque jour, le courage et la force des femmes défient un destin qui ne leur est pas imposé par Panatomie mais prescrit par les traditions, et construit par les civilisations et l’histoire.
La libération des femmes, la plus longue des révolutions, doit s’attendre à la plus longue et la plus sanglante des contre-révolutions. Nous devons nous armer de patience vigilante et engager notre courage dans des risques lucides. La contre-offensive – le backlash – s’est conjuguée à une crise économique, politique et symbolique mondiale dès le premier geste de réparation envers les femmes (conférence de l’ONU consacrée aux femmes, à Mexico, en 1975). Le retour des religions a précédé la montée des intégrismes. Dès le milieu des années soixante-dix, la protestation virile, la paranoïa monothéiste, plongeaient les racines de Pantiféminisme dans la misogynie.
Amartya Sen a reçu en 1998 le prix Nobel d’économie pour l’ensemble de ses travaux dont beaucoup sont consacrés à la condition des femmes. Il est traduit en France depuis plus de quinze ans et il n’a pas fait école. Son ouvrage est loin d’être un « best-seller » et le gynocide qu’il dévoile n’a pas éveillé une seule de nos grandes consciences inîello-niédiatiques. J’ai cité à maintes reprises, en particulier au Parlement Européen son enquête-scandale, sans susciter le moindre écho. Une femme disparaît ? Non, cent millions de femmes manquent à l’appel en permanence. Cent millions de déficit au capital humain. Désastre humain. De la violence réelle à la violence symbolique, du viol au voile, des meurtres conjugaux à la charia, le massacre continue et s’amplifie. Chaque jour, « si c’est une femme », les journaux banalisent le danger de mort.
Dans le nouveau monde, à Ciudad Juarez, le long de la frontière entre le Mexique et le Texas, plus de cinq cent femmes ont été assassinées depuis 1993, après avoir été mutilées, torturées, violées, et ce, en toute impunité.
Dans notre vieille Europe, en Octobre 2002 dans la banlieue parisienne, la jeune Sohane a été brûlée vive dans un local à poubelles par un amoureux éconduit. Aucun des responsables politiques qui ont protesté le même jour contre un crime raciste et un attentat homophobe n’a manifesté d’indignation pour cet assassinat sexiste ni exprimé de compassion pour la jeune martyre. On sait que cette torture mortelle s’est largement répandue en Europe. Le 1er Juillet 2003, une jeune actrice très populaire est battue à mort par son compagnon, un musicien « politically correct », sympathisant des aiter-mondialistes. Après une forte excitation médiatique, la presse noble recense sobrement les événements de l’année 2003 : «Marie Trintignant meurt après une violente dispute ». En France, l’insécurité routière tue moins depuis quelque temps, mais, chaque mois, la violence unilatérale tue cinq femmes qui finissent dans les brèves des « faits divers », autrement dit avec les «chiens écrasés ». Et, en Espagne, le terrorisme domestique tue plus que l’ETA.
Les femmes, pauvres parmi les pauvres, sont de plus en plus pauvres. À mon arrivée au Parlement Européen en 1994, j’ai trouvé un premier rapport intitulé La pauvreté se féminise en Europe. D’autres ont suivi.
Alors que les femmes produisent les deux tiers des richesses mondiales, elles n’en détiennent que 1%, ne reçoivent que 10 % des revenus disponibles, et sont 75 % des plus pauvres. En se libéralisant, nos démocraties imposent aux femmes, souvent en charge de familles mono-parentales, travail informel, emploi précaire et chômage. En se désocialisant, la France menace les gynécologues, supprime les maternités, se sous-équipe en maisons de retraite. L’immense majorité des victimes de la canicule de l’été 2003 ont été des femmes.
L’Occident et l’Orient mettent le feu à la planète et aux femmes, et le monde brûle. Dedans, dehors, dans la famille, dans la rue, à l’école, sur les routes, dans les quartiers, les cités, dans les campagnes, dans les sociétés de droit comme ailleurs, riches ou pauvres, traditionnelles ou modernistes, à tous les niveaux d’analyse possible, les femmes ont à faire face à une guerre particulière, comme si leur corps doté d’une fonction indispensable pour l’espèce, la fonction génésique, était l’objet d’une haine immémoriale.
Pourquoi de telles régressions démocratiques ? C’est moins l’engagement des femmes qui est en cause que la non pertinence des analyses, tant politiques que psychanalytiques. Ai-je assez insisté sur les défauts structurels qui, à travers les différents modèles de solution au problème, perpétuent la condition catastrophique des femmes dans l’histoire : le modèle traditionnel du tota mulier in utero ; le modèle républicain uni(sex)versaliste qui court après un féminisme indifférentialiste du tota mulier sine utero ; le premier, l’exploitation voulue, le deuxième, l’exploitation déniée. Le modèle démocratique, lui, recyclage et compromis des deux précédents, prétend harmoniser vie familiale et vie professionnelle ; le taux de fécondité, déporté du corps des femmes dont il dépend vers la famille ou la science démographique, dénie et exploite ce que j’ai appelé de longue date la production de vivant, qui s’ajoute en bien des cas au travail domestique et à l’activité professionnelle en une triple production.
Je pense qu’au fondement de cette haine envers les femmes, qui ravage l’espèce humaine, il y a l’envie primordiale, archaïque, universelle et radicalement déniée, de leur capacité procréatrice, une envie d’utérus qui taraude infiniment plus l’inconscient mâle que l’envie de pénis la conscience féministe. Il faut en penser les effets politiques que sont, dans tous les champs, les violences réelles et symboliques infligées aux femmes.
L’ennemi principal de la libération des femmes n’a pas été suffisamment désigné : c’est le monisme mâle, le phallocentrisme, l’égocentrisme, le Un comme seul représentant de toute l’espèce humaine. Des monothéismes à l’égalité républicaine, il n’y a que de l’Un : un seul Dieu, mâle, une seule libido, phallique, une seule économie, capitaliste-libérale, une seule citoyenneté, neutre, un seul sujet» universel, un seul sexe, un seul individu, monadique, hors connexion. Mais voilà, si Dieu a besoin des hommes, les hommes ont besoin de « la race des femmes » pour leur faire des enfants, d’où la colonisation du continent noir, la mise en esclavage – la femme comme instrument vivant -, l’appropriation de l’utérus, principal moyen de production, l’exploitation de la production utérine.
La procréation, maîtrisable et pensable, ne peut plus être un esclavage. Elle n’a plus à être oubliée, refoulée, forclose, mise en position de menace inconsciente du moi paranoïaque. Il faut en foire, au contraire, le motif du travail sur la différence. Libérer à la source la libido creandi des femmes lance un défi permanent à la guerre et à la pulsion de mort. Elle donne lieu, au XXIe siècle, à une révolution pour le genre humain et ouvre à la génialité des deux sexes.
Survivors, super vivantes plutôt que survivantes, bien au-delà de leur condition de victimes, là où elles portent un triple fardeau, les femmes trouvent l’énergie, pour peu qu’on les y encourage, de se transformer en actrices principales du changement, en force de proposition, en coeur battant d’une triple dynamique de démographie, de développement et de démocratie, pour accomplir une triple révolution, du symbolique, de l’économique, du politique. En Afrique, 95 % des O.N.G sont prises en charge par des femmes, mais le sida ravage leurs enfants. Au Niger, elles font reculer le désert, reconquièrent et irriguent, par un travail acharné, la terre devenue stérile pour nourrir la population et faire revivre les marchés dans les villages.
Ni soumises ni esclaves, sans dieu ni maître, laïques, des femmes déjà s’éloignent de la genèse du Livre, dont les Écritures les ont forcloses, pour apprendre à lire en se rappelant, en remerciant, en pensant le lieu d’où elles viennent sans y revenir mais en allant de l’avant ; des femmes ont commencé à vivre leur nouvelle condition historique, à inscrire la genèse d’une modernité tardive. Bouleversements. Viennent les temps des fécondités croisées. Charnelles et spirituelles. Pour un nouveau contrat humain. Ensemble. Tempus est creandi. Pour chacun des deux sexes, l’un par l’autre enrichi, sans dette ni marchandage.
L’ancien monde et l’histoire moderne s’en vont. Au commencement… Cette fois encore. Pensée première et force de proposition. Courage de concevoir, de porter, de mettre au monde ce qui vient. Ni riveraines ni sans rivage, ni sédentaires ni nomades. Mémoire gracieuse. Promesse durable. Pulsion de vie enfin, alliance, résistance, délivrance ; sexe jouant, corps travaillant, chair pensant, des femmes, dès maintenant, libres, en mouvements.