Chronique littéraire. « Les anges de l’Histoire » de Frederika Abbate
Voilà un roman particulièrement surprenant et qui ne ressemble rien à ce qui a déjà été écrit, si on excepte Philips K Dick dans ses romans les plus audacieux « Glissement de temps sur Mars » « La vérité avant-dernière » « Le Dieu venu du Centaure » et le livre culte « Ubik »
Ce roman retrace la première partie de la vie de Soledad Donval, enfant aux traits simiesques qui le font ressembler à un homme préhistorique. Il a été abandonné à sa naissance par sa mère et recueilli par des parents adoptifs aimants. Soledad est un nom de fille, que le gamin a adopté ; il refuse de répondre à l’appel de son vrai prénom préférant Soledad qui signifie solitude et qui de, ce fait, serait non genrée.
Adolescent difficile, Soledad finit par s’enfuir de chez ses parents adoptifs et par vivre sous les ponts. Blessé par des dealers, il est recueilli par Madame De Pâle (Madame est son prénom) et soigné avec dévouement à l’aide de la servante Hermine. Rétabli après une longue convalescence il suit le frère de Madame, Rocco et son amant Shounti à Bangkok où ils résident. Doval attirant la sympathie et inspirant confiance (c’est un roman qui est, par certains côtés, optimiste, c’est le moins qu’on puisse dire) va convaincre le propriétaire d’une galerie d’exposer ses œuvres alors qu’il n’a encore jamais rien produit. L’exposition est évidemment un succès et un industriel russe engage aussitôt Soledad pour qu’il lui fournisse une sculpture originale. Donval va faire un séjour dans une île sur le lac Ladoga pour mettre au point sa nouvelle œuvre qui recueillera tous les suffrages, bien qu’elle ne soit visible qu’à chaque pleine lune.
Il s’ensuit toute une série de péripéties, dans lesquelles Donval va intégrer un groupe marginal, mais puissant, les Unders, ceux-ci vivent dans une enclave particulière la Canopée. Soledad va se révéler être un génie de l’informatique et résoudre une énigme complexe, ce qui va affermir sa position au sein des Unders.
Le dernier tiers du roman est très sombre : le mal ravage la société, on réprime des manifestants pacifiques avec des chars d’assaut, les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres au point de ne plus avoir assez à manger et de se battre pour un quignon de pain. Des scientifiques fous mêlent des gênes d’animaux et d’humains pour créer des chimères destinées à des bordels de luxe. (Dans ce roman le sexe est prédominant). Des organisations criminelles vendent des enfants à des pédophiles et pompent le sang de petites victimes afin de créer des sérums rajeunissants pour les riches. La mode est de prendre comme Élisabeth Bathory des bains dans du sang d’enfants. Soledad revoit Madame De Pâle et son frère prodigieusement rajeunis. Alors qu’ils étaient sympathiques et ouverts, ils sont devenus sans cœur et juste préoccupés par leur réussite sociale. Ils martyrisent Hermine et ont rejeté Shounti qui a pourtant soigné avec dévouement Rocco. Shounti s’est suicidé de désespoir. Madame et son frère ont, eux aussi succombé à l’attrait des produits interdits, qui rajeunissent certes, mais dessèchent l’âme. Dernier signe de l’horreur ambiante le cannibalisme se répand. Soledad produit une vidéo qui, distribuée en grand nombre, permet de faire refluer ces pratiques effroyables et le roman se termine abruptement peu après sans vraiment de conclusions.
En résumé : un texte unique, qui possède une force d’évocation particulière. On est happé par ce livre qui bien entendu n’est ni crédible ni logique et tient plus du conte (noir), du poème épique que du roman. Même refermé on ne peut s’empêcher de penser aux « anges de l’histoire ».
Illustration : DR
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