Martin Amalda, un héros de la démocratie en Amérique latine
Un livre témoignage passionnant, qui se penche sur le destin de Martin Almada, victime du régime du général Stroessner.
Haletant comme un roman policier, ce livre témoignage raconte l’incroyable histoire de Martin Almada, professeur et avocat au Paraguay, victime du terrible régime du général Stroessner, qui soumettait à la torture ses opposants, avant de mettre la main sur les archives du « plan Condor », dans les années 1990. D’origine modeste, le petit Martin avait réussi, après guerre, à faire des études dans le prestigieux lycée militaire, devenant par la suite un professeur « engagé ». Avec son épouse Celestina, il crée à San Lorenzo une école, l’institut Alberdi, destinée aux enfants dans le besoin. Mal vu par les autorités, il doit partir en Argentine où il entreprend un doctorat en science de l’éducation mais sa vie bascule avec la mort de sa femme, succombant aux mauvais traitements de la police paraguayenne. En exil à Paris, où il trouve un poste à l’Unesco, Almada n’aura de cesse de faire émerger les preuves de ces crimes d’Etat. Il découvre alors qu’ils s’inscrivent dans une opération plus large, lancée par le Chili d’Augusto Pinochet, consistant à mettre en place une coopération sous l’égide de l’anticommunisme entre les nombreuses dictatures sud-américaines des années 1980 : outre le Chili, l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Urugay et le Paraguay. C’est le tristement célèbre « plan Condor ».
A la manoeuvre avec la CIA, le chef d’orchestre de ce vaste complot contre la démocratie semble avoir été Henry Kissinger. Après le renversement de Stroessner, de retour dans son pays, Martin met la main sur les archives de la Terreur révélant au grand jour l’ampleur du scandale. « Martin réclame un procès de Nuremberg pour l’opération Condor mais, sur l’ensemble des forces de police, ils ne seront que trois à écoper de peines de prison pour crimes contre l’humanité. » rapporte l’auteur de l’ouvrage, et son confident, le journaliste Pablo Daniel Magee. Menacé de représailles, c’est la force de l’opinion internationale qui lui vaudra protection : Jacques Chirac le fait décorer, début d’une longue série de médailles, le prix Nobel de la paix lui échappe de peu, l’Unesco en fait en 1998 son ambassadeur pour l’anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Amère victoire pour cet ancêtre des lanceurs d’alerte, son tortionnaire Stroessner est mort en toute impunité, dans son exil doré brésilien, à l’âge de 93 ans, le 16 août 2006. De tous les pays complices de Condor, un seul, à ses yeux, a fait un ménage efficace dans sa politique : il s’agit de l’Argentine.
Opération Condor, par Pablo Daniel Magee, Un homme face à la terreur en Amérique latine, préface de Costa-Gavras, éditions Saint-Simon 374 pages, 22 euros