L’hystérie masculine mise à l’honneur par Michel Cazenave sur France Culture (« Les Vivants et les Dieux »)

Les vivants et les dieux

par Michel Cazenave
le samedi de 23h à minuit

Vivants et les dieux (les)

@ contact présentation cette semaine à venir archives


émission du samedi 9 mai 2009
Platon, la folie et la poésie


Traditionnellement, on nous présente Platon comme le père du rationalisme occidental. Ce qu’il est certainement, à condition d’apporter de sérieuses retouches à ce portrait. Dans le dialogue du Phèdre, Platon fait en effet l’apologie de la folie comme l’un des bienfaits de l’humanité et, dans le dialogue du Ion, il explique que, par-delà le rhapsode, le vrai poète inspiré est celui qui est possédé par les muses, autrement dit, plongé dans la folie poétique. C’est tout ce Platon, inconnu jusqu’aux études de E.R. Dodds et de Georgio Colli, et avant une relecture de style heideggerien, que nous allons tenter de redécouvrir ici.

Avec Jean Lauxerois, professeur de philosophie en classe préparatoire aux Grandes Écoles.

Les livres de la semaine

Jean-Marc VIVENZA, Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité, Paris, Albin Michel, « Spiritualités vivantes poche », 2009.

Érik SABLÉ, Un grain de sagesse dans la nuit de la modernité, suivi de L’éveil est l’humilité parfaite, La Bégude de Mazenc, Arma Artis, 2009.

Sophie PERENNE, La vision paradoxale ou L’art de concilier les opposés, Paris, Accarias-L’Originel, 2009.

Juliet MITCHELL, Frères et sœurs : sur la piste de l’hystérie masculine, trad. Françoise Barret-Ducrocq, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, « La Psychanalyste », 2008.

Joël VERNET, Celle qui n’a pas les mots, frontispice Jean-Gilles Badaire, Castellare-di-Casinca, Lettres vives, « Entre 4 yeux », 2009.

Charles SZLAKMANN, Moïse, Paris, Gallimard, « Folio biographies », 2009.

les livres


Platon
Ion et autres textes : poésie et philosophie, traduction, préface et postface Jean Lauxerois
Paris, Pocket, « Agora » – 2008


Le choix des textes commentés du Ion de Platon, de l’essentiel du livre X de la République et du passage central du Phèdre, publiés ici dans une traduction inédite, vise à clarifier les présupposés et les enjeux de ce que Socrate appelle, dans la République, l’immémorial différend de la poésie et de la philosophie.
Ces textes capitaux éclairent la manière dont le philosophe a remis en cause le sens du divin et la prééminence de la poésie dans la cité.
Via le néoplatonisme de la Renaissance, et le commentaire que Marsile Ficin a donné de Ion, ce modèle a cependant ouvert à l’esthétique occidentale des voies décisives.
La relecture ici proposée vise à montrer la complexité du texte platonicien pour repenser le rapport que la philosophie entretient avec la poésie et avec l’œuvre d’art.
– 4e de couverture.

Soirée Roger Dadoun (poésie & psychanalyse & philosophie), mardi 28 avril à 18 h 30 : venez nombreux !!

RD par RV0003.JPGBIENVENUE A LA SOIREE DU MARDI 28 AVRIL, OU ROGER DADOUN SAURA VOUS ENCHANTER… (rendez-vous à 18 h 30 au 35 rue Jacob)
POESIE POUR POETES DE ROGER DADOUN

DES FEMMES / DES POÈTES
RENCONTRE-LECTURES
Mardi 28 avril 2009, à 18h.30 Espace des Femmes
ROGER DADOUN, philosophe, psychanalyste,
lira des extraits de ses poèmes :

Ouverture

Parade ISIAQUE pour la TRENTENAIRE
(poème publié dans le recueil depuis trente ans, des femmes éditent – 1974-2004) :
p.168-171. Le mouvement des femmes, légendaire (devant être lu) à l’ombre d’Isis créatrice.

1. Où N’ ÊTRE se célèbre
(De la Raison ironique, des femmes Antoinette Fouque)
p.23-27. De la condition humaine entre naître et n’être.

2. Exactitude mammaire – JUNG, FREUD, GRODDECK
(De la Raison ironique)
p. 161-167. Trois directions, et tirages, de la psychanalyse, entre corps et mystique.

3. pour Antonin ARTAUD
Le cru et la cuite, Le Momo en Tarahumara

(Europe, p. 63-72). Le cri et l’accro en la cruauté du poète.

4. pour Pier Paolo PASOLINI
Jeter son corps dans la lutte

(De la Raison ironique)
p. 181-186. Fin d’une « Chronique judiciaire : persécution, exécution » : le poète au corps massacré par la GénItalie.

5. pour Robert DESNOS
Langage dur à cuire

(Les Dits d’Eros, Via Valeriano, Marseille, p.69-76). Pour le poète surréaliste, alchimiste du Langage cuit, mort déporté à Teresin.

6. pour Henri MICHAUX
Ecoute, petit homme-trou

(Henri Michaux, Le corps de la pensée, Farrago)
p. 119-130. La saga d’homo erectus-sapiens

7. Tortue au visage d’EROS
(Les Dits d’Eros, Via Valeriano, Marseille)
p. 45-49. Achille et la Chélonienne de Zénon d’Elée : quand le lent et le vite s’opposent ventre à terre.

8. Nuits sans NUIT
(De la Raison ironique)
p.40-42. « O nuit, mère aux yeux noirs, mère universelle » (Péguy) – nuit procréatrice d’humanité.

Finale

Gravidité, Gravité, GRÂCE
(Penser avec Antoinette Fouque, Des femmes)
p.68-69. En finale, pour une neuve ouverture, en « gravidanse ».

Principales références

Aux éditions des femmes Antoinette Fouque :
De la Raison ironique, 1988.
Penser avec Antoinette Fouque (coll.), « Gravidité, Gravité, Grâce », 2008.
Depuis trente ans / des femmes éditent, Mémoire de femmes, 1974-2004 (coll.), 2004, « Parade isiaque pour la trentenaire ».

Autres éditeurs :
La télé enchaînée, Pour une psychanalyse politique de l’image, Homnisphères, 2008, 352 p.
L’homme aux limites, Essais de psychologie quotidienne, Homnisphères, 2008, 288 p.
Paolo Uccello/Valentin Tereshenko, Spirali, Milan, 2007, édition trilingue,280 p.,130 ill.
Eloge de l’intolérance, La révolte et le siècle, 1905-2005, Punctum, nov.2006.
Manifeste pour une vieillesse ardente, Zulma, 2005, 170 p.
L’érotisme, « Que sais-je ? », PUF, n°3637, 2003, 128 p.
L’Ile des Morts, de Böcklin, Séguier, 2002, 4 ill., 74 p.
Marcel Duchamp/Enzo Nasso, Spirali/Vel, Milan, 2000, édition trilingue, 194 p. 80 ill.
Cinéma, Psychanalyse & Politique, Séguier, 2000, 368 p.
King Kong, Carré Ciné, Séguier, 1999, précédé de “Kong et le Kosovo”, 64 p.
Poèmes en forme de noeuds, suivis de dix haïkus un peu dénoués, Paris, 1998, 54 p.
Cent fleurs pour W. Reich, nouvelle édition, Payot, 1998, 412 p.
Duchamp, Ce Mécano qui Met à Nu, Hachette, sept.1996, réédit. 2006,142 p.
Allah recherche l’autan perdu, (Le Poulpe) Baleine, 1996, 210 p.
La psychanalyse politique, “Que sais-je?” n°2948, P.U.F., 1995, 128 p.
Psychanalysis entre chien et loup, Imago, 1984.
Les Dits d’Éros, poèmes, éd.Via Valeriano, Marseille, 1994, 90 p.
Freud, nouvelle édition augmentée, Belfond, 1992, 384 p.
Éros de Péguy, la guerre, l’écriture, la durée, P.U.F., sept.1988, 230 p.
Ruptures sur Henri Michaux (dir.) Payot, 1976, 260 p.
Geza Roheim et l’essor de l’anthropologie psychanalytique, Payot, 1972, 320 p.
La folie politique (dir.), Payot 1972, 230 p.

(Ouvrages, pour la plupart, à la Librairie Des Femmes)

Tout simplement RENVERSANT ! Jean-Joseph Goux 2009 (« Renversements », nouveauté philosophie papier)

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« Il devient clair aujourd’hui, avec le recul historique nécessaire, qu’il n’est guère d’aspect de la vie contemporaine, personnelle ou publique, qui n’ait été marqué par les idées, les projets, les innovations qui ont fait irruption à la fin des années soixante, en des temps de surchauffe philosophique et politique dont Mai 68 a été le moment volcanique. Ce fut une époque de contestations et de ruptures profondes, d’où sonty sortis des projets culturels et politiques qui n’ont cessé depuis, en tout sens, de développer leurs conséquences. Le mouvement des femmes, la sensibilité écologique, sans parler de tout ce qui atteste d’un changement dans les rapports interpersonnels, en sont les fruits les plus incontestés.

Les essais rassemblés dans ce volume sont indossociables de ce grand mouvement qui a secoué les sociétés occidentales il y a maintenant quarante ans et qui a transformé en profondeur les mentalités et les moeurs ».

J.-J. G.

Jean-Joseph Goux est philosophe et actuellement professeur à l’Université de Rice (USA). Il a été directeur de programme au Collège International de philosophie et professeur associé à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il a publié de nombreux ouvrages parmi lesquels Economique et symbolique (Seuil, 1973), Les Iconoclastes (Seuil, 1976), Oedipe philosophe (Aubier, 1990), Accrochages (Des femmes, 2007).

Couverture : Giulio Romano, La chute des Géants (détail)

Le lien des femmes entre elles : conversation entre Madeleine Chapsal et Marie-France Hirigoyen, Mardi 20 janvier, 18 h 30, 35 rue Jacob

L’Espace des Femmes-Antoinette Fouque (35 rue Jacob, 75006) vous invite à rencontrer,

mardi 20 janvier, à 18h30,

Madeleine Chapsal, écrivain
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« Méfiez-vous des jeunes filles » (Fayard, 2008)
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 » Un ruisseau de lumière ! « , s’émeut Fanny, cinquante ans, face à Marie-Claire, dix-huit ans, qu’elle n’a pas revue depuis des années.
La jeune fille vient de perdre ses parents et Fanny, sa marraine, décide de la recueillir chez elle. Mais la bienveillante Fanny ne mesure pas le danger ! Car il y a des hommes à la maison : Paul son fils, Julien le fiancé de sa fille, et Alain son mari. Qui pourrait résister à une jeune fille aussi désirable lorsque, le cœur froid, elle joue à séduire et à susciter la jalousie, bien décidée à se venger sur ceux qui l’approchent de la tragédie qu’est pour elle la mort de son père ? Fanny, naïve et jusque-là heureuse en ménage, s’aperçoit un peu tard de ce drame familial qui couve.
Un roman rose et noir sur les dangers de l’amour.

« La femme sans » (Lgf, 1993)
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Un essai sans vraiment de plan, rempli d’humeurs variées, de contradictions aussi entre avantages de la liberté d’être entièrement disponible pour ses amours et difficultés de vivre avec le regard distancié des femmes (et hommes) « avec ». Beaucoup d’interrogations, d’expressions de sentiments doux ou amers, qui devraient aider ceux et celles qui en ont eu (des enfants) comme ceux et celles qui n’en ont pas eu à se rapprocher, à s’estimer, à se soutenir quand il le faut, à se comprendre aussi. Madeleine Chapsal a un style très personnel et son ouvrage relève plus de l’essai que du roman, s’agissant ici de choses vécues comme « femme sans », ainsi que dans nombre de ses autres titres.

« Ce que m’a appris Françoise Dolto » (Fayard, 1994)
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et Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychanalyste
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« Les nouvelles solitudes » (La Découverte, 2007)
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Dans toutes les sociétés développées, la montée de la solitude est devenue un phénomène social majeur. Alors que les interactions entre individus sont permanentes, voire envahissantes, de nombreuses personnes éprouvent un sentiment douloureux d’isolement. Et, en même temps, beaucoup d’autres font le choix de vivre seules. Dans ce livre, la psychanalyste Marie-France Hirigoyen désire montrer que cette réalité est le fruit d’une mutation profonde des rapports hommes/femmes, encore inaboutie. Si les femmes ont enfin obtenu une autonomie nouvelle, dans le travail comme dans la sexualité, cette indépendance n’a pas été encore pleinement intégrée dans les mentalités. D’où une crise des rôles masculin et féminin et une précarisation des liens intimes. On constate un durcissement des relations dans le couple. Reflet aussi du durcissement du monde du travail. Et le surinvestissement dans la relation amoureuse s’accompagne d’une pratique croissante du ‘couple en CDD’. Les périodes de solitude et d’abstinence sexuelle conduisent à un recours accru aux sites de rencontres sur Internet ou aux ‘nouvelles thérapies’, qui se révèlent le plus souvent illusoires. Alors que, explique Marie-France Hirigoyen, la solitude peut apporter énergie et inspiration : à tout âge, la solitude choisie, tout en restant disponible à l’autre, est une source de plénitude, un moyen de sortir de la superficialité d’une société dominée par le narcissisme et le culte de la performance.

« Femmes sous emprise » (Oh éditions et Pocket, 2005)
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En France, chaque année, une femme sur dix est victime de violence dans son couple, trois femmes en meurent tous les quinze jours.

qui dialogueront sur le thème « Le lien des femmes entres elles »

35 rue Jacob

75006 Paris

Texte de Claudie Cachard témoigne sur son expérience dans le catalogue des trente ans des éditions Des femmes

cachard.jpgcatalogue.jpgJ’ai reçu la nouvelle d’une reprise de l’activité éditoriale des Editions Des femmes avec un soulagement à la mesure du regret de ne plus les savoir éditrices, oeuvrant sur les terrains où elles s’étaient tant engagées. Promesse nouvelle en faveur d’ouvrages passés, présents, à venir, cette décision est porteuse de leurs partages et transmissions.
Tel, déjà, ce livre-anniversaire, consacré à des vies de livres et à des textes actuels poursuivant leurs chemins ou en empruntant d’autres. Presque vingt années se sont écoulées, depuis qu’un premier manuscrit gravit l’escalier de la rue de Mézières et fut, sans autre contact préliminaire, déposé aux Editions Des femmes.
 
Quel pouvait être, alors, le mouvement incitant ma voix intérieure du moment à dépasser ses réserves, pour faire état de convictions l’engageant à ne plus rester limitée aux cercles clos de l’intime ? Elle m’avait auparavant, invitée à l’écrit, passage et alliance possibles entre mes deux langues maternelles aux prises avec d’inépuisables concurrences… Faufilés dans l’écrit, les accents de l’étrangère, la Hongroise, ont pu y parcourir la française, restreinte aux partages du dehors. La voix intérieure avait déjà obtenu d’autres gains de cause. « Deviens psychiatre et psychanalyste. Décris ce que tu sens et penses. Pense et sens ce que tu écris… Chemine où cela te convient, comme tu es. Au carrefour, entre raisons et déraisons, les existences souffrantes témoignent de singulières pluralités humaines… »
Ce premier livre prenait ses distances avec des logiques psychanalytiques réticentes à de nouvelles orientations de pensée. Il insistait en faveur d’une psychanalyse dont les spécificités consistent précisément à mettre les fantasmes en question et non à confirmer des théorisations devenues intouchables. « Publie moi », osait donc demander cet ouvrage personnel. Naïvement, il semblait même, alors, ignorer ses proximités avec des questionnements proches poursuivis aux Editions Des femmes… L’accord fut obtenu, rapide et sans réserves, offrant à L’Autre Histoire la charge – mais n’était-ce pas plutôt la chance, ou encore l’honneur – d’inaugurer en 1986 une collection intitulée « La psychanalyste » dirigée par Antoinette Fouque.
En 1989, Les Gardiens du silence continuent ce cheminement critique. Largement lu, puis devenu indisponible, ce livre a poursuivi son trajet en Hongrie, où l’éditeur de psychiatrie et de psychanalyse, Animula, l’a publié en 1999, sous le titre A csend örzöi, Les veilleurs du silence. (…)
Paraître chez les femmes, comme il se disait alors, conciliait voix intérieure et ex/position de questionnements-limites tout en confirmant l’intérêt de recherches concernant les confins du psychisme. (…)
Entre dedans et dehors, entre singulier et pluriel… des entre-nous se rencontrent là où des identités en mouvement invitent aux appels des terres d’incertitude.
Des parcours longent leurs lignes de crête et y tracent des chemins. Ecrits et publiés, devenus geste de passage, ils se partagent, à livre ouvert.
C.C.

Toute une page sur Sophie Freud (par Alain Rubens, Lire de juillet-août 2008)

L’EPOUSE HYSTERIQUE

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Petite-fille du psychanalyste, Sophie Freud livre ses souvenirs familiaux.

« A mes yeux, Hitler et Freud sont les deux faux prophètes du XXème siècle. » D’où surgit l’outrageant, le blasphématoire parallèle ? De la bouche de Sophie Freud, la petite-fille du maître, une dame alerte de 84 ans, professeur émérite de psychosociologie au Simmons College de Boston. « Oui, j’ai dit cela, il y a quelques années. » Pourtant son livre, passionnante autobiographie croisée d’elle et de sa mère, est plein de vénération pour son grand-père.

Vienne, mai 1938. Freud, sommité de 82 ans, est contraint à l’exil. Sur le chemin de Londres, il passe à Paris une unique soirée dans l’hôtel particulier de la princesse Marie Bonaparte. Sophie Freud se souvient : « Quand il est passé par Paris, on est allées à la gare Saint-Lazare. Il y avait Anna sa fille, sa femme et d’autres personnes. J’étais venue lui dire adieu et j’étais triste à pleurer à la pensée de lui dire, définitivement, adieu. C’est vrai, ils ont passé cette fameuse nuit chez la princesse Marie Bonaparte. Ma mère et moi, n’avons pas été invitées. » A Vienne, la collégienne mena une existence paisible au rituel immuable : « Je venais le voir chaque dimanche. Un brin de conversation et il me donnait de l’argent, huit schillings exactement, que je dépensais pour aller au Burgtheater. J’avais des sentiments mélangés. Il n’avait pas à me payer pour que j’aille le voir. C’était un honneur pour moi. Il était considéré par toute la famille comme un être supérieur. Formel, un peu distant, peu de mots. Il souffrait de son cancer du palais, si bien qu’il parlait peu. Il m’accordait, dans son cabinet, un petit quart d’heure hebdomadaire, ça faisait de moi une princesse ! » Une princesse qui ne sera jamais invitée à un seul repas familial. Car la hantise des Freud, c’est sa mère Esti Drucker (1896-1980), l’épouse de Martin Freud, le fils aîné, juriste et banquier, qui finira buraliste près du British Museum. Un mariage qui vire au désastre. Esti, l’hystérique patentée, est prompte à l’éclat, au coup de colère, à la meurtrissure permanente. Volontariste et dépressive, intelligente et violemment affective, cherchant noise et querelle à la terre entière, Esti, dotée d’une inflexible indépendance, deviendra une orthophoniste reconnue aux Etats-Unis. D’emblée, le professeur avait flairé la faille. Dans une lettre du 14 mai 1938, Freud écrit à son autre fils Ernst : « Elle n’est pas seulement meschugge, mais aussi folle au sens pathologique. » Une folie à couper au couteau, et Sophie de préciser : « Il en faisait l’unique responsable du mauvais mariage de son fils Martin. C’était bien dans l’air de ces temps viennois. Mais un mariage est toujours une partie qui se joue à deux. »

979afb182083c8b065452e7eb41b3e0e.jpg Esti Drucker, épouse de Martin Freud : sa fille Sophie en brosse l’autoportrait.
CETTE HERITIERE NE S’EST JAMAIS EMBARRASSEE DU LEGS FREUDIEN

En mai 1938, Sophie et sa mère se réfugient en France. « A Paris, nous dit-elle, j’étais élève au lycée La Fontaine. J’ai commencé à lire les Cinq psychanalyses. Je les lisais comme des histoires faciles, des nouvelles. D’ailleurs si mon grand-père a reçu le Prix Goethe, c’était plus pour ses magnifiques qualités littéraires que scientifiques. »

1940, la débâcle. Esti et sa fille traversent la France en bicyclette. Une fois en Afrique du Nord, elles embarquent de Casablanca, au prix d’une odyssée hallucinante, pour New-York.

Sophie Freud n’a pas entrepris d’analyse. D’ailleurs, cette héritière ne s’est jamais embarrassée du legs freudien. « Je suis très sceptique sur la psychanalyse, explique t-elle. Freud n’a jamais été un pionnier avec les femmes. Il était un enfant de son temps et ne savait rien de la sexualité féminine. Il n’était pas misogyne mais la femme était pour lui une espèce à part, comme les singes. C’est ce fameux « continent noir » dont il parle, une moitié d’humanité au service de l’homme. Même son épouse Martha lui préparait, la veille, ses vêtements et son mouchoir. »

Et le transfert dans tout ça ? « Il est normal qu’une femme tombe amoureuse de son thérapeute. Mais c’est très grave, car des femmes souffrent de cet amour sans réciprocité. J’ai vu des femmes entamer une analyse pour les soulager de la dernière. FRinalement, il a donné un nom scientifique à un sentiment normal, l’amour. L’envie du pénis ? Absurde ! Pourquoi Freud pensait-il que chaque femme ou jeune fille désirait un pénis ? C’est l’idée d’un enfant de trois ans. Le sexe n’est pas essentiel. Beaucoup de femmes ont une vie satisfaisante sans sexualité. Aux Etats-Unis, la psychanalyse est en chute libre. »

Aujourd’hui, elle vante la Reading Cure, la thérapie par la lecture : « Sans la lecture, je perdrais tout plaisir de vivre. A ma mort, mon épitaphe devrait indiquer mes quelques trois mille livres préférés. Je voudrais lire tout Proust dans le texte. Mon prochain cours sera consacré aux fils qui écrivent sur leurs pères. Je commencerai par la Lettre au père de Kafka. Puis, ce livre de haine rédigé par Niklas Frank, le bourreau nazi de la Pologne occupée. Enfin, un livre d’amour, Patrimoine. Une histoire vraie, l’autobiographie de Philip Roth. »Cette Freud n’est décidément pas très freudienne.

Alain Rubens

Toronto Star du 16.11.2003

Ce mot yiddish, plutôt affectueux, signifie « fantaisiste, exubérant »

A l’ombre de la famille Freud par Sophie freud, traduction de l’allemand et préface de Nicole Casanova, 538 p., Des femmes-Antoinette Fouque, 27 E

Mardi 10 juin, dès 18h30, Soirée Juliet Mitchell & Françoise Barret-Ducrocq

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Nouveauté aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque :

Frères et sœurs. Sur la piste de l’hystérie masculine Juliet Mitchell

Collection « La psychanalyste »

Traduit de l’anglais par Françoise Barret-Ducrocq.
ISBN : 978-2-7210-0521-2
Format 15 x 22 cm – 528 pages – 25€
Office 02/05/2008

Le livre traite avec une très grande érudition puisée dans l’anthropologie, la psychanalyse et les grands mythes de la littérature occidentale, de l’histoire universelle de l’hystérie. Cette analyse amène l’auteure a reconsidérer de façon radicale la construction du psychisme telle qu’elle a été présentée jusqu’ici, à proposer une lecture différente du complexe d’Œdipe et à affirmer la nécessité de prendre en compte les relations horizontales entre celles et ceux qui se trouvent en situation de frères et sœurs – qu’il existe ou non un lien biologique entre eux.

Juliet Mitchell ne propose à aucun moment de substituer cet axe horizontal à l’axe vertical, mais souhaite prendre conjointement en compte ces deux axes, dont la mise en relation ouvre de nouvelles perspectives…. En démontrant le caractère universellement possible de l’hystérie, elle réhabilite un diagnostic qui permet de mieux comprendre, non seulement certains dysfonctionnements du psychisme humain, mais aussi la relation entre pairs.

Juliet Mitchell, née en 1940 en Nouvelle-Zélande, a participé à la fondation du Women’s Liberation Movement et a été coéditrice de la New Left Revue anglaise. Psychanalyste et universitaire, elle est professeure à Cambridge (Grande-Bretagne), où elle enseigne sur le thème « Genre et société ». Elle a publié de nombreux ouvrages, traduits dans plusieurs langues, dont L’Âge de la femme et le best-seller Psychanalyse et Féminisme, parue en langue française, aux Editions Des femmes -Antoinette Fouque.

Françoise Barret-Ducrocq est agrégée d’anglais, docteure d’Etat, professeure à l’Université de Paris 7-Denis Diderot. Elle est secrétaire générale depuis 1992 de l’Académie universelle des cultures. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Elle a traduit aux éditions Des femmes-Antoinette Fouque, Psychanalyse et féminisme de Juliet Mitchell ainsi que Conscience de femmes, monde de l’homme de Sheila Rowbotham.

Ne ratez pas Sophie Freud ! En France pour 24 heures seulement !! (soirée le 14 mai, 18h30)

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A l’ombre de la famille Freud

Sophie Freud

En espérant que les nombreux ponts du mois de mai vous donnent l’occasion de profiter de tous les petits bonheurs de l’existence dont la dévorante vie professionnelle ne vous laisse pas le loisir, je me manifeste discrètement, par un petit émile, pour vous faire part du séjour de 24 heures à Paris (elle vit aux Etats-Unis) de Sophie Freud…. (24 heures chrono du mercredi 14 mai, 16 h top départ au jeudi 15 mai, 16 h ligne d’arrivée !!) Être réactif(ve) ! Ne pas la louper ! L’occasion de rencontrer une descendante directe du grand Sigmund (fille de son second fils – Martin Freud – avec son épouse Esti)

FREUD… Un nom qui invite à rêver…. Et une suggestion de son attachée de presse aux éditions Des femmes pour éventuellement vous mettre en contact avec elle pour toute idée médiatique… En plus, sa photo (ci-jointe, ainsi que l’argumentaire de son livre à paraître aux éditions Des femmes le 22 mai), avec ce sourire si humain, ce rayonnement absolu, devrait vous rassurer sur sa personnalité, et vous désinhiber face à une aussi grande dame ! N’hésitez donc pas à m’appeler de toute urgence pour toute interview d’elle ! 06.84.36.31.85

Par ailleurs, pour les non-journalistes, qu’ils soient pleinement rassurés : ils pourront également « voir » et entendre Sophie Freud, ce mercredi 14 mai, de 18h30 à 21h30 lors d’une soirée organisée en son honneur par Antoinette Fouque dans son Espace des Femmes (35 rue Jacob, Paris 6ème, métro Saint-Germain-des-Prés, bus 63, vélib rue Saint-Benoit). Merci, par avance, de votre présence – et de faire circuler l’information sur ce qui EST un événement autant dans le domaine de la psychanalyse (fatalement, bien que « A l’ombre de la famille Freud », notre nouveauté éditoriale, ne soit en rien un ouvrage de psy) que dans ceux de l’histoire du XXème siècle et des femmes.)

Roger Dadoun célèbre les femmes !

RD par RV0006.JPGTexte figurant dans le catalogue des trente ans des éditions Des femmes :  
Trentenaire de l’ardente sereine guerre de trente ans, conduite,
ô blanches caravelles,
tous voiles chus,
sur hautains et hardis calicots,
contre cohortes bottées casquées cuirassées,
tenant en embuscade clinquants phallus
d’hargneux cadets pondus hors le ventre toujours fécond de la bête immonde,
la Gorgone fasciste des églises, sectes, intégrismes, pouvoirs, partis,
 
à tes nus pieds, ô des femmes, je déplie,
voix de mémoire amie,
le poème tapis rouge
 
(et que viennent donc s’y encorner les mufles minotaures !)
 
Etrennes de trente années du livre,
trente années tigresses aux griffes de papier
au joyeux au soyeux au rugueux rugissement,
trente glorieuses larguant toute gloriole et tout décorum,
 
ô des femmes
 
bénies soyez-vous entre toutes les âmes, et zélés corps,
pour avoir duré, simplement duré,
en juste fidélité,
orfévrant fins trésors de ferme tendresse,
par-delà flèches cupides, venins de langues et de regards,
plumes à l’injure crasse, bras tendus poings dressés prêts à frapper
des machismes sectaires mafieux acoquinés pour se payer
virile casse et culbute cavalière.
Point ne conviennent ici plaintes, élégies et thrènes,
mais bien plutôt accorte clameur d’hymne dionysiaque,
et plus sûrement l’ode isiaque
au miel hyménoptère,
pour la saga fabuleuse d’Isis à la divine partyhénogénèse,
car du néant, du nihil,
fui le Nil luxueux voluptueux lustral,
tu surgis,
toi ma lumineuse,
des eaux mères matricielles,
tu t’informes toi-même,
ô Mère primordiale,
pour une parade isiaque
qui ravisse l’extasié univers entre terre et ciel,
tu emmontes, artisane cosmique, les trente pièces d’Osiris le Morcelé,
fils frère amant dieu cadavre énigme, meursaub*
dispersé aux quatre horizons et qui,agrippé à ton sein, s’y enkyste,
s’acharnant, ô sombres mystères, à régler tes errances d’amour
déraisonné
 – mais où est donc passée, poisson, du viril voyou,
la verge oxyrhinque** ?
 
Trente années d’oeuvres nous vécûmes,
Et ce fut minutes de sable mémorial, broderies de fière écume,
jours ouvragés de parole empoignée
de parole extorquée renouée
de parole étoilée déliée
 
Arianes mes soeurs, toutes, combien de fils tendîtes-vous
en labyrinthes pareils à des miroirs sans tain ?
Tissage-pénélope de textes qui s’entextent se contextent se détextent,
écritures en nave
ttes qui filent et claquent et s’affolent et s’apaisent,
livrant, gorgées d’ivrèmes, ces pages, ces pages, ces pages,
en étranges nappés japon piqués de pointes et gouffres. (…)
 
* meursaub, en arabe, « voyou », « coquin ».
 
** Le sexe d’Osiris fut avalé par le poisson oxyrhinque (cf : Psychanalysis entre chien et loup, Imago/PUF, 1984)