PANDEMIC 5, « En mai fais ce qu’il te plaît » Par Frederika Abbate
Le 11 mai, je le sais, est une date arbitraire. Elle ne correspond à rien de concret. Pourquoi le 11 mai cessera le fait d’être en résidence surveillée ? Parce que tout le monde pourra avoir des masques de protection ? Parce que tout le monde pourra être testé ? Parce qu’il y aura suffisamment de lits dans les hôpitaux, de machines respiratoires, de personnel soignant ? Et que donc les personnes contaminées pourront être soignées correctement et mises en quarantaine ? Et que donc la pandémie pourra commencer à être endiguée comme il se doit ? Ceci se passerait dans un autre pays que la France, dans un autre temps, un autre monde… Car pour fabriquer les masques, les tests, les places dans les hôpitaux, il faudrait être en mesure de le faire. Or, la crise sanitaire actuelle révèle que le pays n’est pas en mesure de le faire. La France a été vendue en tranches. Et en plus, pour des sommes dérisoires.
Le 11 mai n’a été nullement choisi pour des raisons rationnelles, concrètes, viables. Car, je regrette, rien de tout ça à l’horizon. Mais rien ne se fait sans raison. Le 11 mai, cela doit bien correspondre à quelque chose. À quelque chose qui n’est pas valable évidemment sur le plan sanitaire et social. On ne peut pas interdire aux personnes de sortir indéfiniment. On ne peut pas faire perdurer indéfiniment la période dite de « confinement ». Ce mot ridicule comporte plusieurs connotations utiles au pouvoir : 1° C’est mignon d’être confiné, cela évoque le douillet, la protection agréable ; 2° Cela évoque en soubassement la restriction, la contrainte, pour ne pas dire la mesure répressive masquée sous le côté protecteur et mignon… 3° Empêcher de faire penser à ceux qui peuvent rester chez eux que justement ce n’est pas le cas de tout le monde, que la moitié de la population est obligée d’aller s’exposer pour gagner sa vie. Alors, pourquoi le 11 mai ? Cette date est révélatrice et emblématique de la manière dont ici depuis quelque temps se passent les choses. D’abord, il fallait donner l’idée de confiner le confinement. Pour endormir les masses. Ainsi, celui qu’on appelle le président devait lâcher quelque chose d’un peu concret. Les gens commencent à en avoir marre, à se poser des questions, à s’angoisser. Alors, on cherche une date qui ne soit pas trop proche, parce qu’en fait, quand le confinement sera véritablement viable, ma foi, on n’en sait rien. Mais pas trop lointaine non plus. Parce que sinon la population pourrait se mettre à réfléchir, à s’énerver, à manifester aussi peut-être pourquoi pas ? Bref, à se réveiller enfin. Car le pays ne se gouverne plus. Il marche à la séduction et à l’endormissement. Alors d’abord on lâche une date appropriée quant au plan psychique, c’est très important le psychique dans une mission de séduction et de manipulation. Tout en confinant le dé-confinement, en disant oui mais, pas pour tout le monde. Sur ce, quelques jours plus tard, son valet en chef commence à dire que cela se fera très, très progressivement. On laisse passer encore quelques jours, parce qu’il faut que cela infuse. Et celle qui porte la parole fausse de son gouvernement, rajoute encore quelques couches en rappelant que cela va être un long travail, qu’il faut bien réfléchir, que cela ne se fera pas pour tout le monde en même temps. C’est très important, cette idée que cela ne se fera pas pour tout le monde en même temps. Parce que cela, de façon insidieuse et sûre, va continuer à fracturer, à diviser la population. Pourquoi lui, il peut être libre et pas moi ?
Or, malgré ces entreprises d’endormissement et de séduction, la douleur et la colère montent. Je le vois à cette sorte d’acceptation de la mort. Oui, la mort est naturelle, inévitable et vouloir la neutraliser comme le voudraient le post-humanisme et la nouvelle techno-médecine qui a commencé à se propager chez les riches, c’est criminel. Je le sais bien, j’ai écrit un roman à ce sujet qui va paraître. Mais je ne veux pas mourir à cause d’un gouvernement et d’un pays indigents. Sur des tableaux, listons chez plusieurs pays, les nombres de cas déclarés touchés par le virus et le nombre de morts. Pour certains pays, pour des nombre de cas déclarés à peu près équivalents, les nombres se référant aux morts sont très différents. Beaucoup dans un pays, beaucoup moins dans un autre. S’accusent ainsi des écarts considérables. Il faut croire qu’on n’est pas tous égaux devant la mort. Et ceci, non pas du fait de raisons intrinsèques mais du fait de l’environnement, de la qualité de la prise en charge, des soins. Chaque soir, le bourreau énonce des montagnes de chiffres. Et la pandémie commence à être comparée à des pandémies affreuses. Ce qui est faux bien sûr. On accentue à l’extrême la gravité de cette pandémie pour pallier l’incurie, la gestion basée sur la séduction pour cause d’incapacité à traiter vraiment le problème, pour signifier : Voyez, si les gens meurent comme ça, ce n’est pas à cause de nous. C’est à cause du seul virus. Il est diabolisé car cela forme un alibi.
Le problème quand se produit une répression forte et qui, de surcroît, est impuissante à nous protéger, c’est que cela enclenche presque systématiquement la réaction inverse, légitimant le fait qu’il y ait des malades et des morts, en invoquant le fait naturel : la mort. Si tant de gens sont malades et meurent actuellement, ce n’est pas tant à cause du virus, que de la manière dont cela a été traité et cela continue à être traité ici, c’est-à-dire fort mal. C’est pourquoi, mon cœur se refuse à mettre en perspective les morts par accidents de la route, cancers, infarctus ou autre motif avec les personnes qui, par ce coronavirus, sont déjà mortes, qui vont mourir aujourd’hui et qui mourront demain et encore demain… Une chose est d’accepter l’inéluctabilité de la mort, ce que nous devrons tous faire un jour ou l’autre, acceptation d’ailleurs gravée dans notre inconscient car lui ignore la mort. Une autre est d’avaler le fait que, pour un certain nombre de personnes, la mort n’aurait pas fauché. Cela, c’est plus dur en somme, beaucoup plus dur à accepter. Mon tempérament ne peut pas faire le jeu du pouvoir, en croyant que, dans ces cas, c’est la seule mort qui tue.
33ème jour de « confinement », quand l’incurie du pouvoir se fait passer pour la faucheuse.