Le transgenre : une réalité de souffrances pour l’entourage aussi – le témoignage de Malédicte (« Les enfants inutiles ») lu par Wukali

L’ Ardenne (et non les Ardennes, nous sommes en Belgique) peut être un lieu enchanteur quand on a 6 ans comme Éléonore. Elle ne ressemble pas à Diane, sa sœur ainée,  Éléonore est vive, curieuse, adore les mystères de la nature qu’elle s’efforce de découvrir. Et puis, il y a François le petit dernier, le porteur d’un chromosome Y comme se plait à dire la mère. Un grand regret son ancienne maison au-dessus du bureau de poste tenu par son grand-père, mais ils vivent maintenant à la campagne, lieu de toutes les découvertes. Le père est inspecteur de police, la mère institutrice. La mère, passe son temps à faire la sieste et se transforme régulièrement en une sorte de Folcoche1 pour ses filles. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les parents sortent peu et reçoivent encore moins. De fait, une sorte de chappe de silence, de non-dits pèsent sur cette famille. 

Éléonore grandit, connait les premiers émois de l’amour et tandis que Diane s’oriente vers une carrière musicale, elle devient architecte. Et un jour, elle apprend ce que ses parents ont toujours caché à leurs filles : leur père ne s’est jamais ressenti comme un homme, il a toujours pensé être une fille. Mais la pression sociale, son physique l’ont obligé à se cacher, à jouer un rôle qui lui pesait de plus en plus. Leur mère le savait depuis toujours et a tout fait pour qu’il se sente être l’homme qu’elle aimait. Parfois, elle le laissait s’habiller en femme. De fait, Éléonore prend conscience que les trois enfants n’ont été conçus que pour qu’il endosse le rôle de père dans tout le sens masculin du terme. L’obsession du troisième enfant était là que pour montrer au géniteur qu’il portait en lui le fameux chromosome Y, que tout en lui n’était pas que féminin. Et comme les enfants n’ont pas rempli leur mission vis-à-vis de leur père, leur mère les rejette car devenus en quelque sorte « inutiles ».

Il lui aura fallu attendre 40 ans et deux maternités pour qu’ Éléonore puissent répondre aux questionnements de son enfance.

Par ce roman au sujet pour le moins inhabituel, Malédicte aborde le problème du transgenre. Pour une fois, ce n’est pas la personne concernée qui est au centre du récit, mais un membre de la famille, ce qui permet de percevoir les effets dans l’entourage. Que de dysfonctionnements ! Que de vies brisées ! Quel avenir pour des enfants perçus non pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils doivent être, pour remplir la mission qui leur a été confiée au moment de leur conception. Il faut une grande personnalité pour arriver à se bâtir.

Un sujet d’actualité qui fait beaucoup, beaucoup parler, mais une réalité pour certains, une réalité de souffrances qui déteint sur leur entourage.

Valérie Gans, écrivain et éditrice digne d’être dans Causeur !

Valérie Gans, une autre voix est possible

Valérie Gans publie « La question interdite », un roman pas franchement #MeToo

Valérie Gans, une autre voix est possible
La romancière Valérie Gans. DR.

Valérie Gans publie un nouveau roman, La question interdite, dans lequel elle dénonce les dérives du féminisme et le tribunal des émotions. La romancière a également fondé sa propre maison d’édition, Une autre voix, pour lutter contre le wokisme qui gangrène la littérature actuelle.


Dans La question interdite, Valérie Gans nous plonge dans une société où la vérité est sacrifiée sur l’autel du conformisme. Ce roman audacieux raconte l’histoire d’Adam, un vidéaste accusé à tort de pédocriminalité par Shirin, une adolescente manipulée par sa mère. À travers ce récit, Gans met en lumière les dérives du féminisme contemporain, du wokisme et de la justice médiatique, rappelant les dangers d’un tribunal populaire où l’émotion prime sur la raison.

Loin de minimiser la gravité des véritables crimes, Gans interroge cette tendance inquiétante à juger et condamner sans preuve, sous l’influence des réseaux sociaux et des foules hystériques. Elle rejoint ainsi des penseurs comme Jürgen Habermas, qui affirme que la démocratie ne peut survivre sans un espace public pour la discussion rationnelle. Ce roman appelle à réhabiliter la nuance et la raison dans une société de plus en plus polarisée, où la suspicion remplace l’investigation et où la condamnation publique est instantanée.

Une autre voix : un engagement littéraire audacieux

Pour défendre la liberté de penser, Valérie Gans a fondé sa propre maison d’édition, Une autre voix. Ce projet incarne une rébellion contre la censure et le conformisme idéologique qui dominent l’industrie littéraire actuelle. Gans y prône la diversité des opinions et des récits, s’opposant à l’autocensure qui se généralise et à l’emploi de sensitivity readers.

Le manifeste d’Une autre voix est clair : il s’agit de redéfinir l’espace littéraire en brisant les carcans imposés par les dictats sociaux et idéologiques, et en défendant une littérature authentique, sans compromis. Cette maison d’édition milite pour un retour à la liberté d’expression, sans censure et sans déformation de la réalité.

L’effet de meute : quand la foule prend le pouvoir

L’un des thèmes centraux de La question interdite est l’effet de meute, ce phénomène où l’individu se dissout dans une foule assoiffée de justice expéditive. Gans illustre comment la société actuelle, avide de coupables, se précipite de juger et de condamner avant même que les faits ne soient établis, un lynchage médiatique que Durkheim et Bourdieu auraient décrit comme la nouvelle forme de violence symbolique.

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Cette dynamique est amplifiée par les réseaux sociaux, où chacun peut, en quelques clics, participer à la destruction d’une vie. Adam devient ainsi la victime d’une « chasse aux sorcières » moderne, son destin brisé par une accusation infondée. Gans démontre ici les ravages d’une justice populaire qui ne laisse aucune place à la défense ou à la nuance.

Wokisme et cancel culture : la nouvelle inquisition

Valérie Gans ne cache pas son scepticisme envers le wokisme, qu’elle décrit comme une nouvelle forme d’inquisition. Dans ce contexte, l’idéologie dominante impose une pensée manichéenne, un contrôle permanent des idées et des mots, comme Orwell le décrivait dans 1984. Ce carcan idéologique, qui se cache derrière des apparences de justice sociale, menace la liberté d’expression et étouffe le débat.

Dans La question interdite, la manipulation de Shirin par sa mère incarne cette dérive : la fausse accusation est acceptée non pas en raison de preuves, mais parce qu’elle correspond aux normes sociales en vigueur. Michel Foucault, dans Surveiller et punir, alertait sur les dangers d’un contrôle total des idées. Gans dépeint un monde où la vérité n’a plus de place et où le doute est criminalisé.

Le féminisme face à ses excès

Si Valérie Gans questionne les dérives de certains courants féministes, elle ne rejette pas le mouvement dans son ensemble. À travers le personnage de Shirin, elle montre les dangers d’une victimisation systématique qui essentialise les rôles de bourreau et de victime. Ce discours fait écho aux critiques d’Élisabeth Badinter, qui, dans Fausse route, dénonçait les excès d’un féminisme radical, source d’incompréhensions entre les sexes.

Gans appelle à une autocritique salutaire du féminisme, afin de préserver sa pertinence. En posant la question dérangeante : « Et si ce n’était pas vrai ? », elle rappelle que le féminisme, comme toute idéologie, ne doit pas être au-dessus de la critique.

Une société sous surveillance : la mort de la vérité

La question interdite offre une vision dystopique d’une société où chaque interaction est surveillée, où la suspicion est devenue la norme, et où les relations humaines sont soumises à une transparence totale. Gans anticipe ainsi une société du contrôle social, où chacun est jugé non sur ses actes, mais sur la perception subjective de ces derniers, une situation qui rejoint les théories de Byung-Chul Han dans La société de la transparence.

Cette omniprésence du jugement public détruit la confiance et pousse à l’autocensure. Gans montre à quel point ce climat délétère empêche toute véritable communication et paralyse les relations authentiques.

Un appel à la révolte contre le conformisme

Malgré la noirceur de son récit, Gans laisse entrevoir une lueur d’espoir. Vingt ans après les faits, Shirin, rongée par le remords, tente de rétablir la vérité en publiant un message sur les réseaux sociaux. Si ce geste n’efface pas les injustices commises, il symbolise la quête inlassable de la vérité, un combat que Camus jugeait nécessaire, même s’il est souvent vain.

La question interdite est un appel à résister à la tyrannie de la pensée unique et à réhabiliter la nuance et la liberté de penser. Valérie Gans, avec ce roman et à travers sa maison d’édition, incarne un engagement contre la censure sociale, médiatique et éditoriale. Elle nous invite à retrouver le courage de questionner les certitudes et à défendre, coûte que coûte, la liberté d’expression.

Une rencontre-débat avec Valérie Gans et ses auteurs est organisée jeudi 28 novembre 2024 dès 19h à l’hôtel la Louisiane 60 rue de Seine, Paris 6e. Inscriptions par sms au 06 84 36 31 85 

La question interdite, de Valérie Gans, Une autre voix, 2024

« La Question interdite » de Valérie Gans fait réfléchir les Bretons !

Il faut du courage pour prendre le risque d’ouvrir une nouvelle maison d’éditions en 2024, triste époque où les livres se vendent chaque année de moins en moins. Valérie Gans a se courage. Mieux ! Sa démarche engage une hardiesse combative face à la redoutable adversité de la bien-pensance progressiste et libérale. Une Autre Voix aborde tous les sujets sociétaux sans jamais verser dans la pensée unique.

Un livre… Une histoire… Un propos…

Galéjade… Baratin… Boniment… Quel que soit le nom qu’on lui donne, un mensonge coure toujours plus vite que la vérité, à tel point que « ne pas mentir » est un axiome dont les parents se prévalent auprès des enfants, et seulement auprès d’eux, nulle part ailleurs ; ainsi ne demande-t-on jamais sérieusement à un adulte de dire juste la vérité, puisqu’aucun ne peut honnêtement affirmer qu’il ne ment jamais. Et diable ! que la vie serait triste sans mensonge. Dans La question interdite, Valérie Gans raconte précisément l’histoire d’un mensonge. Les nez s’y allongent au fur et à mesure des contrevérités… L’hypocrisie s’installe… L’imposture prend forme… Ce que l’auteur résume en ces termes (page 157) : « … la seule [question] qui devrait nous intéresser, est : qui est cette fille qui ose mettre en cause tout ce pourquoi, depuis deux décennies, nous nous sommes battues ? Qui est-elle pour semer le doute sur la vérité grâce à nous avérée (…) que les hommes sont des prédateurs ? Et qu’il faut s’en méfier, au lieu d’essayer de leur trouver des excuses ! » 

En outre, depuis MeToo, la question souvent posée au sujet des hommes est : Et si c’était vrai ?… Jamais, ou trop rarement : Et si cela était faux ?…  A l’heure numérique, montrer du doigt ne suffit plus, il faut désormais accuser en multipliant les jets de pierres lancées sur les réseaux sociaux. Et ! Bien entendu. Ne surtout pas laisser la partie adverse se défendre. Page 204 : « Mais je ne comprends pas, demande Pauline. Si il n’y a rien eu entre lui et vous, s’il ne s’est rien passé, pourquoi l’avez-vous dénoncé ? (…) À cause de la honte. Ce n’est pas lui qui m’avait agressée, c’est moi… Vous comprenez ? » Les femmes comprendront peut-être. Et encore ! Les hommes beaucoup moins. Ils sont plus bruts – ne pas confondre avec brutaux – et ont du mal à mentir en mettant la (fausse) raison de leur côté. Au reste, aucun homme n’a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge, en tout cas pas aussi bien que les femmes car…

Les cinq dernières pages

… contrairement aux idées reçues, les plus grands mensonges sont féminins. A commencer par celui d’Iseult au préjudice de Tristan qui, par jalousie – c’est presque toujours le cas ! –  lui fait croire que le bateau en approche arbore une voile noire et non une blanche… Notons également les faussetés de Cassandre… Et celles d’Apaté, déesse mineure du panthéon grec, elle est toutefois l’un des pires maux contenus dans la boîte de Pandore… Puis la duplicité de Cléopâtre vis-à-vis de Marc-Antoine… Sans oublier Scarlett O’Hara, menteuse éhontée pour obtenir gain de cause avec l’homme de ses convoitises… Allez ! Une dernière. Pas des moindres. Ève Lecain sous la plume de Frédéric Dard dans C’est toi le venin ; peut-être le plus gros mensonge de la littérature francophone… Point commun avec La question interdite : Ne manquez pas les cinq premières pages… Et ne racontez surtout pas les cinq dernières…

Où ? … Quand ? … Comment ? …

Le propre d’une chronique littéraire n’est pas de raconter par le menu l’histoire dont elle parle. Juste inciter à sa découverte. La question interdite est un pavé, non seulement dans la mare des publications actuelles, mais aussi et surtout dans l’eau saumâtre de cette rentrée littéraire. Peut-être un renouveau. Ou pas. Le lecteur jugera. Pour se faire, il faudra commander le livre directement aux éditions Une Autre Voix. En effet. Afin d’éviter que les ouvrages partent au pilon et n’alimentent la gabegie de l’édition, Une Autre Voix a choisi de contourner le système de diffusion traditionnel. C’est pourquoi – tout au moins pour le moment – aucune de leurs publications n’est disponibles en librairie. Tout s’achète en ligne. Et Surtout ! Ne manquez pas les cinq premières pages… Ne racontez pas les cinq dernières… Bonne lecture.

Jérôme ENEZ-VRIAD
© Octobre 2024 – Bretagne Actuelle & J.E.-V. Publishing

La question interdite, un roman de Valérie Gans aux éditions Une Autre Voix – 207 pages – 31,00 Uniquement en vente ici 

Le Dit des Mots a lu « La Question interdite » de Valérie Gans

Une histoire de bons sentiments

Roman
Ancienne critique littéraire au Figaro Madame, romancière et aujourd’hui éditrice, Valérie Gans publie sous ses couleurs son nouveau roman, La Question interdite (*). L’odyssée d’un homme brisé par une rumeur d’agression sexuelle. Et un propos un peu attendu dans un contexte plutôt réactionnaire, elle retourne le mythe de la victime, pour ironiser sur l’époque #MeToo.

C’est l’histoire d’une agression. La Question interdite de Valérie Gans met « aux prises » un artiste vidéaste reconnu, Adam, une adolescente, Shirin, un peu paumée qui vit seule avec sa mère depuis le décès de son père, et les autres… : copains de collège, médias, policiers. Entre autres. Le jour où Adam est accusé de comportement interdit avec Shirin, sa vie vire au cauchemar, même si, pour autant, celle de Shirin ne va pas connaître d’apaisement.

On sent le métier chez Valérie Gans, qui sait écrire une histoire de manière efficace, décrivant avec aisance ses personnages principaux et les caractères. Très vite, on comprend ainsi que Shirin vit avec une mère envahissante et qui n’est pas peu fière de l’attention que l’artiste porte à sa fille dont il fait un de ses modèles favoris, y compris quand il s’agit de doubler pour une animation vidéo une cantatrice capricieuse devant interpréter La Force du destin, de Verdi, dont Adam assure la mise en scène. Car la jeune Shirin « explose » à l’écran. « Dès qu’on la filme, c’est comme si on la voyait flotter entre ces deux états de maturité. Elle exprime à la fois tout et son contraire. Fragilité, détermination, abandon, curiosité, mal-être, joie de vivre, gaminerie, séduction… Son corps peut rire quand ses yeux sont en train de pleurer. »

Le grand site Actualitté présente « Une autre voix » nouvelle maison d’édition de Valérie Gans

20 ans après #MeToo

Harvey Weinstein, Gérard Depardieu, Roman Polanski, Benoit Jacquot… Depuis quelques années, nombre d’acteurs, de producteurs ou de réalisateurs se trouvent accusés d’abus sexuels. Ancienne critique littéraire, notamment au Figaro Madame, publiée notamment chez JC Lattès, Valérie Gans a choisi d’évoquer ce sujet sensible à travers un percutant roman, diffusé par ses soins car refusé par de nombreuses maisons. Texte par Étienne Ruhaud

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La Question Interdite

ActuaLitté

2018. Un peu boulotte, orpheline de père, mauvaise élève, Shirin Djahavani vit seule avec Irène sa mère, masseuse, dans le centre de Paris. À quatorze ans, l’adolescente semble totalement sous la coupe d’Irène, prématurément veuve, toujours célibataire. Projetant ses fantasmes sur Shirin, Irène l’encourage ainsi à poser pour Adam Lepage, vidéaste quadragénaire marié à une psychiatre, Pauline.

Féministe, habitué des reportages-choc, Adam photographie ainsi Shirin, en compagnie de femmes, pour la mise en scène de La force du destin, opéra signé Verdi. Naguère méprisée, devenue objet de fascination pour ses camarades car supposée en couple avec un « vieux », Shirin s’épanouit, pour le grand bonheur d’Irène, qui l’habille, la maquille, afin de la rendre plus sexy.

Chaque semaine, ainsi, pimpante, surexcitée, Shirin se rend à l’atelier d’Adam, en plein Marais, et pose nue, révélant une féminité naissante, désormais assumée. Tout ne se passe pas comme prévu, toutefois : rentrée en pleurs, un soir, à l’appartement familial, Shirin confie, devant une inspectrice, avoir été violée par Adam – contrainte à effectuer une fellation.

Dès lors, tout s’effondre. Jeté en pâture sur les réseaux, conspué par la presse internationale, quitté par Pauline, Adam finit par se suicider en se jetant dans le vide, un samedi soir. Shirin, de son côté, traitée en paria par ses copines, voit ses notes dégringoler, se replie et s’éloigne définitivement d’Irène. 

Vingt ans après

2038. Les relations hommes/femmes sont devenues exécrables, chacun fuyant l’autre, ce qui sape les fondements mêmes de la société. Devenue reporter de guerre, Shirin vit désormais avec Lalla, libanaise, lesbienne, elle aussi orpheline d’un père tué lors d’un attentat. Âgée de trente-quatre ans, Shirin sillonne ainsi le monde avec cette femme, sans pour autant partager son homosexualité.

Ayant totalement rompu avec sa mère, peu épanouie, Shirin paraît rongée par le passé. Ainsi finit-elle par avouer la vérité, à travers un post Facebook. Non, Adam ne l’a jamais violée, et cette histoire fut montée de toutes pièces. Devenue à son tour, comme Adam, victime des réseaux, conspuée par certaines féministes radicales l’accusant de traîtrise, de complaisance à l’égard d’une gent masculine nécessairement prédatrice, Shirin voit, à son tour, son monde disparaître.

Indésirable, dans le milieu de la presse, Shirin est également harcelée par diverses militantes, puis lâchée par son patron, Stanley, et enfin par Lalla, elle-même éclaboussée par le scandale. Résolue à en finir par overdose médicamenteuse, Shirin est prise en charge par une clinique privée, où Irène, toujours masseuse, officie.

Elle y retrouve par hasard Pauline, et avoue tout. Amoureuse d’Adam, éconduite, manipulée par une mère abusive, omnipotente, Shirin s’est laissé manipuler, jusqu’à salir l’honneur d’un homme, et le pousser dans la fosse. Une histoire s’ébauche finalement avec Stanley, l’ancien patron. 

Une dénonciation ?

Le propos est évidemment polémique. Dénonçant la dégradation des rapports homme/femme, et la toute-puissance d’un lobby féministe dans une réalité alternative, Valérie Gans fait œuvre de subversion. Car naturellement les armes ne sont pas égales : dans le roman, Shirin est nécessairement victime d’un adulte. Les rôles sont d’emblée attribués, et aucune marge d’erreur n’est tolérée, dans la mesure où l’idéologie, et non le réel, prend le pas.

Ce même lobby est d’ailleurs capable de violence contre les femmes elles-mêmes : celles qui refuseraient de se soumettre, de haïr les hommes, de se poser en martyres sont ainsi physiquement châtiées. Lesbienne, Lalla est malgré tout harcelée puis frappée pour avoir pris la défense de Shirin, avoir appuyé sa version des faits.

Innocent condamné par cette société partiale, qui fait de tout mâle un potentiel violeur, Adam Lepage n’a même pas la possibilité de se défendre, de démontrer l’illégitimité de l’accusation. Son honneur définitivement sali, le vidéaste n’a d’autre issue que la mort. Pareillement, le monde futur imaginé par Valérie Gans a quelque chose de terrifiant.

Basculant dans l’uchronie, l’ex-critique et romancière figure une nouvelle ère, située vers 2038, et où toute forme de séduction hétérosexuelle serait bannie, ou chaque geste, chaque mot, serait soigneusement soupesé afin de ne pas choquer, de ne pas contrevenir à l’ordre imposé par de nouvelles ligues de vertu misandres.

Adieu « Big Brother », bonjour « Big Sister » ?

Il ne s’agit pas pour autant d’un essai ni d’un pur roman à thèse. Écrit dans un style à la fois sobre et limpide, La Question interdite se lit sans peine – explorant un avenir dont nul ne pourrait avoir envie.

Ayant déjà publié de nombreux récits, Valérie Gans sait ménager le suspense, construire une intrigue efficace, prenante. Passé (trop) inaperçu car publié par l’auteure elle-même, comme dit plus haut, ce petit livre éclaire le présent, peut-être l’avenir, et mériterait, à ce titre, une plus grande diffusion.