Le 8 mars : La Journée des femmes – Oeuvre d’Antoinette Fouque ! –

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L’hebdo et le 8 mars :

Le 8 mars 1980, sept mille femmes manifestent en rouge à Paris sur le thème « Vive l’indépendance érotique et politique des femmes ! »

En mars 1981, c’est la préparation des « Assemblées des femmes contre la misogynie », le début d’une campagne vaste et prolongée, au cours de laquelle des milliers de femmes remplissent des « cahiers de remontrances » sur leur lieu de travail, auprès de leurs amies.

A partir de novembre 1981, l’hebdo répercute et amplifie la « campagne d’initiative populaire » lancée par le MLF pour que le 8 mars, Journée internationale des femmes, devienne en France fête nationale, jour férié, chômé, payé pour toutes, « de même qu’en 1947 un gouvernement de gauche avait honoré la lutte des travailleurs en reconnaissant le 1er mai comme leur journée de manifestations et de fête ».

L’hebdo participe au recueil des 50 000 signatures et à la mobilisation pour quatre journées de fêtes et de manifestations à Paris, du 5 au 8 mars 1982. Printemps précoce : le 8 mars est un lundi et les douze mille femmes, venues de toute la France et de nombreux pays, sont en grève. Elles manifestent habillées de vert, cortège tonique, chantant, dansant, survolé par des milliers de ballons, après des « Etats Généraux des femmes » à la Sorbonne et un concert au Cirque d’Hiver…

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Historique :

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En 1910, Clara Zetkin, s’inspirant des socialistes américaines qui ont célébré un « Women’s day » l’année précédente, propose au deuxième Congrès international des femmes socialistes, à Copenhague, de créer une « Journée internationale des femmes ».

On a longtemps dit que la date du 8 mars avait été choisie pour célébrer une manifestation d’ouvrières violemment réprimée à New York, en 1857.

En 1908 et en 1909, des milliers d’entre elles auraient manifesté plus fortement encore en réclamant « du pain et des roses ». Une certitude : depuis la seconde moitié du XIXème siècle, des ouvrières, aux Etats-Unis et en Europe, manifestent en grand nombre pour leurs droits sociaux, et les débuts du XXème siècle voient s’intensifier l’action pour le droit de vote des femmes.

En 1911, des femmes manifestent en Europe – un 19 mars, date choisie en commémoration de la Révolution allemande de 1848 et de la Commune de Paris.

En 1914 et en 1915, elles se mobilisent contre la guerre.
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A Pétrograd, le 8 mars 1917 (23 février selon le calendrier julien), les ouvrières sont nombreuses à réclamer « du pain et la paix », c’est le début de la Révolution russe, la ville se soulève et le tsar doit abdiquer. La tradition est créée.

Avant et après la Seconde Guerre mondiale, dans divers pays du monde, des femmes se rassemblent à cette date pour revendiquer l’égalité et s’insurger contre le colonialisme, le fascisme, le nazisme, l’impérialisme.

Les mouvements de libération réactivent cette journée dans les années 70 et lui donnent une nouvelle portée symbolique.

Désormais, chaque 8 mars, dans le monde, des femmes, indépendantes, se manifestent pour leurs droits sexuels, économiques, politiques, contre les violences et les inégalités. C’est aussi un moment privilégié pour le débat, l’information, l’action politique.
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L’ONU suit et adopte en 1977 une résolution qui invite tous les Etats à l’officialiser, comme c’était déjà le cas dans les pays socialistes. La France le fait en 1982, au terme d’une longue campagne, d’un appel à la grève et de manifestations massives.

Dans l’histoire moderne, la Journée internationale des femmes a été marquée, entre mille événements, par la révolte des Iraniennes contre l’obligation du port du voile en 1979 – 50 000 femmes dans la rue à Téhéran tous les jours pendant une semaine ; l’appel du MLF français à la solidarité avec le mouvement naissant en URSS mobilisé pour la liberté des rédactrices du journal « Femmes et Russie » en 1980 ; les Etats généraux des femmes à la Sorbonne en 1989 ; la manifestation de 10 000 personnes à Paris contre les viols massifs et systématiques en ex-Yougoslavie en 1993 ; des manifestations pour la parité et la laïcité en France, contre la pauvreté et les discriminations au Québec, dans les années 2000 ; le lancement de la Charte des femmes pour l’humanité, au Brésil, en 2004

Et aussi, par des manifestations au Bangladesh contre les agressions à l’acide, au Pakistan contre les « crimes d’honneur », en Turquie pour le respect des droits des femmes (63 manifestantes arrêtées en 2005), en Iran contre la répression des féministes (un millier de femmes violemment dispersées par la police en 2006), au Cameroun contre les mariages précoces et forcés…

Le 8 mars, un rendez-vous annuel avec l’Histoire.

Rama Yade voit régulièrement Antoinette Fouque (in VSD 4 au 11 mars)

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VSD (4 au 11 mars 2009) EXTRAIT interview Rama Yade

– Vous définissez vous comme féministe ?

RY – Oui,je suis féministe, et ce n’est pas un gros mot ! je ne comprends pas ceux à qui ce mot fait peur. Le genre ne doit, certes, être ni une excuse ni un prétexte. Le féminisme a ouvert le champ des possibles. Je vois régulièrement A. Fouque (cofondatrice du MLF qui milite pour l’émancipation des femmes) avec qui j’échange sur cette question du genre.Et puis, dans ma mission, je suis confrontée aux droits des femmes les plus bafoués dans le monde.

VSD – Lors de vos déplacements notamment en Afrique, quelles situations vous ont le plus choquée?

RY – Au Darfour, en Afganistan, c’est terrible, mais là où j’ai vu le pire c’est en République Démocratique du Congo : trois cent mille femmes violées depuis 2003 ! sans compter le sida, les fistules et les grossesses non désirées. Il n’y a qu’un seul gynécologue pour toute la région du Kivu. Ces femmes sont une cible privilégiée, puisque les viols détruisent les communautés. Eve Ensler (auteur des monologues du vagin) appelle cela un fémicide. J’ai décidé de projeter à Paris le documentaire
qu’elle a réalisé là-bas lors d’une soirée de mobilisation pour les femmes congolaises. Ce qui s’y passe blesse la conscience humaine, car cela dure depuis quinze ans. Quand j’en pars, j’ai l’impression d’y laisser un peu de mon coeur.

VSD – Et en France quelle serait l’urgence, selon vous ?

R Y – La lutte contre les violences conjugales. On parle beaucoup,et à juste titre, de l’égalité salariale. Mais la violence la plus primaire reste celle qui surgit dans l’intimité. Il ne suffit pas de séparer les couples mais de trouver un toit aux femmes battues. Il y a la soumission psychologique, cette culpabilité dont on met des années à se sortir. Les droits de l’homme, ce sont d’abord ceux de la femme. Soeur Emmanuelle disait:

« quand on éduque un homme, on éduque un être humain ; quand on éduque une femme, on éduque tout un peuple »

Femmes catholiques, avec Antoinette Fouque (Générations Femme mars avril 2009)

11.jpgGénérations Femme Mars-avril 2009, n°38
Le Magazine de l’action catholique des femmes (www.actioncatholiquedesfemmes.org)

Livres
Femmes en mouvement
« En solidarité de lutte… » est la dédicace qu’Antoinette Fouque fit à l’Action catholique des femmes, en nous offrant son ouvrage Génération MLF, 1968-2008. La plupart des femmes qui s’engagèrent en 68 dans le Mouvement de libération des femmes avait 16 ans, 20 ans ou 33 ans ! Venues de tous horizons, divers pays, elles ont créé ou rejoint le MLF. Ce mouvement a profondément transformé leur vie, et celle de millions de femmes et d’hommes, et engendré une profonde mutation de notre civilisation. Aujourd’hui, une cinquantaine d’entre elles se souviennent, témoignent, et comme elles restent des « femmes en mouvement », elles imaginent aujourd’hui les libérations à venir. Elles affirment aussi que, désormais présentes au monde, les femmes sont la force émergente de ce siècle. Des témoignages, des documents d’époque (textes et photos), une chronologie originale et inédite d’octobre 1968 à 40 ans plus tard, font de ces 652 pages, une référence.

Génération MLF, 1968-2008 d’Antoinette Fouque, Editions Des femmes

Le MLF vu par les Italiens !! (Brava à Marina Geat !)

pizza-spaghetti-sl-1589396-l.jpgTRADUCTION D’UN ARTICLE ITALIEN PRESTIGIEUX

Giornale Europeo

Génération MLF
1968-2008

La lecture du livre Génération MLF – 1968-2008, récemment publié en France par les Editions Des femmes est très intéressante. Elle est intéressante non seulement pour celles et ceux qui ont vécu ces années en tant que protagonistes et qui peuvent y retrouver, peut-être avec un peu de nostalgie, les photos et les documents d’une époque pleine d’enthousiasme et d’espérances. Elle est intéressante aussi et surtout pour ceux qui n’ont pas vécu ces années-là et qui risquent, aujourd’hui, de réduire notre passé récent à des formules stéréotypées («68…»; «le Mouvement de libération des femmes») sans en cueillir l’épaisseur historique, la profondeur du changement, et l’effort courageux, jour après jour, des femmes qui se sont battues pour obtenir des reconnaissances et des droits que souvent les jeunes générations, sans trop y réfléchir, considèrent simplement pour acquis.

Le livre a une valeur historique de grand intérêt; il fait revivre chacune des quarante années de 1968 à 2008, en rapprochant une chronologie des principaux événements concernant les progrès (et les régressions) dans les conquêtes des droits des femmes de l’activité du Mouvement de libération des femmes, à travers une riche documentation, les témoignages directs des protagonistes et la reproduction des textes les plus significatifs. Je pourrais signaler au moins trois aspects de cet ouvrage qui nous invitent à une réflexion, parce qu’ils suscitent, aussi, une comparaison avec l’époque actuelle :

1) La dimension internationale des contacts, des revendications, des solidarités. Les femmes qui, ces années-là, se battaient pour obtenir des législations plus équitables, contre toutes les formes de la discrimination sexuelle, se déplaçaient à travers les frontières (quand en Europe il n’y avait pas encore le traité de Schengen ni la monnaie unique) et agissaient, avec la même détermination, pour soutenir d’autres femmes en France, en Italie, en Argentine ou ailleurs dans le monde. Il faudrait donc se demander dans quelle mesure l’action du MLF a contribué à la connaissance réciproque et à l’élaboration d’un sentiment de citoyenneté européenne (et même d’une diffusion mondiale des droits de l’homme). En outre, toujours à propos de la dimension internationale du mouvement : comment peut-on oublier aujourd’hui, lorsqu’on parle parfois d’un «conflit entre les civilisations», les femmes algériennes ou iraniennes qui, par dizaines de milliers, se sont opposées à la montée de l’Islam intégriste, avec le soutien, aussi, de leurs amies européennes?

2) L’ample mouvement de l’opinion publique demandant une effective parité homme femme – dont le MLF a représenté la voix la plus significative – a agi sur les institutions culturelles et sur les politiques nationales et européennes, afin qu’elles établissent des lois sur la protection des femmes (maternité, santé), en leur donnant des chances égales aux hommes dans les domaines professionnels et dans le droit de la famille. Le rôle de grandes personnalités dans la législation et la politique des droits des femmes (Simone Veil, Gisèle Halimi…) s’est exercé sur fond de ce grand mouvement de pensée et d’espérances que le MLF a suscité et représenté.

3) La conscience que les grands changements culturels et sociaux ne se réalisent pas uniquement grâce aux manifestations dans les rues et aux slogans, mais aussi et surtout par un travail en profondeur sur soi-même, sur le langage, sur les mentalités. L’activité au sein du MLF d’Antoinette Fouque, la créatrice, l’animatrice inlassable jusqu’à nos jours des éditions Des femmes, a joué et joue encore un rôle fondamental. C’est grâce à elle, à son courage, à sa détermination que des ouvrages de psychanalyse, de littérature, de sociologie, essentiels à la compréhension de la condition féminine ont enfin pu circuler et que ce changement en profondeur a pu au moins commencer à se réaliser.

Marina Geat
Università Romatre
Article dans Il Giornale Europeo.it

La Quinzaine littéraire consacre une double page à Génération MLF ! (à marquer d’un caillou blanc ;))

pic16.jpgArticle de Maïté Bouyssi dans La Quinzaine littéraire (février 2009)

Génération MLF (1968 – 2008)

Ce gros livre de témoignages et de documents, Génération MLF est sorti cet automne, un peu masqué par les polémiques que les moins de soixante ans ne comprennent guère. Pour les plus âgé(e)s, l’ouvrage a plus qu’un parfum de madeleine. Il restitue « la chair de l’histoire », la nôtre, que nous ayons ou non participé et connu ce qui se produit de transgressif dans toute lutte, dans tout acte militant, quel qu’en soit l’idéologie et la structure.

Maïté BOUYSSY

Génération MLF (1968- 2008)
éd. des femmes-Antoinete Fouque, 616 p., 18 Є

Le 8 mars faisant resurgir les débats concernant les femmes, leur cause et leur statut dans notre monde, il est bon de reprendre la riche collecte que représentent 53 témoignages et biographies de femmes aux destins colorés, qui toutes disent avoir rencontré le MLF et la librairie des Femmes en des moments cruciaux de leur destin. Elle se sont obligé à écrire et à témoigner. Elles regardent alors leurs refus et leurs actes au fil de chronologies qui les situent dans le temps commun des années militantes. Elles nous offrent quelque chose de l’intime. En sus, deux cents pages de documents variés, et comme en sandwich, les photographies d’époque, petit format, dans l’austérité du noir et blanc prennent des allures sépia. Ces têtes jeunes et belles, leurs gestes, toujours restitués à des lieux, des dates et des noms donnent le ton d’un XXe siècle, qui, à la fin des Trente Glorieuses, les années de grand développement économiques, fut d’abord battant, sans concéder forcément à quelque mythologie.

Ce travail de groupe est aussi un travail sur soi pour accéder à l’écriture par la biographie, exercice tendu et à risque qui est particulièrement réussi et d’une lecture fluide. La tension de l’écriture, la (re)tenue de plume de femmes qui ne sont pas des professionnelles de l’écriture rendent plus vives ces plongées dans un monde qui fut le nôtre, que nous avons tous connu, côtoyé et qui visiblement le reste au-delà de que les esprits chagrins réduiraient à quelque marronnier éditorial.

Or, loin de parler de ce souffle et de cette vie, du plaisir de la réminiscence que l’on a à feuilleter et à lire, les « personnes doubles », les acteurs/trices institutionnalisées dans le champ des études de genre et des femmes ont réagi sur le seul point de la « confiscation » du label MLF ou ses gestations multiples. Il me semble qu’il s’agit là moins de renouer avec les conflits d’antan, mais de manifester au présent ce qui reste ou est devenu plus insupportable que jamais : qu’un travail à bas bruit joue simultanément de la publicité. Cela impose une réflexion tout à fait politique quand « le retour à l’ordre » que nous vivons sinistrement de toute part veut babeliser le monde, et réduire toute action à quelque dimension communautarienne pour construire des enfermements ghettoïsés, si ce n’est, à plus faible échelle, de groupies. A ceci près que quelques faits de société concernant la mutation des mœurs ont été intégrés, la parole d’expertise doit appartenir aux seuls clercs statutairement ou du moins disciplinairement constitués.

Or, ici, le ton est vif, parlant, et c’est sans doute cela qui peut déranger et engendrer le dénigrement. Il faut délégitimiser ce qui biaise très largement les codes usuels de la recevabilité, et 40 ans après, au moins deux générations intellectuelles se sont arrogé ces thèmes issus de mouvances militantes, autrement dit de la société civile. Les « femmes doubles », ces personnages qui, dans le champ culturel font passerelle parce qu’ils occupent diverses fonctions puisées en différents lieux de légitimation en deviennent alors des régulateurs institutionnels. Fi donc de ce qui fut antérieurement pratiqué mais ailleurs, et c’est précisément de cet éternel défi que lance « au début était le fait » que témoignent ces textes roboratifs.

Or, plus que jamais, toute écriture qui manifeste en ne s’autorisant que d’elle-même doit être bannie, sauf à recevoir la bénédiction d’une littérarité reconnue, ce qui éventuellement dote d’un statut singulier le témoignage en nom propre (et ce jusqu’au polymorphisme de l’autofiction, mais dans la suspicion du témoignage). Non seulement, la prise de position à partir d’un travail de réflexion et de prise de parole incarnée qui a pour vocation d’irriguer la société et la vie publique est inconvenant, mais on ne tolère aucune aventure sur les confins théoriques de la psychanalyse. Il n’est pas jusqu’à la sociologie et l’histoire qui n’en soient interpellées, puisqu’il en va d’une intrusion autant que d’un regard porté sur le champ public. Voilà qui est parfaitement contraire à nos temps de restauration de toutes les autorités et de verrouillage caricatural des libertés, voir de la liberté politique.
De là un besoin maniaque de discréditer toutes les voix à la fois singulières et collectives, singulières, car en nom propre, pour cette palette de « biographies » du vécu pensé du point de vue d’intériorités reconstruites (et la subjectivation est autre chose que la simple subjectivité) et collectivement, dans l’échange et la participation à des actions qui manifestent à frais neufs des postures et positions intellectuelles. Dès lors que faire de cet excès de « chair de l’histoire» celle-là même que recherchent tous les historiens quand elle s’incarne comme jamais au fil des propositions qu’énonce avec chaleur Antoinette Fouque dans son Il y a deux sexes, essai de féminologie (1995) propre à tirer une théorie de l’humanisation et de la production culturelle des femmes. Le point ne fait pas consensus mais reste indéniablement un des pôles de la réflexion au présent, car il met en péril, retourne et se contourne les apories de la « nature » féminine dont on sait les ravages qu’elles opérèrent. Les interventions pluridisciplinaires de Penser avec Antoinette Fouque (mêmes éditions, une dizaine de collaborateurs, 222 p., 13 Є) sollicitent le présent de cette réflexion.

La société peut évoluer à la marge, sur « les mœurs », se modifier, mais l’appropriation par les concerné(e)s d’avancées qui entendent reprendre toujours et partout ce que le MLF, avec ou sans querelle des origines, a porté, redit, fait avancer dans des conditions difficiles et chaotiques reste sulfureux, car les lois ne résolvent jamais ce qui ne peut se concevoir qu’au fil des jours et c’est cela qui dérange les épistémologies constituées.

Pour revenir au livre, véritable signe (au sens de signal, marqueur, ce signe que les gosses qui avaient parlé patois à l’école devaient passer à un autre contrevenant) transgénérationnel, il est celui que les plus âgées peuvent offrir aux plus jeunes, et les plus jeunes, à celles qui ont vécu très loin de ces aventures qui prennent parfois un parfum germano-pratin (non moins prégnant que chez ses détracteurs/trices). Cest donc une gageure forte que de donner au public un texte de ce qui s’énonce au fil de chaque décision, aux confins de la transgression qu’implique toute réorientation de vie, sous cet angle, jamais minuscule ni assimilable à un curriculum de carrière.

La Voix du Nord ébahie AUSSI devant Antoinette Fouque ! (18.12.09)

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Antoinette Fouque dirige les Éditions Des femmes qu’elle a créées en 73 parce qu’« après la parole, il fallait prendre le stylo ».

Antoinette Fouque : les 40 ans d’une femme libre

Antoinette Fouque fête les quarante ans du Mouvement de libération de la femme avec un livre, « Génération MLF 1968-2008 ». Rencontre avec cette femme de 72 ans, figure du MLF, qui, quarante années après, défend la liberté de la femme avec une force restée intacte.

PAR ANNE-SOPHIE HACHE ashache@lavoixdunord.fr

Chevelure noire embroussaillée à la Starsky, regard noisette, pas de fard. Antoinette Fouque n’est pas jolie, elle est séduisante : dans les yeux et la voix de cette femme de 72 ans, la fougue fait mentir un physique un peu sobre.

La polémique qui entoure la naissance du MLF – avec elle, à l’automne 68 ; en 1970 lors d’une manifestation féminine sous l’Arc de Triomphe dans les livres d’histoire – ? « Un débat entre les historiens et les témoins », répond-elle sans ciller. Elle oppose aux historiens « des actrices
de l’histoire », des femmes « qui pouvaient dire, moi j’y étais » et qu’elle fait témoigner dans son livre anniversaire Génération MLF. « L’événement que nous n’avons pas créé, c’est Mai 68, on en a bénéficié. On s’est aperçu que peu de femmes prenaient la parole.
Nous nous sommes revues cet été-là, on se disait que toutes les questions soulevées à La Sorbonne étaient intéressantes mais, et nous ? et nous ? les femmes ? (…) Dans le Quartier latin, il y avait partout des affiches : “Le pouvoir est au bout du phallus ou le pouvoir est au bout du fusil”. C’était une révolution viriliste et guerrière. On s’est dit : ça c’est pas nous. Nous, nous voulions entamer un combat, pas une guerre.
Ce n’était pas contre les hommes, mais contre une domination qui empêchait les femmes de tout faire. »

«On s’est battues pour avoir des droits ; aujourd’hui, il faut se battre pour les faire appliquer. »

« Cette génération, gentille héritière »

Quarante ans après, l’auteure d’Il y a deux sexes (Gallimard) est toujours au combat. « On s’est battues pour avoir des droits, aujourd’hui, il faut se battre pour les faire appliquer. » Pour cela, dit-elle, pas besoin d’entrer dans une action publique ou de militer au MLF « dont plus personne ne parle aujourd’hui », ni même d’être une féministe. « Je dis toujours que je ne suis pas féministe, tous les “ismes” paraissent suspects de fossilisation, ils portent ombrage à ma liberté. Le mot femme me plaît plus. » Pour Antoinette Fouque, être une femme « doit
d’abord être une prise de conscience, être une femme c’est se qualifier comme sujet pensant et désirant. C’est irremplaçable, intransgressable.» Aussi se doit-on de la défendre. Même s’« il y a moins d’écart entre ma mère, qui est pourtant née au XIXe siècle, et moi, qu’entre moi et ma fille », il reste « beaucoup à faire » pour la liberté féminine. Première ligne de combat : « Le chômage, la pauvreté, la misère des femmes abandonnées avec des enfants. 80 % des très pauvres dans le monde sont des femmes et des enfants. L’indépendance économique c’est le sol premier de la liberté. » Antoinette Fouque rêve d’un Grenelle de la femme. « Il faut que nos sociétés riches prennent
conscience que ce que la femme donne à l’humanité, c’est l’humanité elle-même ». Elle dit de son ton ferme que « cette génération, gentille héritière, ne lâchera pas ». Elle non plus. Sa voix déterminée l’affirme : « On ne déracinera pas la misogynie, mais il faut tenir les misogynes en respect. » 

 « Génération MLF 1968-2008 », Éditions
Des Femmes, 18 €.

HISTORIQUE : Antoinette Fouque répond à Caroline Fourest dans Le Monde !!!

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Une lettre d’Antoinette Fouque
LE MONDE | 13.12.08 | 13h19 • Mis à jour le 13.12.08 | 13h19

À LA SUITE de l’article intitulé « Le féminisme pour les nuls » (Le Monde du 10 octobre), nous avons reçu d’Antoinette Fouque la mise au point suivante :

Contrairement aux propos de Caroline Fourest auquels j’entends répondre, c’est bien un jour d’octobre 1968 que le MLF est né. Le 1er octobre, Monique Wittig, Josiane Chanel et moi-même, nous avons proposé pour la première fois une réunion entre femmes. Nous venions d’un comité d’action culturelle (le CRAC) créé en mai 1968 dans la Sorbonne occupée, nous étions de gauche, mais sans lien avec une quelconque organisation politique. Auparavant, il n’existait pas de groupes non mixtes indépendants. Cette non-mixité et cette indépendance politique programmées ont fondé l’identité du Mouvement de libération des femmes.

Plusieurs facteurs, économiques, politiques, culturels, ont rendu possibles cette rupture historique et ce saut qualitatif. Le mouvement n’a pas été « décrété » comme il est dit dans l’article, il n’y a pas de génération spontanée, mais il y a eu, assurément, un engagement fondateur.

D’octobre 1968 à mai 1970, date de sortie publique du MLF à l’université de Vincennes, il y a eu deux ans de réunions et d’actions à Paris et en banlieues, de voyages en Europe, de rencontres. Souvenirs, agendas, notes de réunions, tracts, photos, l’attestent. Les femmes qui ont vécu cette période sont pour certaines toujours là, archives vivantes, actrices et auteures de leur propre histoire.

Pourtant, dire cette réalité a été qualifié d' »OPA » dans l’article précité. Deux ans de vie y sont effacés, deux années de lutte éradiquées, pour faire de l’année 1970 l' »année zéro » du MLF. La reconnaissance du MLF par les médias – sa légitimation par la société du spectacle -, à l’occasion du dépôt d’une gerbe à la femme du soldat à l’Arc de triomphe, le 26 août 1970, est ainsi substituée à sa naissance réelle. Mais faire prévaloir le baptême sur la naissance revient à priver les femmes de leur pouvoir propre de création.

Ce coup d’éclat médiatique a été suivi en novembre 1970, en assemblée générale, de la distribution d’un tract « Pour un mouvement féministe révolutionnaire ». La proposition de remplacer « femmes » par « féminisme » et de supprimer le terme de « libération » a alors provoqué un débat houleux. Refusant la rupture de 1968, certaines tenaient à se situer dans la continuité d’un féminisme ancien et à se réclamer de la pensée du Deuxième sexe (1949) de Simone de Beauvoir.

Le travail de Psychanalyse et Politique s’attachait, quant à lui, au contraire à déconstruire le féminisme comme idéologie et à faire émerger un sujet femme.

J’aurais encore décidé en 1979 d' »exploiter » le « sigle MLF ». A cette date le mouvement était menacé d’émiettement ou de détournement par les partis. Beaucoup de féministes avaient abandonné ce sigle. Nous qui l’avions toujours revendiqué avec une permanence irréfutable, nous avons réinscrit son existence en créant une association 1901. Et nous en avons protégé le nom, bien plus précieux qu’une marque.

Ainsi, le 1er octobre 1968 est né un puissant mouvement de civilisation qui a ouvert un champ nouveau de pensée. Les femmes sont passées de l’expérience à un savoir. Aujourd’hui, il y a une science des femmes, une féminologie. Tandis que d’autres sigles sont tombés dans l’oubli, MLF rayonne.

Article paru dans l’édition du 14.12.08.

Vendredi 5 décembre, sur France 5 : Empreintes d’Antoinette Fouque – Superbe entretien de Anne Andreu pour Télé Obs (27.11.08)

France 5 – 20h35, Empreintes Durée : 1 heure / Les rediffusions 08:55 – Dimanche 07/12 France 5
Sous-titrage malentendant (Antiope).
Stéréo

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Le sujet
Cofondatrice du MLF en 1968, psychanalyste, députée européenne et éditrice, Antoinette Fouque a dédié sa vie tout entière à la condition féminine.

Cofondatrice du MLF en 1968, créatrice des «Editions des Femmes», psychanalyste, mais également députée europénne, Antoinette Fouque a choisi sa voie. Depuis quarante ans, elle soutient en un engagement sans failles les différents combats que mènent les femmes à travers le monde, qu’il s’agisse d’excision, d’avortement, de violence conjugale ou de liberté d’expression. Confidences d’une personnalité hors du commun, intimement persuadée que les femmes sont le principal moteur pour faire avancer la justice et la démocratie dans le monde.

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20 h 35 FRANCE 5
Collection « Empreintes » : « Antoinette Fouque »

GUERRE D’INDEPENDANCE

Psychanalyste, créatrice du MLF et des éditions Des femmes, députée européenne, Antoinette Fouque revient sur ce qui fut le grand combat de sa vie : la condition féminine.

Propos recueillis par Anne Andreu

TéléObs.La création du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) en 1968 renvoie pour vous à un engagement politique mais aussi à une expérience personnelle.
Antoinette Fouque. – En octobre 1968, quand nous avons créé le MLF, nous voulions nous engager dans ce qui nous tenait à coeur et à corps. Monique Wittig voulait libérer l’homosexualité et inventer un lesbianisme débarrassé du terme «femme». Moi, je voulais libérer la procréation : Mai-68 avait été une révolution politique, mais, dans ma vie, la déflagration intime, psychique, avait été la naissance de ma fille et l’expérience de la grossesse, cette expérience intérieure au plus réel, au plus charnel, comme l’expérience poétique. En créant le MLF, je voulais répondre à la question : qu’est-ce qu’une femme qui transmet la vie, en enfantant d’une fille qui va enfanter d’une fille ? Quand nous disions : «Un enfant si je veux, quand je veux», il ne s’agissait pas tant d’avortement que de droit à une fécondité sereine et maîtrisée, un accomplissement narcissique, le dernier stade de la maturation pour une femme. J’ai toujours voulu que les femmes puissent réaliser l’intégralité de leurs compétences, créer et procréer.

Aujourd’hui, on voit ressortir un vieux serpent de mer, l’idée d’un clash entre les mères et les filles.
– En levant les tabous, le mouvement a éveillé des phobies. Revoilà la serpente tentatrice, la Sphinge, la mère éternellement mauvaise; la mère bouc émissaire. Là est le crime patriarcal par excellence : diviser les mères et les filles pour régner. Avec le MLF, au contraire, nous avons créé une véritable solidarité entre les générations.

Lisez-vous dans la situation actuelle des signes de régression ?
– Avec la crise économique grave, le risque de régression sociale est réel. Ce sont les plus pauvres, les plus frappés par les discriminations, qui vont en faire les frais, et, au bas de l’échelle sociale, les femmes. J’ai publié, il y a plus de trente ans, «Femmes, race et classe», d’Angela Davis. Ces trois luttes sont les trois brins d’une même tresse qui veut un changement complet de structure politique. Il ne peut pas y avoir de libération des femmes sans indépendance à tous les niveaux. D’où la loi sur la parité, pour laquelle je me suis battue dès la fi n des années 1980, et mon insistance sur une laïcité qui intègre les droits des femmes. Le film présente un beau portrait de votre mère. – Ma mère était géniale : elle avait une force vitale qui lui faisait lire le monde comme elle ne savait pas lire un livre. Dans cette révolution qui vient, je souhaite que les femmes ne perdent pas, par une occidentalisation matricide et ravageuse, ce génie naïf, natif, que j’appelle la génitalité, la création première, cette énergie obscure qui a fait de nous des humains. Le réel doit rester au monde dans sa vivacité et sa prégnance. Je pense souvent à Joë Bousquet. Ce poète m’a accompagnée toute ma vie, et avec lui, je pourrais dire que «vivre est un enchantement». Il a montré que la non-motricité n’était pas l’absence de mouvement; il a été un résistant pendant la dernière guerre, comme il a été un résistant dans la vie. Les Américains qui viennent d’élire un président noir avaient élu à quatre reprises Roosevelt qui n’avait pas l’usage de ses jambes. La poésie fait voyager et le mouvement psychique peut mener très loin les révolutions.

Tout n’est pas gagné. Quel avenir voyez-vous pour la condition des femmes ?
L’élection de Barack Obama vient de nous faire franchir un pas symbolique immense. La libération des femmes aujourd’hui passe par cette brèche ouverte. Ici, dans les quartiers, partout, il faut que les femmes puissent apporter leur force, leur courage et leur capacité de résister à la catastrophe économique. L’ONU a souligné dès 1992 que les femmes n’étaient plus seulement les bénéficiaires de nouveaux droits, mais qu’elles étaient les actrices principales du changement. Il faut organiser un Grenelle des femmes pour que vienne le temps d’après la guerre, le temps de la reconstruction, de la vraie libération.

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Une présence au monde

Dans la foulée de Mai-68, avec deux amies, Antoinette Fouque fonde le MLF. Les premières images de manifestations colorées, chantantes et dansantes donnent d’emblée le ton de l’aventure. « Du réel, du vivant, voilà ce qu’était le début du Mouvement. C’était une sorte de performance, comme je vis, je nais, je jouis… » Le film, réalisé par Julie Bertucelli, a le mérite d’expliciter les fondements d’une philosophie de l’existence qui n’a pas toujours été comprise. Avec l’énergie et l’humour qui la caractérisent, Antoinette Fouque raconte comment elle n’a jamais admis qu’une femme soit un mâle imparfait. En quarante ans, en France, des droits essentiels ont été obtenus : l’IVG, la parité, la laïcité, tandis que le MLF affirmait une solidarité active pour l’engagement des femmes du monde entier. A travers des images d’archives, ce portrait témoigne d’une permanence, d’une présence au monde solidaire et chaleureuse qui recoupe l’histoire du siècle dont elle a profondément modifié le cours. Un film indispensable à l’usage des jeunes générations. A.A.

Catherine Aubry interviewe Antoinette Fouque pour Var Matin (1.12.08)

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Saint-Raphaël
Antoinette Fouque, créatrice du MLF : « Je rêve d’un Grenelle des femmes »Paru aujourd’hui, lundi 1 décembre 2008

Pour la psychanalyste Antoinette Fouque, « il faut concevoir une société moins masculine, moins nombriliste, plus altruiste, plus attentive à l’autre ».

La voix éraillée est chaude, le débit rapide et l’accent de Marseille, délicieux. A 72 ans, Antoinette Fouque, petite bonne femme au regard perçant, n’a rien perdu de la flamme qui l’a toujours animée. Et qui l’a conduite à créer, avec « une poignée de copines », le MLF (Mouvement de libération des femmes) en octobre 1968. Un ouvrage collectif (1) célèbre aujourd’hui les 40 ans de ce « mouvement civilisationnel », selon l’expression du sociologue Edgar Morin. Anniversaire contesté, parfois avec virulence, par d’autres femmes, qui réfutent la fondation du MLF par Antoinette Fouque. Preuve que « le combat reste idéologique », analyse la psychanalyste marseillaise. A deux pas de sa librairie « Des femmes », dans la maison blanche du quartier Saint-Germain où elle travaille quand elle ne réside pas dans sa villa de Saint-Raphaël, Antoinette Fouque raconte, détaille, en actionnant sans cesse le mécanisme du fauteuil roulant dans lequel elle se trouve depuis une maladie invalidante. Au bout de deux heures, elle ose un inquiet : « Je ne vous ai pas trop saoulée au moins ? » Avant de demander, avec une attentive curiosité, si vous, vous vous sentez féministe. Parce qu’elle, la professeure formée auprès de Barthes et de Lacan, conclut : « Moi, je ne suis pas que féministe, je suis surtout une femme de combat. » C’est drôle, on l’aurait parié…

Comment la fille d’un berger corse et d’une immigrée calabraise a-t-elle été conduite à créer le Mouvement de libération des femmes ?

« Je suis le troisième enfant d’une famille prolétaire, née dans une France conservatrice et nataliste qui ne permettait pas aux femmes de maîtriser leur fécondité. Mon père a quitté son île à 16 ans pour devenir marin à Marseille. Il savait à peine lire et écrire, était communiste, militant du Front populaire. Ma mère était illettrée et folle de culture, comme beaucoup de méridionaux. Mes parents savaient que la voie royale pour l’ascenseur social, c’étaient les études, l’instruction comme on disait alors. Ils croyaient en l’école républicaine. Je suis allée au lycée Longchamp, j’y ai reçu le même enseignement que les bourgeoises et les filles d’avocat, même si j’habitais la Belle-de-Mai. Après des études à Aix-en-Provence, je me suis mariée et je suis venue à Paris en octobre 1960.

Le moment décisif de ma vie, ce fut l’arrivée de ma fille Vincente en 1964. Cette naissance m’a questionnée. Mon mari était au service militaire, je ne pouvais même pas toucher les allocations familiales !

Si mon milieu n’était pas répressif, en revanche, dans celui, littéraire, que je fréquentais, la misogynie était flagrante, les femmes n’avaient pas droit au chapitre. Elles étaient censurées, jamais citées, jamais sur la photo, quand on parlait du Nouveau roman par exemple. Seuls les hommes tenaient la vedette. »

Alors est arrivé Mai 1968…

« Là, j’ai fait la connaissance, au début de l’année, de Monique Witting, un écrivain qui avait eu le prix Médicis en 1966. Elle était déchaînée comme moi contre la misogynie. On s’aperçoit vite que le mouvement de 68 est passionnant, mais très machiste, « la victoire au bout du fusil », « la victoire au bout du phallus ». On crée alors un comité à La Sorbonne, avec Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, André Téchiné… Il y avait des artistes, des étudiants, des ouvriers. On a l’impression que d’un coup, tout est possible. Mais les femmes ne prennent jamais part aux débats.

Nous décidons alors de lancer un groupe de femmes pour libérer la parole. Début octobre, Marguerite Duras nous prête un studio rue de Vaugirard. On s’est assises par terre et on s’est mises à discuter, à quelques-unes. On fait des réunions avec des femmes battues, des femmes qui nous racontent des incestes. On organise des crèches sauvages. C’est ainsi qu’est né le MLF. »

D’autres datent la naissance du mouvement du 9 août 1970, quand un groupe de femmes dépose une gerbe à la femme inconnue du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe.

« Il s’agit là du baptême médiatique du mouvement. Depuis deux ans déjà, j’avais créé le MLF avec Witting et quelques autres. Nous avons fait une première sortie publique à Vincennes, en 70. Witting voulait prendre un cap médiatique, moi je songeais plutôt à lancer une université populaire. »

Quelle était votre définition du MLF ?

« D’abord, j’ai créé le MLF pour toutes les femmes, pour m’adresser au plus grand nombre. Pas pour une minorité. Sur le fond : Simone de Beauvoir disait que la femme est un homme comme un autre. Moi je dis non : il y a une différence des sexes. Il y a deux sexes. Nous sommes égaux, mais différents. Nous devons affirmer les deux à la fois. Celles qui m’attaquent aujourd’hui ont refusé de penser cette différence des sexes.

Il ne faut pas oublier que les femmes donnent la vie. Elles n’ont pas à sacrifier la maternité à l’ambition professionnelle ou vice-versa. Chez Beauvoir, il y a une vision machiste de la grossesse. Même une haine de la maternité. En France, on a le plus grand taux de fécondité et 80 % des femmes travaillent. Preuve que les femmes n’ont pas sacrifié l’ambition à la maternité, mais ont essayé d’avoir les deux. Le MLF n’a pas été seulement un mouvement social et politique, mais un mouvement civilisationnel. On a organisé, dans les années qui ont suivi, des conférences mondiales sur les femmes, dans la foulée du MLF. »

Vous pensez que les femmes sont sur le bon chemin ?

« On a plus gagné, dans les quarante dernières années, qu’en 4 000 ans. En affirmant tous les droits que nous avons conquis et les droits à la création, va peut-être émerger un nouvel humanisme, comme à la Renaissance. Il faut concevoir une société moins masculine, moins nombriliste, plus altruiste, plus attentive à l’autre. »

Et en politique ? Quelle place pour les femmes ?

« C’est toujours un milieu très machiste, où les femmes sont harcelées, en difficulté. Rachida, Rama… Elles le disent toutes. Le monde politique est un enfer pour les femmes. Notamment lors de la grossesse, pivot de la vie des femmes, toujours pas admise par la société. Il n’y a qu’à voir les quolibets dont fait l’objet Rachida Dati. Il y a une vraie résistance économique aussi. En cas de problèmes comme aujourd’hui, les premières victimes de la crise sont les pauvres et les femmes. »

Et Ségolène Royal ?

« Je l’ai soutenue. En voilà une qui a mené de front désir d’enfants (puisqu’elle en a quatre) et ambitions, puis qui a été vue comme une femme trompée. Et qui continue à être belle. C’est un chemin de vie que j’admire. Si elle avait fait davantage appel aux femmes à la présidentielle, elle serait passée. Mais je crois que c’était prématuré, ça n’était pas mûr. Peut-être seulement a-t-elle manqué d’indépendance quant à sa vie affective.

Or, pour une femme, il y a quatre indépendances à trouver : l’indépendance érotique, l’indépendance économique, l’indépendance politique et l’indépendance symbolique (comme par exemple garder le nom de famille de la mère). C’est le cadre indispensable.

Si je suis radicalement une femme de gauche, de gauche extrême (je n’ai jamais cependant eu de carte) et même si j’ai appelé le MLF à voter Mitterrand, pour moi, au-delà de la politique, il y a l’éthique. »

Comment pourrait évoluer concrètement la cause des femmes quarante ans après la création du MLF ?

« Je rêve d’un Grenelle des femmes. Pour globaliser la question, en allant du plus réel au plus symbolique. Pour prendre le problème de A à Z, du corps au droit de gérer la cité. Regardez en Espagne, c’est un bon exemple, il y a deux vices-premiers ministres, un homme et une femme. Ce qui ne veut pas dire que les femmes s’occupent des problèmes des femmes. Ne l’oublions pas : les droits des femmes font partie intégrante des droits de l’homme, c’est inscrit dans la charte de l’ONU. »

1. Génération MLF 1968-2008, aux éditions Des Femmes, 18 euros.

Savoir +

Dans le cadre du magazine « Empreintes », France 5 propose un portrait d’Antoinette Fouque vendredi, à 20 h 30, réalisé par Julie Bertuccelli. Prévu début octobre, il avait été remplacé au dernier moment par un magazine sur Jean-Marie Le Clézio, qui venait d’obtenir le prix Nobel de littérature.

TÊTU : Les gays, enfants du MLF (par Ursula del Aguila)

guy_hocquenghem.jpg« Les gays sont les enfants du MLF »

Antoinette Fouque, éditrice indispensable et militante infatigable, revient sur quelques éléments clés de la naissance du Mouvement de libération des femmes qu’elle a cofondé et dont on faite les 40 ans cette année.

LE FHAR
« J’ai conseillé à Guy Hocquenghem d’aider les homos de province en leur montrant qu’on pouvait vivre son homosexualité et assumer son espace de liberté intérieure. Grâce à Mai 68, nous sommes devenus nous-mêmes la matière de nos révolutions. Guy m’a écoutée et a créé le Front homosexuel d’action révolutionnaire, le FHAR, en 1971. » A la même période, Antoinette Fouque organise une réunion pour parler du caractère politique de l’homosexualité et en faire un point de combat pour lequel homos et hétéros doivent lutter. Elle voit alors débarquer chez elle, rue des Saints-Pères, une centaine de filles de Pigalle ravissantes et travesties, au grand dam de se voisine de palier.

LE LESBIANISME
« Je n’étais pas hostile au lesbianisme mais l’idée d’adhérer ou de coller à une étiquette de « féministe » ou de « lesbienne » m’aurait empêché de penser. Je disais souvent à Monique Wittig : une lesbienne ressemble à une fille qui imite un garçon qui imite un homme. Les Gouines rouges ou lesbiennes radicales étaient des baraquées bottées, casquées et en cuir. » Antoinette Fouque et Monique Wittig ont cofondé le Mouvement de libération des femmes (MLF), dont la spécificité à l’époque était la non-mixité. Tandis que la première découvre, à travers sa grossesse, la puissance de la gestation féminine et le fait qu’il y a deux sexes et non un seul neutre et/ou masculin, la seconde se détache du terme femme pour élaborer un devenir-lesbien.

LE MLF ET LE MONDE GAY
« Les gays sont les enfants du MLF, au fond nous sommes tous les enfants de ce Mouvement de libération des femmes, voilà ce que j’ai envie de dire au monde gay. En même temps, le MLF s’est pensé et a agi contre d’autres forces d’oppression, de classe et de race notamment. » Le MLF, mouvement altruiste, a permis la libération des femmes et a aussi lutté pour toutes les libertés. Il a montré en outre tout ce qu’il y avait de fasciste et de machiste dans le déni de l’homosexualité.

Ursula Del Aguila

Aux éditions Des femmes – Antoinette Fouque :
Génération MLF 1968-2008, de Antoinette Fouque
Frères et sœurs – sur la piste de l’hystérie masculine de Juliet Mitchell,
et réédition du bouleversant Sita de Kate Millett.