CRITIQUE COMMUNE DES LIVRES « QUAND LA SCHIZOPHRÉNIE SE MANISFESTE » ET « LA BOITE DE PANDORE »
« Thomas leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains l’empreinte des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la place des clous, et si je mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. »
Nombreux sont à l’image de Saint-Thomas, selon la citation apocryphe, « Je ne crois que ce que je vois ».
Mais qu’en est il alors d’un malade schizophrène qui voit et entend une réalité parallèle ?
A travers ses deux essais passionnants, « La boite de Pandore » et « Quand la schizophrénie se manifeste », Carole Buckingham nous offre deux textes qui nous éclairent sur cette pathologie.
Née dans d’un père protestant, élevée dans une institution religieuse catholique, rien de notable n’est à signaler durant son enfance.
C’est en 1984 que cette jeune londonienne, fraîchement divorcée s’installe à Paris suite à ses études de secrétaire bilingue.
Celle-ci découvre Paris et l’amour qu’elle porte pour la ville est palpable. Il y a du Françoise Sagan dans cette écriture joyeuse et rythmée. « Je fis faire le circuit touristique habituel à papa et maman : la Tour Eiffel, Le Louvres et Montmartre(…), Nous allâmes aux terrasses des cafés, maman et moi primes plaisir à boire des chocolats chauds le soir venu sur les Champs-Élysées tout en regardant passer le monde et son train. P36 Quand la Schizophrénie se manifeste»
Le lecteur retrouve l’ambiance du Paris des années 80, la fête, les slows, le socialisme, les débats politiques entre amis autour d’une bouteille de vin rouge, jusqu’au bout de la nuit.
On discute de l’OCDE, de la course à l’armement de la menace Russe et de l’inégalité entre pays développés et pays émergents.
A cette époque, le machisme est aussi parfaitement accepté dans la vie des femmes « La famille d’Hugues se présenta à onze heures et Christine l’accueillit. Hugues fini par apparaître hors de sa chambre, avec juste un slip sur lui, et salua sa famille d’un énorme bâillement. Ce qu’ils ne savaient pas c’est qu’une heure plus tôt, il était sur pied et nous supervisait, Christine et moi pour le ménage. P19 Quand la Schizophrénie se manifeste».
Son éducation humaniste « Malgré la guerre, Papa n’éprouvait pas haine pour les allemands. Il me disait qu’il y avait de bons et de mauvais allemands tout comme il y a de bonnes et de mauvaises personnes dans chaque nation. (…)Quand j’étais petite il me répétait qu’il ne fallait dire le mot « détester » parce que détester, c’était avoir envie de tuer et qu’avoir envie de tuer, c’était mal. P35 Quand la Schizophrénie se manifeste», ainsi que sa foi en Dieu font de Carole une jeune femme très attachée à l’égalité des chances et à l’amour pour son prochain.
L’homme ne né pas méchant, c’est à cause de trop de souffrance, qu’il peut le devenir.
Carole est sociable et de nombreux amis tourbillonnent autour d’elle. Elle rencontre Chris, un auteur américain, une relation amoureuse s’installe entre eux.
Leur premier rapport sexuel est brutal « Mais alors que nos corps s’entremêlaient, mon désir se mua en choc. Il dit « ça fait longtemps que j’attends ça », et joignant le geste à la parole, m’embrocha littéralement (…) pendant un moment, je serrais en silence les dents mais mon corps se tarit. Puis les larmes se déversèrent et je mis à sangloter bruyamment. Le Néandertalien au dessus de moi se changea de nouveau en être humain. P28 Quand la Schizophrénie se manifeste».
Même si plus tard leur sexualité s’améliore, cet épisode est vécu par Carole comme un traumatisme; serait-ce le déclencheur de la maladie ?
Leur relation est toxique pour Carole car il multiplie les conquêtes.
« Ce que je ne comprenais pas c’est que ma toquade pour Chris commencer à m’influencer psychiquement, comme si mon amour-propre dépendait de l’intérêt qu’il continuerait d’éprouver pour moi. P51 Quand la Schizophrénie se manifeste».
Un jour n’y tenant plus, Carole fonce chez Chris et dans une bouffée délirante l’accuse d’avoir couché avec sa propre mère.
La première crise schizophrénique commence ce jour là.
Pendant trois jours, elle erre dans les rues de Paris, guidée par des voix intérieures, tantôt angéliques, tantôt démoniaques et qui la conduisent dans différentes églises pour arriver jusqu’à la tombe du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe.
Elle est conduite à l’hôpital et on lui administre un cocktail de médicaments psychotropes.
Finalement rapatriée à Londres au bout de quelques mois, Carole s’installera chez ses parents.
S’ensuivra plusieurs crises schizophréniques durant les dix années qui suivirent.
Carole sait qu’on ne peut pas véritablement guérir de cette maladie, elle sait aussi que la chimie, même si elle est parfois nécessaire n’est pas l’unique solution pour traiter son mal.
C’est en s’approchant au plus près de ses bouffées délirantes, qu’elle comprend qu’il faut les accepter plutôt que les combattre. Ainsi la souffrance diminue. « Il est possible d’être en sécurité et de se sentir chez soi dans notre propre psychisme. Il faut simplement que nous comprenions le langage de l’inconscient de façon à vivre la libération au lieu de la peur et de l’asservissement. C’est le déni et le refoulement qui provoquent l’apparition des symptômes destructeurs. P46 Pandore».
Parallèlement, Carole, dont la Foi en Dieu reste intacte (malgré une forme de rejet du catholicisme lorsqu’elle découvre les crimes de l’Inquisition), trouve en la religion un réel et puissant secours. « Après avoir flirté pour rien du côté des religions et formes de méditations orientales, j’eus immédiatement des résultats positifs avec la prières du cœur. Dans le calme de la chapelle du cloître, je connus ce moment intemporel ou l’éternité, c’est maintenant l’instant présent. Je trouvais cela régénérant et sus, qu’enfin j’avais trouvé le chemin qui me convenait » P34 Pandore ».
Si ces deux essais sont une catharsis pour l’auteure, ils sont aussi un enseignement pour le lecteur. Il faut recommander cette lecture car, grâce à son honnêteté, sa force et sa bienveillance, Carole lève le voile sur ce sujet encore tabou.
Attachée de presse : BALUSTRADE Guilaine Depis