APRES LE COVID… (texte du 20/03/20 de Thierry Caillat)
En plein cœur de la crise sanitaire, ne serait-il pas temps de préparer sa sortie — ou plutôt
l’étape suivante?
Pour certains, cet après se focalisera sur le procès de sa gestion, c’est-à-dire sur le passé — on les voit déjà commencer à aboyer. Simple preuve de leur propre incapacité à préparer l’avenir. Pourtant, si l’on élargit son champ de vision au-delà de l’hexagone, on constate une problématique universelle : la gestion du coronavirus, c’est le choix entre la détresse d’une hécatombe et le gouffre d’un cataclysme économique. Entre les spectres de la grippe espagnole et de la crise de 29. Tous les pays en sont là. La diversité de leurs décisions n’est que le reflet du niveau de la pandémie chez eux, du degré de compréhension, et de populisme, de leurs dirigeants. Et leurs choix évoluent au fil des jours selon la progression du mal. Partout, et partout dans le même sens.
Critiquer ces choix, c’est ignorer deux contraintes fondamentales. Gérer une telle crise, inimaginable il y a encore trois mois — même si certains affirment qu’ils l’avaient prévue, bien sûr —, c’est forcément devoir improviser en permanence, quel que soit le degré de préparation de l’État (au sens large) à des situations inédites.
C’est surtout devoir intégrer l’évolution des mentalités dans l’équation coût humain / coût économique. Personne, et surtout pas les responsables politiques, justement parce qu’ils sont aux manettes, n’aurait pu imaginer en janvier, ou même en février, de renoncer à toute raison économique pour parer à un risque sanitaire; la population n’aurait jamais accepté le confinement en janvier, ou même en février, alors que le nombre de victimes était encore de quelques dizaines d’unités. C’est ainsi, il fallait attendre que l’opinion des uns et des autres évolue; la résistance qui perdure dans beaucoup d’endroits, survitaminée par les fanatiques de la théorie du complot, en atteste largement, sans parler des «leçons» d’un petit nombre de politicards.
L’épidémie se soldera vraisemblablement par quelques milliers de décès chez nous, si nous parvenons à tenir le confinement. Un chiffre statistiquement faible en regard de la population et des causes ordinaires de mortalité — cancers et autres —, quelle que soit la crudité de ce constat pour les victimes et leurs proches.
Toutes les prédictions convergent en revanche vers une crise économique abyssale, dont chacun subira les effets, lorsque l’État devra cesser de jouer l’assurance tous risques, et qu’il faudra payer le coût de son intervention débridée — car rien n’est gratuit, même la «planche à billets» se paye. Une crise de l’ordre de celle de 29, dont la population n’a aucun souvenir : chômage et misère généralisés, de longue durée, et toutes les plaies qu’ils génèrent – suicides, criminalité… Et cela sous deux contraintes.
D’abord un contexte géopolitique éclaté en rivalités exacerbées. Repli des États-Unis, polarisés sur leur nombril et fragilisés par ce nouvel échec de leur toute-puissance. Prosélytisme incendiaire de la Chine et de la Russie, s’empressant de venir combler le vide. Guerre économique généralisée entre des états exsangues, incapables de s’entendre sur des remèdes collectifs. Explosion du populisme, porteur du souverain remède de la xénophobie.
En second lieu, la soudaine utopie selon laquelle nous allons tirer la leçon de nos errements mondialistes, au profit d’un vertueux ordre nouveau humanisto-environnementaliste. En
contradiction absolue avec le désir de tout un chacun de revenir au plus vite à l’état antérieur de son confort personnel, ou de l’améliorer, pour les moins bien lotis — le plus grand nombre.
Attendrons-nous d’être plongés dans cette nouvelle crise, infiniment plus grave sur le plan humain, pour nous poser la question du «que faire»? Ne serait-ce pas le moment de lancer le débat — certaines voix ont commencé à le faire —, publiquement, en mettant à profit la disponibilité momentanée des oreilles dans une grande partie de la population? Pas de s’en tenir à des analyses macro-économiques, des querelles entre spécialistes, ni même à des annonces calamiteuses. Il faut se pencher sur le quotidien futur, solliciter l’imagination de tous pour multiplier les idées pratiques, les initiatives, préparer la population à passer brutalement d’un État-providence à son paroxysme, à une démarche proactive face à une terrible adversité.
Débat qui aurait le mérite — et l’opportunité — de profiter de l’espace médiatique laissé disponible par une actualité ratiocinée à la comptabilité morbide des décès et à quelques médiocres polémiques.
Autre utopie? N’est-ce pas potentiellement la plus fédératrice? Allons, vite, il n’est que temps!
Thierry Caillat 30 mars 2020