Frederika Abbate montre « les dérives auxquelles nos sociétés peuvent déboucher, si elles renoncent à l’éthique »

Dans les colonnes de Wukali, il est exceptionnel que la science-fiction soit mentionnée. Une fois n’est pas coutume, et c’est bien dans ce genre littéraire que nous pouvons sans mal ranger le roman de Frédérika Abbate : Les anges de l’histoire.

Point de problème, que l’on apprécie ou pas la science-fiction, force est de reconnaître qu’elle est une sorte de prospective sur le réalisable dans le futur. Parfois, le temps est cruel pour les auteurs, mais d’autres fois, leurs prédictions se réalisent. Quoi qu’il en soit, l’intérêt et la qualité d’un roman de science-fiction tiennent avant tout dans le côté « réaliste » de la description du futur. Que ce que nous percevons, vivons, pressentons, soit perçu comme un chemin possible, une graine qui va potentiellement germer dans l’avenir. Et c’est le cas dans ce roman.

C’est l’histoire de Soledad (un garçon et non une fille), de son enfance à ce qui peut-être considéré comme son apothéose. Soledad est un artiste, sensible, l’homme d’une passion, d’une sorte de chimère inaccessible, on dirait un romantique. L’art pour lui, passe par l’instrument qu’il découvre lors d’une fugue alors qu’il est adolescent : l’ordinateur. Toute son œuvre est basée sur la cybernétique, tout est mouvement, évolution. Soledad dans ses œuvres entremêle son talent, le cybernétique et le sexe. Car le sexe est très présent dans sa vie et dans son entourage, d’où des descriptions, des scènes que les personnes prudes trouveront très « crues ».

Après un début de vie assez « bohème » qui le mène en Asie et en Russie, il revient dans un Paris en décomposition. Il n’y a plus aucune barrière morale, la « loi de la jungle » règne. C’est le triomphe de l’argent, d’aucuns diront du veau d’or, la pauvreté est partout, les riches défendent leurs privilèges, parfois durement, voire avec cruauté. La vie n’a plus aucun prix. Vision assez apocalyptique.

Il rencontre un groupe de dissidents vivant dans les arbres dans les ruines du faubourg Saint-Germain. Il se trouve confronté à une sorte de complot mondial de transhumanistes, dont le but est le remplacement progressif des humains (enfin des humains qui n’ont pas les moyens). Comme tout est basé sur l’assouvissement des fantasmes les plus fous, on se retrouve avec un vrai zoo humain, mais pas comme ceux des colonialistes, mais avec des personnes génétiquement modifiées en animaux, ainsi des mi-homme, mi-cochon, ou mi-femme mi-panthère (bien sûr ce zoo n’est qu’un vaste bordel de luxe).

Soledad et son groupe vont lutter pour dénoncer ce complot et mettre un terme à ces agissements.

Frédérika Abbate aborde de grands sujets qui parcourent notre société occidentale moderne : les manipulations génétiques à partir des cellules souches, le mythe de l’immortalité grâce à la science, la confusion dans l’identité sexuelle, la confusion générationnelle, la puissance de l’argent roi.

À travers, une vraie fiction, elle nous montre les dérives auxquelles nos sociétés peuvent déboucher, si elles renoncent à l’éthique, si l’individualisme triomphe sur l’intérêt général, sur le vivre social, si l’Art avec une majuscule ne devient qu’un produit commercial comme un autre et non la glorification de l’Homme et de son génie.

Dominique Iwan voit « un roman onirique et déjanté » dans « Les Anges de l’Histoire » sur France Net Infos

Les anges de l’histoire, le dernier roman de Fréderika Abbate


Le  code massacre la nature.

L’universalité neutralise le monde.

L’humanité disparait …

Incroyable roman d’anticipation, épique et prémonitoire nous livrant le meilleur du pire ou le pire du meilleur, écrit par Frederika Abbate et qui nous est proposé par les Nouvelles Editions Place.

L’auteur née en 1960 à Tunis a publié 5 romans, écrit de nombreux récits et participé  à plusieurs ouvrages collectifs. Son dernier livre paraitra le 1er octobre.

Elle nous entraine dans une quête initiatique atrocement inquiétante mais que j’ai fait mienne avec délectation. …

… Me laissant guider par l’auteur dans les méandres d’un nouveau monde laissé aux mains de transhumanistes dégénérés, s’abandonnant à des rituels barbares et autres manipulations génétiques, j’avance dans la foulée de Soledad artiste magique, cybernéticien de génie et passionnément épris de sexe depuis ses 15 ans.

Après une première partie consacrée à son initiation qui le mènera vers la Thailande chamanique et lui permettra de  parfaire son art, Soledad rejoindra la communauté de la Canopée et m’entrainera avec lui vers la cime des grands arbres dans le quartier de Saint Germain des Prés …

… après une visite, entre autres, au musée de l’Ermitage à Saint-Petersbourg et sa rencontre avec l’oeuvre de K. Malevitch, “il aimait l’exaltation gracieuse de l’artiste russe, son radicalisme sans fard, sa spiritualité pragmatique qui prenait racine dans l’art”.

Il entre en résistance aux côtés d’improbables personnages incroyablement doués, flamboyants d’utopie, prêts à tout pour contrer l’ignoble complot planétaire visant la disparition de l’espèce humaine, notre héros va créer furieusement, aimer prodigieusement, et décrypter frénétiquement les messages assenés par Télomervie : “Telos du Grec ancien : fin …

… s’agirait il de la fin de la vie, d’euthanasie ? la lutte sera sans merci pour épargner ce qui fait notre identité, notre singularité.

Travaillant sur des croquis de Demeter, Soledad pénètre le royaume d’Hades … “Les Grecs pensaient que les morts n’avaient plus de visage. Ils erraient dans l’Hades, sous la  terre, n’étaient que des ombres (…)”, au moment où son atelier s’effondre, le monde qui l’entoure se dissout en proie à un capitalisme effrené où toutes les barrières morales sautent …

Au paroxysme de son art et de ses dons en informatique, Soledad tentera l’impossible guidé par “l’utopie d’un universel riche de tous les singuliers”.

Ce roman ne ressemble à aucun autre, atrocement magnifique, son écriture lyrique, parfois surréaliste nous attire dans le Quartier des Plaisirs, à la rencontre de divines putains nommées Eau de Pluie ou Étang Crasseux, Grenouille Rose, Myrtille et Lotus Blanc … en passant par le Musée des Rêveset nous pousse malgré nous à pénétrer sous le chapiteau de l’Apocalypse Circus pour découvrir l’indicible.

Philip K. Dick, Kasimir Malevitch, et aussi l’élégant et incontournable Musée Solomon R. Guggenheim de New York sont autant de repères émotionnels qui me relient à l’auteur … et comment ne pas évoquer le film fantastique “L’Imaginarium du Docteur Parnassus” de Terry Gilliam auquel ce roman me fait parfois penser dans ce qu’il peut avoir d’onirique et de déjanté, ce qui est un compliment.

Le Salon littéraire fête la sortie des « Anges de l’Histoire » de Frederika Abbate – Merci à Bertrand du Chambon

Rentrée littéraire septembre 2020

Frederika Abbate : un créateur parmi des créatures…

Bertrand du Chambon

Frederika Abbate, Le Anges de l’histoire, Nouvelles éditions Place, septembre 2020, 206 p.-, 23 €

Cyrille Zola-Place : Nous travaillons pour une création incessante – interview de l’éditeur de Frederika Abbate par Bertrand du Chambon

Cyrille Zola-Place : Nous travaillons pour une création incessante

A paraître le 1er octobre 2020 : « Les Anges de l’Histoire », un roman de Frederika Abbate aux Nouvelles Editions Place

Parution le 1er octobre 2020

Les Anges de l’Histoire, un roman de Frederika Abbate aux Nouvelles Editions Place

Le recevoir, solliciter une interview : attachée de presse guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85

Au cours d’une aventure initiatique le menant de la Thaïlande chamanique à la Russie postmoderne jusqu’à un Paris complètement transformé, Soledad découvre un univers broyé par la machine capitaliste. L’humanité, enivrée par sa propre démesure, s’abandonne à ses instincts les plus primitifs : rituels barbares, manipulations génétiques, hybridations monstrueuses… Bientôt, l’apocalypse advient, déclenchée par le complot du siècle. Il programme ni plus ni moins le remplacement de l’espèce humaine. Soledad rejoint un groupe de résistants en lutte contre cette catastrophe planétaire. Ensemble, ils bâtissent leur utopie propre, fondée sur la défense de la singularité. Pour cela, Soledad dispose d’une arme magique : Art/Sexe/Cybernétique.

D’une écriture sensible et précise, avec des personnages particulièrement incarnés et une imagination luxuriante, Les Anges de l’Histoire, roman initiatique, épique et prémonitoire, exalte la vie authentique tout en disant la barbarie de notre monde actuel.

Le code massacre la nature. L’universalité neutralise le monde. L’humanité disparaît.

Mais l’ange de l’apocalypse apporte l’arme magique de l’art, de la cybernétique et du sexe aux êtres de bonne volonté – l’utopie d’un universel riche de tous les singuliers. 

Citations du roman sur le rabat

En fait, cette guerre, c’est quoi ? C’est la norme contre l’être singulier.

La dépersonnalisation est produite par la terreur. Chaque potentat joue de la terreur. Car ainsi les gens ne peuvent plus s’inventer, être eux-mêmes.

La terreur et la dépersonnalisation engendrent l’idolâtrie.

Au lieu d’être les sujets de leurs désirs par où seulement l’être peut s’exprimer, les humains sont devenus les esclaves des objets (ceux qu’on achète, ceux de l’idolâtrie religieuse, scientifique). Par où se creusent les catacombes où s’ensevelissent, mort-nés, les réels désirs. Les objets-idées comblent artificiellement les trous, les trous qu’ouvrent en nous nos désirs, désirs non pas d’avoir mais d’être. Qui seuls nous ouvrent à l’autre. L’inconnu.

La terreur a pour auxiliaire la haine du flottement, de l’errance, du vide… Tout planifier, tout contrôler, maîtriser, obturer au lieu de flotter dans une jonque sans maîtres. 
Il faut créer de l’espace vide ! S’embarquer sur les jonques ! Redonner place à l’inconnu, ce que par peur et par soif de domination, presque tous veulent faire disparaître. Créer une autre manière de vivre. Quelque chose qui ne propose pas la plénitude, le trop-plein, ce qui est toujours avilissant et meurtrier en fin de compte. Mais que chacun puisse se créer son utopie propre. Qui soit radicalement neuve et inédite. Et le nouveau, c’est assumer la Coupure. 

OPERATION CORONAVIRUS : les succulentes chroniques de Frederika Abbate

Frederika Abbate, auteure du roman « Les Anges de l’Histoire » à paraître en septembre prochain

Mon prochain roman « Les Anges de l’histoire »  initie un cycle sur la fin des temps. Dans ce roman, il y a des choses qui combattent l’incurie, l’incompétence et la cupidité des divers pouvoirs et de l’aliénation qui s’en suit, les manipulations génétiques qui signent le divorce d’avec la nature essentielle. Ces choses sont le désir absolu de vouloir rester humain, avec ses imperfections certes mais aussi et surtout avec la foncière adhérence à la vie authentique, la coïncidence de ce qu’est chacun avec son mode de vie, la création, l’amour, la recherche du sens. Dans la catastrophe sanitaire actuelle, j’ose espérer que c’est cela qui, en partie, pourrait sauver aussi. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/operation-coronavirus-sur-les-ruines-de-lhistoire-par-frederika-abbate/

Terreur versus Peur : (…) Une force maligne envahit tout, s’avance masquée, quelque chose de plus terrible que la peur, quelque chose d’extrêmement sournois et d’inopérant, qui ne remplit plus le rôle bénéfique de signal déclencheur pour parer au danger. J’ai nommé la terreur. La mithridatisation de la peur a donné la terreur. (…) La terreur tétanise. C’est son rôle. La terreur fait oublier la peur première que toute civilisation devrait toujours garder en tête, sous peine de se dissoudre : la peur de disparaître, de s’entretuer. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/terreur-versus-peur-rehabilitation-de-la-peur-par-frederika-abbate/

Belle âme (Pandemic 1) : (…) C’est gentil d’applaudir sur les balcons chaque soir à la même heure. Cela leur fait une belle jambe, à ceux qui sont applaudis. Je ne dis pas celles et ceux car c’est piètre comme expression. Expression répétée à l’envi parce que c’est gentil. C’est gentil d’être gentil. Cela fait paraître beau. Cela fait paraître aimable, dans le sens «  qui peut être aimé  ». Pendant ce temps, la réflexion est mise au placard. C’est le règne de la belle âme. Et chacun se l’achète à bon compte, car tout s’achète et tout se vend. Ceux qui l’oublient, oublient de penser. (…) Le pire des royaumes. Il s’appelle «  belle âme  ». Son drapeau et son modus operandi c’est «  déni de la réalité  ». Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/pandemic-1-belle-ame-par-frederika-abbate/

Culte de la mort (Pandemic 2) : (…) Il n’y a plus aucun respect pour la vie. Cette année, le printemps, ce n’est pas la reverdie. C’est le culte de la mort. Ce qui me fait froid dans le dos aussi c’est le meurtre de la pensée. Imbus d’idéologie, tenant à paraître soi-disant larges d’esprit, mais ne faisant en vérité qu’obéir aux mots d’ordre lancés par le pouvoir qui, comme sur un coup de baguette magique, se transforment en belles idées que beaucoup de gens s’empressent de défendre, ces bien-pensants n’argumentent pas quand ils ne sont pas d’accord avec d’autres. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/pandemic-2-culte-de-la-mort-par-frederika-abbate/

Pour un tribunal futur (Pandemic 3) : La personne meurt sans qu’un proche lui tienne la main. Elle est déjà rejetée du monde des humains. L’un des traits qui caractérise l’humain, c’est qu’il peut être justement inhumain, dans le sens perfide et cruel. Là, sont inhumains les états et tous leurs complices qui font que se produisent ces monstruosités. Et les médecins, les infirmiers, les infirmières, tout le personnel pleurent. Un jour viendra, et malheureusement il est très proche, où l’univers sera fait de non-humains. La cruauté et la perfidie seront intégrées par tout le monde. Les autres, les humains, seront tous morts. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/pandemic-3-pour-un-tribunal-futur-par-frederika-abbate/

La nouvelle bourse (Pandemic 4) : Je ne sors plus parce que je ne supporte pas de devoir éviter les gens, de ne pas rêver, penser, observer la vie comme je le faisais toujours, et de devoir épier pour voir s’il n’y a pas des gens aux alentours. Il y en a aussi qui s’en fichent, et qui me foncent dessus. Ils sont tous des fusils potentiels. Alors je me mets à les haïr. Je ne veux pas haïr parce que je n’ai pas été mise au monde pour faire le jeu du pouvoir. Car par cette haine insidieuse, le pouvoir peut obtenir ce qu’il désire depuis toujours. L’individualisme effréné. Que les gens ne puissent plus s’unir pour s’en défendre. Ainsi, il pourra plus facilement encore les dominer. On ne ferme pas les frontières, elles sont individualisées. Or, Hannah Arendt l’a appris à ceux qui ont des yeux et des oreilles pour voir et entendre  : l’atomisation totale des individus et l’abolition des états-nations, c’est ce que veut le totalitarisme. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/pandemic-4-la-nouvelle-bourse-par-frederika-abbate/

En mai fais ce qu’il te plaît (Pandemic 5) : Mon tempérament ne peut pas faire le jeu du pouvoir, en croyant que, dans ces cas, c’est la seule mort qui tue. Lire la suite en cliquant ICI https://guilaine-depis.com/pandemic-5-en-mai-fais-ce-quil-te-plait-par-frederika-abbate/

 

Pandemic 5 « En mai fais ce qu’il te plaît » par Frederika Abbate

PANDEMIC 5, « En mai fais ce qu’il te plaît » Par Frederika Abbate

Le 11 mai, je le sais, est une date arbitraire. Elle ne correspond à rien de concret. Pourquoi le 11 mai  cessera le fait d’être en résidence surveillée ? Parce que tout le monde pourra avoir des masques de protection  ? Parce que tout le monde pourra être testé  ? Parce qu’il y aura suffisamment de lits dans les hôpitaux, de machines respiratoires, de personnel soignant  ? Et que donc les personnes contaminées pourront être soignées correctement et mises en quarantaine  ? Et que donc la pandémie pourra commencer à être endiguée comme il se doit  ? Ceci se passerait dans un autre pays que la France, dans un autre temps, un autre monde… Car pour fabriquer les masques, les tests, les places dans les hôpitaux, il faudrait être en mesure de le faire. Or, la crise sanitaire actuelle révèle que le pays n’est pas en mesure de le faire. La France a été vendue en tranches. Et en plus, pour des sommes dérisoires.

Le 11 mai n’a été nullement choisi pour des raisons rationnelles, concrètes, viables. Car, je regrette, rien de tout ça à l’horizon. Mais rien ne se fait sans raison. Le 11 mai, cela doit bien correspondre à quelque chose. À quelque chose qui n’est pas valable évidemment sur le plan sanitaire et social. On ne peut pas interdire aux personnes de sortir indéfiniment. On ne peut pas faire perdurer indéfiniment la période dite de «  confinement  ». Ce mot ridicule comporte plusieurs connotations utiles au pouvoir  : 1° C’est mignon d’être confiné, cela évoque le douillet, la protection agréable  ; 2° Cela évoque en soubassement la restriction, la contrainte, pour ne pas dire la mesure répressive masquée sous le côté protecteur et mignon… 3° Empêcher de faire penser à ceux qui peuvent rester chez eux que justement ce n’est pas le cas de tout le monde, que la moitié de la population est obligée d’aller s’exposer pour gagner sa vie. Alors, pourquoi le 11 mai  ? Cette date est révélatrice et emblématique de la manière dont ici depuis quelque temps se passent les choses. D’abord, il fallait donner l’idée de confiner le confinement. Pour endormir les masses. Ainsi, celui qu’on appelle le président devait lâcher quelque chose d’un peu concret. Les gens commencent à en avoir marre, à se poser des questions, à s’angoisser. Alors, on cherche une date qui ne soit pas trop proche, parce qu’en fait, quand le confinement sera véritablement viable, ma foi, on n’en sait rien. Mais pas trop lointaine non plus. Parce que sinon la population pourrait se mettre à réfléchir, à s’énerver, à manifester aussi peut-être pourquoi  pas  ? Bref, à se réveiller enfin. Car le pays ne se gouverne plus. Il marche à la séduction et à l’endormissement. Alors d’abord on lâche une date appropriée quant au plan psychique, c’est très important le psychique dans une mission de séduction et de manipulation. Tout en confinant le dé-confinement, en disant oui mais, pas pour tout le monde. Sur ce, quelques jours plus tard, son valet en chef commence à dire que cela se fera très, très progressivement. On laisse passer encore quelques jours, parce qu’il faut que cela infuse. Et celle qui porte la parole fausse de son gouvernement, rajoute encore quelques couches en rappelant que cela va être un long travail, qu’il faut bien réfléchir, que cela ne se fera pas pour tout le monde en même temps. C’est très important, cette idée que cela ne se fera pas pour tout le monde en même temps. Parce que cela, de façon insidieuse et sûre, va continuer à fracturer, à diviser la population. Pourquoi lui, il peut être libre et pas moi  ?

Or, malgré ces entreprises d’endormissement et de séduction, la douleur et la colère montent. Je le vois à cette sorte d’acceptation de la mort. Oui, la mort est naturelle, inévitable et vouloir la neutraliser comme le voudraient le post-humanisme et la nouvelle techno-médecine qui a commencé à se propager chez les riches, c’est criminel. Je le sais bien, j’ai écrit un roman à ce sujet qui va paraître. Mais je ne veux pas mourir à cause d’un gouvernement et d’un pays indigents. Sur des tableaux, listons chez plusieurs pays, les nombres de cas déclarés touchés par le virus et le nombre de morts. Pour certains pays, pour des nombre de cas déclarés à peu près équivalents, les nombres se référant aux  morts sont très différents. Beaucoup dans un pays, beaucoup moins dans un autre. S’accusent ainsi des écarts considérables. Il faut croire qu’on n’est pas tous égaux devant la mort. Et ceci, non pas du fait de raisons intrinsèques mais du fait de l’environnement, de la qualité de la prise en charge, des soins. Chaque soir, le bourreau énonce des montagnes de chiffres. Et la pandémie commence à être comparée à des pandémies affreuses. Ce qui est faux bien sûr. On accentue à l’extrême la gravité de cette pandémie pour pallier l’incurie, la gestion basée sur la séduction pour cause d’incapacité à traiter vraiment le problème, pour signifier  : Voyez, si les gens meurent comme ça, ce n’est pas à cause de nous. C’est à cause du seul virus. Il est diabolisé car cela forme un alibi.

Le problème quand se produit une répression forte et qui, de surcroît, est impuissante à nous protéger, c’est que cela enclenche presque systématiquement la réaction inverse, légitimant le fait qu’il y ait des malades et des morts, en invoquant le fait naturel  : la mort. Si tant de gens sont malades et meurent actuellement, ce n’est pas tant à cause du virus, que de la manière dont cela a été traité et cela continue à être traité ici, c’est-à-dire fort mal. C’est pourquoi, mon cœur se refuse à mettre en perspective les morts par accidents de la route, cancers, infarctus ou autre motif avec les personnes qui, par ce coronavirus, sont déjà mortes, qui vont mourir aujourd’hui et qui mourront demain et encore demain… Une chose est d’accepter l’inéluctabilité de la mort, ce que nous devrons tous faire un jour ou l’autre, acceptation d’ailleurs gravée dans notre inconscient car lui ignore la mort. Une autre est d’avaler le fait que, pour un certain nombre de personnes, la mort n’aurait pas fauché. Cela, c’est plus dur en somme, beaucoup plus dur à accepter. Mon tempérament ne peut pas faire le jeu du pouvoir, en croyant que, dans ces cas, c’est la seule mort qui tue.

33ème jour de «  confinement  », quand l’incurie du pouvoir se fait passer pour la faucheuse.

Opération Coronavirus : « Sur les ruines de l’Histoire » par Frederika Abbate

Par Frederika Abbate

Sur les ruines de l’Histoire

Le COVID-19 et le « Progrès »

Walter Benjamin dans son génie a imaginé l’Histoire telle une seule et unique catastrophe, que fixe l’Ange de ses yeux effrayés. Ailes déployées et tournant le dos à l’avenir, le visage tourné vers le passé, il voudrait réparer ce champ de ruines, le remembrer. Mais il en est empêché. Car le vent du Progrès, qui souffle constamment, l’en éloigne à jamais.

Pour le titre et la teneur de mon roman « Les Anges de l’Histoire », je me suis inspirée de ce texte de Benjamin où apparaît son fabuleux Ange de l’Histoire, évoquant le tableau « Angelus Novus » de Paul Klee, acquis par le philosophe en 1921 et qui, après quelques déplacements dus à la deuxième guerre mondiale et à la fuite de Benjamin menacés par les nazis, a fini par se retrouver au musée d’Israël.

Dans « Les Anges de l’Histoire », le « progrès » de la marche du monde où, justement, de monde il n’y en a plus qu’un, aboutit à un état de perfection du capitalisme jamais atteint auparavant, qui aplatit la singularité des individus, neutralise les personnalités et, secondé par le « progrès » techno-scientifique, vise à la destruction de la nature humaine, par, notamment, des manipulations génétiques allant jusqu’à vouloir l’éradication du maître absolu, la mort.

Le maître absolu : la mort

Tout ceci se retrouve et se décline dans la pandémie actuelle. L’éclosion du virus, (sa prolifération d’abord chez l’animal et son passage à l’humain par la gestion cupide de l’élevage et de la vente d’animaux au détriment de l’hygiène), sa propagation, non par laxisme ou incurie mais par choix délibéré et idéologique de ne pas toucher à la sacro-sainte liberté de circulation, qui, dans une situation aussi catastrophique qu’une crise sanitaire, révèle sa face et sa fonction véritables : le capitalisme sans frein. Ainsi que les manipulations politiques subséquentes ne reculant pas à jouer insidieusement sur le maître absolu qu’est la mort, l’instrumentalisant à leur profit.

Les Anges et les ruines

Ma mission de romancière est double. Voir, observer, prolonger, pousser à l’extrême pour mieux voir et rendre visible tout ce qui concerne les données essentielles de l’humain, d’une part dans leur versant atemporel ; et d’autre part prises dans les conjonctures les plus actuelles en mettant en relief les dégâts que celles-ci causent dans la vie et l’esprit des êtres.

Parallèlement à cela, le deuxième pan et non des moindres de ma mission, consiste à proposer un style de vie, de pensée, de ressentir qui me semble authentique et qui entre en résistance contre nos faiblesses intrinsèques et les répressions extérieures diverses que plus ou moins consciemment nous subissons.

Ainsi, pour le premier point, je vois la pandémie comme l’un des rejetons du drame où nous ont menés des années de malfaisances et qui se sont cristallisées dans le virus. Vouloir toujours plus, ne pas songer au lendemain, ne pas se soucier des facteurs proprement humains, ne penser qu’à la rentabilité outrancière. Et l’on voit d’ailleurs qu’on aboutit à l’inverse du résultat escompté. Car comme la plupart des états n’ont pas voulu fermer les frontières dès le début, étant aliénés à la marche inexorables du profit, méprisant la nécessité élémentaire consistant à protéger les populations, des crises économiques plus graves vont en résulter. Dans « Les Anges de l’Histoire », la marche inexorable du capitalisme libéral montre que l’on pourrait aboutir à la disparition de la nature humaine. Et la catastrophe sanitaire que nous traversons ramène à l’atmosphère d’apocalypse de ce roman, à son questionnement central sur la valeur de la vie humaine (dans les hôpitaux de France, vu leur degré de dégradation, le choix doit être fait souvent entre qui doit vivre et qui doit mourir). Dans « Les Anges de l’Histoire » est rendu visible le risque d’aller jusqu’au bout de l’humanité : de plus en plus de gens mènent une vie asservie au profit, au paraître et qui sont prêts à tout, vraiment à tout pour écraser les autres. Trop cupides, ils se sont éloignés du principe vital. En voulant toujours plus, ils bafouent le corps humain, l’amour, la mort… C’est un monde ravagé par la machine idéologique du profit, où sont neutralisés les élans primitifs essentiels, l’amitié, l’authenticité d’une vie en accord avec soi-même, la singularité des individus… Or, tout ceci amène aussi à la pandémie. La pandémie va rendre encore plus criantes des injustices et des inégalités scandaleuses.

L’immunité collective

Comme dans « Les Anges de l’Histoire », des gens vont être sacrifiés. Envoyés au casse-pipe, pour que se résolve d’elle-même la pandémie. L’immunité collective est inhumaine. Il faut le dire. C’est cela qui va arriver. Comme en témoignent les annonces venant d’être faites au sujet de la fin de ce qui est appelé «confinement». Les enfants pourront retourner à l’école. Petits porteurs sains et dans l’impossibilité absolue due à votre âge d’employer les « gestes barrières », contaminez bien vos enseignants, vos parents. Et vos parents d’ailleurs pourront mieux travailler parce que l’école, pour les petits, sert aussi de garderie, pas seulement à formater les esprits. Tandis que les étudiants, qui sont capables d’appliquer les « gestes barrières » mais n’ont pas besoin d’être gardés, ne pourront pas retourner à la fac. Étrange, non ? D’abord, on nous enferme, parce qu’on n’a pas voulu faire le nécessaire à temps. Sans compter que seule la moitié de la population reste chez soi, les autres sortant pour aller travailler… Et ensuite, on nous libèrera. Comme ça, trop heureux de pouvoir enfin profiter du printemps, on va se contaminer à profusion. Tout cela est savamment orchestré. On nous le dit, je n’invente rien. Il faut faire de la place dans les hôpitaux. Tout s’orchestre à partir de là. À partir des budgets restreints pour la santé, finalement… On criera à la joie de la fin du « confinement » mais pas de la fin de la pandémie. C’est là qu’il faudra faire très attention.

Alors, celui qui peut ne pas travailler encore quelques mois, ayant des réserves financières, pourra ne pas aller s’exposer. Tandis que ceux qui seront obligés d’aller travailler pour gagner leur vie, s’exposeront. Et ils travailleront ainsi, à leurs risques et périls dans le sens littéral du terme, à l’inhumaine immunité collective.

La vie ou la mort

Dans les hôpitaux de France, pays apparemment rangé dans les pays développés (en quoi serait-elle développée ?), faute de lits et de matériel, le personnel hospitalier est investi de l’horrible tâche de devoir choisir. Dans le fond, je ne vois pas pourquoi des personnes âgées auraient moins le droit de vivre que d’autres. Pour moi, une vie est une vie. Ce problème nous concerne tous actuellement, c’est un vrai problème d’éthique. Je ne sais pas si l’on mesure à quel point cela va changer la vie des personnes dans les milieux hospitaliers d’avoir eu à faire ces « choix ». Ce qui pose une question essentielle : notre rapport à l’humanité, à ces questions de vie et de mort va changer. Et il est à craindre que ce soit pour le pire.

Il y a toutes les « petites » professions non-protégées, qui ne peuvent pas être exercées. Comment vont survivre ces gens ? Il y a tous ceux qui ne peuvent pas travailler, qui sont au bord de la faillite, la faillite financière et morale. Comme ce restaurateur indien que je connais, qui est en France depuis 40 ans. Cela fait 40 ans qu’il travaille, sans prendre un seul jour de congé (même s’il est souffrant), parce qu’il en a un besoin absolu pour vivre. Il n’a pas à choisir entre la santé ou l’argent. Il sait que sans argent, il ne sera pas correctement soigné. Si on peut se payer 3 000 € par jour, à l’hôpital américain, on risque beaucoup moins de mourir, non ?

Les dommages collatéraux

Les gens, déjà très individualisés et menant des vies inauthentiques, vont être encore plus individualisés et encore plus aliénables, corvéables à merci. Les livreurs sont très exposés, eux qui ont servi à celui qu’on appelle le président de montrer que soi-disant la courbe du chômage a baissé, alors qu’ils n’ont aucun droit.

Il y a tous les dommages collatéraux, dont on ne parle pratiquement pas. Les banlieues qui sont devenues plus que jamais des zones de non-droit que le gouvernement abandonne complètement. Les règles ne sont pas respectées, ce n’est pas grave. Ce n’est pas la peine d’envoyer la police, laissons gérer (contrôler, dominer) ces zones par les dealers, les islamistes. Que les gens se contaminent à qui mieux mieux. Bon débarras, cette vermine de banlieue, pourvu que soit sauvé qui doit être sauvé intra-muros (ce terme reprend ici toute sa résonance). Et comme il y a peu de monde dans les rues et pas de contrôle dans ces banlieues, les voyous terrorisent les vendeuses esseulées dans les petits commerces de bouche, livrées à elles-mêmes, sans défense.

Poisons de la mondialisation

Comme révélateur, la pandémie va nous montrer la cupidité frénétique des laboratoires pharmaceutiques. La molécule d’un certain spécialiste des maladies infectieuses de renommée internationale est bafouée, juste parce qu’elle ne vaut pas cher.

Elle nous montre aussi les méfaits de la mondialisation. Plus un seul coin de sauvé. Sauf l’extrême nord et j’espère que cela ne va pas atteindre les peuples qui vivent là-bas, qui subissent déjà les méfaits des pollutions causées par l’occident, alors qu’ils n’y sont pour rien.

Il n’y a plus qu’un monde, un modèle unique, ce qui veut dire que nous n’habitons plus nulle part, puisqu’on ne peut pas faire sien un quelconque pan de terre. Ce qui veut dire que la nature n’existe plus, pas seulement à cause des pollutions diverses mais dans notre rapport au lieu. La mondialisation est le non-respect par rapport à chaque peuple, sous couvert de respect. Dire que tout est pareil et appartient à tout le monde revient à faire que plus rien de vrai n’existe et que personne ne détient quoi que ce soit, à part une poignée de puissants pour qui le monde est une vaste cour de récréation, et qui sont en train de manger la laine sur le dos des anges…

Les Anges

Les virus mortels… je les ai imaginés dans le roman que je suis en train d’écrire, qui vient après « Les Anges de l’Histoire ». Mais jamais je n’aurais cru vivre cela moi-même. J’ai mis du temps à accepter, et je ne sais pas si cela peut s’accepter vraiment, que ce pire deviendrait actuel. Et c’est donc maintenant que le deuxième pan de ma mission de romancière s’avère pleinement indispensable. La proposition d’un nouveau mode de vivre et de penser qui soit plus en adéquation avec la vie terrestre, avec une ouverture d’esprit plus grande, une sensibilité aiguisée. Ce qui ne peut avoir lieu qu’avec le courage d’être soi, de se créer sans cesse, de ne pas correspondre aux schémas pré-fabriqués, aux rôles qu’on veut nous faire endosser. C’est pourquoi dans « Les Anges de l’Histoire », même si souffle toujours violemment le vent du Progrès qui, non seulement veut empêcher de réparer la grande catastrophe qu’est toute l’histoire, tout le passé, mais pousse inexorablement à commettre toujours plus de ravages, il y a un groupe de résistants qui vont en essaimer d’autres. Les « Anges de l’Histoire » révèle les misères du monde dit réel, notre monde, où les humains seront des monstres complets. Ce qui risque de se produire dans le réel si des groupes de gens réveillés, encore singuliers, n’alertent pas les autres et n’entrent pas en résistance pour combattre ces méfaits.

La fin des temps

« Les Anges de l’histoire » initie un cycle sur la fin des temps. Dans ce roman, il y a des choses qui combattent l’incurie, l’incompétence et la cupidité des divers pouvoirs et de l’aliénation qui s’en suit, les manipulations génétiques qui signent le divorce d’avec la nature essentielle. Ces choses sont le désir absolu de vouloir rester humain, avec ses imperfections certes mais aussi et surtout avec la foncière adhérence à la vie authentique, la coïncidence de ce qu’est chacun avec son mode de vie, la création, l’amour, la recherche du sens. Dans la catastrophe sanitaire actuelle, j’ose espérer que c’est cela qui, en partie, pourrait sauver aussi.

Le 16 avril 2020 – 31ème jour de « confinement » quand les humains risquent de devenir an-humains.