L’Astrée par Laurence Zordan

book1_astree.jpgQuel pouvoir de séduction pour « l’Astrée » aujourd’hui ?

Il est difficile de parler d’amour lorsque le registre des émotions exprimables se limite à quelques mots.

Est-ce à dire qu’une pastorale amoureuse du XVIIème siècle, – dont les cinq mille pages furent un best seller puis tombèrent dans l’oubli – , est-ce à dire que le roman fleuve d’Honoré d’Urfé, « l’Astrée », nous fait redécouvrir aujourd’hui la puissance du discours amoureux ?

Pastorale amoureuse, discours amoureux : la répétition même révèle l’indigence du vocabulaire, comme s’il nous était impossible de trouver un autre mot. Nous masquons l’obstacle en affirmant le pouvoir performatif du verbe « aimer » : « je t’aime », et cette déclaration n’est pas un simple énoncé car elle fait advenir une réalité. Tout est dit : « Je t’aime », comme « je le jure » a valeur d’action sur le monde.

Pourtant, nous souhaiterions en dire plus. Nous partageons l’intuition de Cyrano de Bergerac : la conquête d’une femme ne peut se prétendre achevée qu’en sachant la belle éprise des manifestations épistolaires autant que de la personne de leur auteur. Existerait-il un art d’aimer inséparable du langage, insatisfait pour l’image .

Qu’est-ce qu’un roman d’amour à l’ère d’internet et du virtuel ?

Les échanges de mails, par leur abondance et leur « temps réel » disent la fragmentation, la nostalgie d’un tissu temporel où se trame la passion.

Nous voudrions arraisonner l’instant tout en lui conservant sa fulgurance, nous voudrions arrêter le temps tout en faisant progresser la plénitude, ce qui est contradictoire et pas aussi simple que « ô temps, suspends ton vol ! »

Nous rêvons d’un labyrinthe pour délabyrinther des sentiments.

Il existe un étrange devoir d’alambiquer, de chercher la subtilité jusqu’à la complication, de quêter le raffinement jusqu’aux détours les plus obscurs. Et dans cette obscurité même irradie la beauté de la langue maniée par Honoré d’Urfé.

Le style est donc essentiel : un roman d’amour est affaire de style, et non de mièvrerie et d’eau de rose, ni de borborygmes ou de « trash ».

Réinventer un discours amoureux au XXIème siècle, telle pourrait être l’aspiration du romancier.

Avec « A l’horizon d’un amour infini », des personnages sont victimes de la « mécroyance » (eût-on dit autrefois) du malentendu inhérent à « l’épanchement du songe dans la vie réelle ». Au quiproquo de la comédie, ils substituent la méprise de la tragédie, l’erreur qui rend aveugle à ce qu’on a sous les yeux.

Les amours d’Astrée et de Céladon épousent toutes les facettes de l’illusion qui croit à mesure que se fait plus ardente la recherche de la vérité.

Lucile, Guillaume et Astrid – dans « A l’horizon d’un amour infini » – rêvent de chemins menant vers un point de fuite dans le tableau de leur morne vie.

Laurence Zordan

Le thème de l’Astrée développé par Laurence Zordan

Le thème de l’Astrée développée par Laurence Zordan (Rohmer n’a fait que copier ! par télépathie )

La preuve dans le texte :(…) « Dans un murmure de tuyauterie et de chasse d’eau, je refusais d’ouvrir à mon oncle. J’avais tracé un cercle mental autour de moi. Aucun homme ne pourrait le franchir, y pénétré sans avoir prononcé les paroles d’un serment fatal. J’aurais été bien en peine de dire lesquelles. J’avais simplement soif d’irréparable, d’irrémédiable, d’irréversible. Une volonté qui exalte le néant pour affirmer la présence de l’amour.

« Puisqu’il faut arracher la profonde racine
Qu’amour en nous voyant nous planta dans le coeur
Puisqu’il faut que le temps, qui vit son origine,
Triomphe de sa fin, et s’en nomme vainqueur,
Faisons un beau dessein, et, sans vivre en langueur,
Otons-en tout d’un coup et la fleur et l’épine
Et prenons de nous-mêmes un congé volontaire.
Nous le vaincrons ainsi, cet amour indompté,
Et ferons sagement de notre volonté
Ce que le temps enfin nous forcerait de faire »

J’ai retrouvé aujourd’hui, recopiés de ma main, ces extraits d’un sonnet de l’Astrée d’Honoré d’Urfé. Une manière volontariste de traiter les sentiments, une manière de nier le temps qui passe, une manière de détruire avec panache ce que le temps défait. Entre la jeune fille d’autrefois, au bord de l’abîme, dans de misérables toilettes, et la femme que je suis, quel est le lien nouant aujourd’hui ma gorge, à la pensée de l’homme oublieux qui, peut-être, ne m’embrassera jamais plus ? Il y a si longtemps, je me préparais à ne plus revoir mon oncle adorable. Comment pourrais-je maintenant prétendre qu’un inconnu ait envie de me revoir, alors que son regard est distrait par la planète entière ? (…)

Pour ceux qui, comme moi avant de faire ce communiqué, ignorent ce qu’est l’Astrée :
« Les amours d’Astrée et de Céladon » d’Eric Rohmer, sortie en salles le 5 septembre dernier : Dans une forêt merveilleuse, au temps des druides, le berger Céladon et la bergère Astrée s’aiment d’amour pur. Trompée par un prétendant, Astrée congédie Céladon qui, de désespoir, se jette dans une rivière. Elle le croit mort, mais il est secrètement sauvé par des nymphes. Fidèle à sa promesse de ne pas réapparaître aux yeux de sa belle, Céladon devra surmonter les épreuves pour briser la malédiction. Fou d’amour et de désespoir, convoité par les nymphes, entouré de rivaux, contraint de se déguiser en femme pour côtoyer celle qu’il aime, saura-t-il se faire reconnaître sans briser son serment ? Il aura fallu attendre Eric Rohmer pour découvrir au cinéma la plus folle histoire d’amour de la littérature baroque, « L’Astrée » d’Honoré d’Urfé. D’après L’Astrée d’Honoré d’Urfé

« A l’horizon d’un amour infini », concourt au Prix Marguerite Duras !!

« A l’horizon d’un amour infini » est candidat à la première sélection du Prix Marguerite Duras.

Objectif du Prix d’après le Président de son jury, Alain Vircondelet, l’attribuer à un livre qui n’aurait pas fait honte à Marguerite Duras. Nulle recherche de clône dans la démarche, mais en revanche, une exigence de qualité, d’innovation et de modernité de l’oeuvre heureuse élue.

A l’horiozon d’un amour infini dans Livres Hebdo, 14 septembre 07

Zordan Laurence

A l’horizon d’un amour infini – Paris Des femmes – Antoinette Fouque 18 x 12 cm

Roman à trois voix dans lequel chacun raconte sa propre histoire. ces trois récits ont en communla difficulté des personnages à se situer par rapport à leur origine sociale et familiale et le désir de régler son compte au passé en cherchant un amour infini ou une autre porte de sortie. Lucette est fille de gardiens d’immeuble, Guillaume est né sous X et Astrid est caissière d’une grande surface.

LIVRES HEBDO, 14 septembre 07

A l’horizon d’un amour infini dans Livres de France (septembre 2007)

Des femmes – Antoinette Fouque

A l’horizon d’un amour infini, Laurence Zordan

Roman à trois voix dans lequel chacun raconte sa propre histoire. Ces trois récits ont en commun la faculté des personnages à se situer par rapport à leur origine sociale et familiale et le désir de régler son compte au passé en cherchant un amour infini ou une autre porte de sortie. Lucette est fille de gardiens d’immeuble, Guillaume est né sous X et Astrid est caissière dans une grande surface. Des femmes – Antoinette Fouque, 2007

« A l’horizon d’un amour infini » de Laurence Zordan

zordan5.JPGA l’horizon d’un amour infini
Laurence Zordan

Office 30/08/2007

A l’horizon d’un amour infini est un roman à trois voix : trois parties se succèdent, intitulées respectivement « Lucette », « Guillaume » et « Astrid », trois histoires racontées à la première personne, Guillaume et Astrid étant deux acteurs du récit de Lucette.
Ces trois récits ont en commun la difficulté des personnages à se situer par rapport à leur origine sociale et familiale, et le désir de régler son compte au passé, en cherchant un « amour infini », ou une autre porte de sortie…
Lucette, fille de gardiens d’immeuble, fomente des projets d’évasion et fait des rêves d’aventures qui lui permettent de transformer la banale réalité de sa vie. Après de fréquents malentendus et désillusions, elle se met brusquement à désirer une vie vouée à des tâches ingrates, pour finalement pouvoir s’en passer… jusqu’à s’apercevoir que toute sa vie est gouvernée par le souvenir enjôleur du château où vivait l’une de ses camarades, Astrid, et par le souvenir d’un baiser raté.
Guillaume est né sous X. Il est voué à rechercher toute sa vie l’éternelle absente, mais aussi à se venger d’elle sans cesse, en gâchant le seul don qu’elle lui a fait, sa beauté : Guillaume s’épuise dans des travaux de manutention. Mais la rencontre avec une femme qui a perdu son fils lui fera désirer de trouver le moyen de ressusciter une part du jeune homme, ce qui donnera à sa vie non pas un sens, mais une direction ambiguë et pour le moins étonnante…
Astrid, l’habitante du château, raconte le parcours qui l’a menée à devenir caissière dans une grande surface alors qu’elle était chef d’entreprise… et raconte à sa façon le fameux baiser donné par erreur à son petit frère par son amie Lucette.
Un thème central réunit ces trois récits : celui de la déchéance, ou plutôt du désir de déchoir. Chacun des personnages semble avoir besoin d’en passer par un abaissement de son être pour découvrir ce qui constitue le nœud de son existence.

Laurence Zordan est ancienne élève de l’École Normale Supérieure et de l’ENA. Elle est agrégée de philosophie et haut fonctionnaire, spécialiste des questions de sécurité et de géostratégie. Ses deux premiers romans, Des yeux pour mourir (2004) et Le traitement (2006), ont été publiés aux Éditions Des femmes.

Portrait rapide de Laurence Zordan

Zordan 3.jpgLa très distinguée Laurence Zordan, qui a suscité les dithyrambiques éloges des plus grands de la presse Edmonde Charles-Roux (La Provence), Mohammed Aïssaoui (Le Figaro), Hugo Marsan (Le Monde) et Virginie Gatti (L’Humanité) pour son roman Des yeux pour mourir en 2005, puis pour Le traitement en 2006 ETC nous offre notre unique nouveau roman de septembre : « A l’horizon d’un amour infini« . Il est, comme dirait la pub, « petit mais costaud » ! Avec un CV super impressionnant (Normale Sup, ENA, agrégation de philosophie etc), Laurence Zordan est dans « l’autre vie » haut fonctionnaire. Son écriture ressemble à de la dentelle, c’est raffiné, fluide, toujours très précis et travaillé – je dirais que c’est très « japonais », ça ressemble à une table de Kyoto.

Neige ou Soleil (Laurence Zordan ou Pomme Jouffroy pour les Prix littéraires ?!)

flocon_neige.jpgLaurence Zordan (A l’horizon d’un amour infini) est le joyau Pôle Nord de nos auteurs quand Pomme Jouffroy (Res Nullius) en est le trésor tropical. Enfin, ça, ce sont mes raccourcis à moi – comment je rencontre les livres et lis les personnes.
Une beauté glaciale et une beauté brûlante. Aux Editions Des femmes on en a pour tous les goûts !

Que la splendeur de la neige (Laurence) ou que le rayonnement du soleil (Pomme) soit récompensé (e) d’un prix littéraire en 2007, nous nous réjouirons identiquement ! Excellente chance aux deux romancières de l’année !