François de Coincy à nouveau dans Le Figaro, sur la dette

«La dette de l’État ruine l’économie réelle et nuit au redressement économique»

FIGAROVOX/TRIBUNE – Pour l’essayiste et économiste François de Coincy, le financement du déficit par la création de nouvelles dettes épongées par l’épargne des Français est une escroquerie, et surtout ne favorise pas l’investissement et donc la relance.

François de Coincy est l’auteur de Mozart s’est-il contenté de naître?(Bookelis, 2020).
Il est assez facile à l’État de financer son déficit budgétaire en utilisant une pyramide de Ponzi qui tienne dans le temps: il lui suffit de rester raisonnable et résister à la tentation d’en faire trop. L’astuce est de ne pas faire de déficit supérieur au besoin d’accroissement d’épargne des Français, ainsi les nouvelles épargnes compenseront les retraits et les accroissements compenseront les déficits.

Il faut que le véhicule d’épargne proposé par l’État apporte un avantage fiscal ou représente une nécessité réglementaire et soit bloqué sur une longue période. Il faut par ailleurs imposer au système monétaire des taux bas (négatifs si possible).

La mécanique est alors prête: l’augmentation des besoins d’épargne finance les déficits, sans qu’il y ait besoin de faire marcher la planche à billets qui aurait engendré de l’inflation. Il n’y a pas d’excès de liquidité, la monnaie empruntée au système monétaire pour payer les dépenses en excès de l’État est reversée au système monétaire par les épargnants. C’était la technique de Madoff: tant qu’il y a suffisamment de nouveaux épargnants le système continue de tourner.

Les limites du système

On invoque souvent le rapport dette/PIB du Japon ou des États-Unis pour soutenir l’idée que l’accroissement de la dette n’est pas un problème, mais ce ratio n’est pas pertinent. Les critères d’octroi d’un crédit sont la capacité à rembourser l’annuité et la richesse de l’emprunteur.

Alors qu’au Japon et aux États-Unis la ponction sur le contribuable, payeur en dernier ressort, peut facilement être augmentée car elle y est raisonnable, la France, championne mondiale des prélèvements obligatoires, n’a plus de réelles marges de manœuvre.

La dette du Japon, pourtant bien plus élevée que la nôtre, a des annuités (capital + intérêt) plus réduites du fait de ses échéances très longues. La dette des États-Unis s’appuie sur des contribuables dont la capacité financière est bien plus élevée que la nôtre.

Pour ces raisons, la dette française est bien plus critique que celle des États-Unis ou du Japon même si elle est d’un poids relatif inférieur. Il est cependant aussi difficile de dire quand elle va générer un défaut que de prévoir l’éruption d’un volcan ou l’écroulement d’un château de cartes.

Le système peut tenir longtemps mais une dégradation de la situation sanitaire, un évènement social, une défaillance du système monétaire, bref un évènement imprévu peut bousculer notre système de Ponzi en entraînant les Français à utiliser leur épargne, soit pour leur consommation soit pour faire des investissements réels. Les retraits devenant plus élevés que les apports, l’État ne pourra plus financer ni déficit ni remboursement de dette.

Si le château de cartes s’écroule, on répartira la perte mais on n’a pas dit quelle sera la répartition entre les épargnants et les contribuables. Plus la dette sera élevée, plus la tension du système sera grande, plus la crise sera forte. Leur potentiel d’augmentation des prélèvements obligatoires donne au Japon et aux États-Unis un matelas qui n’existe pratiquement pas chez nous: nos restructurations économico-sociales en seront d’autant plus douloureuses.

La dette de l’État ruine l’économie réelle

Même si cette issue dramatique ne se produit jamais, ce mécanisme est fondamentalement mauvais pour l’économie. Le financement des dépenses communes par la dette est d’abord un non-dit puis un mensonge. D’abord on engage des dépenses sans dire aujourd’hui qui les supportera demain, ensuite on laisse croire que personne ne paie ce qui justifie toutes les gabegies politiques.

En 2014 un journaliste s’inquiétant d’une dépense à la charge des collectivités locales, François Hollande lui rétorque, dans un moment d’anthologie, «Cela ne coûte rien, c’est l’État qui paie». Ce n’était sans doute pas ce qu’il voulait dire, mais c’était inconsciemment le fonds de sa pensée.

« En facilitant le déficit public ils détruisent l’économie réelle »

La captation de l’épargne par le financement du déficit n’est évidemment pas une incitation au financement des investissements réels ; elle entraîne un affaiblissement de nos entreprises au profit de nos concurrents étrangers. Ceux qui croient naïvement que la nouvelle finance a apporté la martingale décrite ci-dessus oublient que dans l’économie réelle (pas celle des banquiers) l’épargnant est important parce que la partie du prix de son travail qu’il épargne finance les investissements. Si cette épargne finance des déficits, il n’y a plus d’investissements. En facilitant le déficit public ils détruisent l’économie réelle.

Dans l’économie réelle l’épargne est compensée par les recettes futures d’un investissement (de manière moindre, elle peut dans les crédits de consommation être compensée par une épargne sur un travail futur). Enfin le financement du déficit au niveau européen par l’altération de la valeur de l’Euro va entrainer une perte de confiance généralisée, dans la monnaie qui va être faussée en tant qu’instrument de mesure, dans le système monétaire qui spolie les épargnants, dans l’Europe qui n’arrive pas à s’appliquer à elle-même la rigueur qu’elle demande à ses membres. Alors que l’Euro est le symbole de la réussite européenne, il serait dramatique de le sacrifier aux aberrations du populisme monétaire.

Le recours à l’emprunt accompagné de l’augmentation du temps de travail

La pandémie par son ampleur mondiale justifie de mettre en place des mesures exceptionnelles mais il ne suffira pas de multiplier le déficit. Augmenter les impôts, c’est faire payer le contribuable, augmenter la dette c’est faire payer l’épargnant, ce sont souvent les mêmes et ces deux solutions ne sont que des transferts sociaux qui n’améliorent pas la situation globale .

Le redressement économique ne peut venir que d’une augmentation de la production des actifs. Il faudrait que le gouvernement propose une solution claire en demandant un effort à tous.

Cela fait trop d’années que les contribuables et les épargnants supportent de manière directe ou indirecte cette baisse continue du temps de travail d’une grande partie des Français qui est la cause première de nos déséquilibres.

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