Franck, restaurateur : « Avant la crise, tout allait bien pour moi. Mais le Covid va casser mon entreprise »
A la tête de plusieurs restaurants et d’une importante activité de traiteur en Normandie, Franck Archimbaud a vécu la pandémie et les fermetures comme un coup de massue, avec des dégâts sur l’activité qu’il développait.
Les dettes s’accumulent
Franck Archimbaud a pu (un peu) souffler pendant l’été. Le 2 juin 2020, les restaurants rouvraient, avec des dispositifs de distanciation, le port du masque obligatoire et un maximum de dix personnes à la même table. Le Saint-Pierre et les restaurants Otrechoze retrouvent des couleurs, mais pas l’activité de traiteur, toujours à l’arrêt avec l’absence de mariages, ni l’établissement de l’aéroport de Rouen.
« Disons qu’on a bricolé. Ça a redynamisé les équipes, fait du bien au moral. Mais ça n’a duré que l’été. Très vite, on a parlé de deuxième vague, et le reconfinement est arrivé. Je pensais que ça durerait jusqu’à décembre, et qu’on pourrait rouvrir pour Noël. Mais non, ça a duré, et c’est là que tout est devenu très compliqué… »
Le 30 octobre 2020, les restaurants ferment sans visibilité sur la reprise, que beaucoup espèrent pour la fin d’année. Sauf que non. Des bruits évoquent le 15 janvier 2021, voire le 1er février… Ça sera finalement ce mercredi 19 mai, uniquement en terrasse. Soit six mois et demi de fermeture totale. Pour Franck Archimbaud et pour les autres.
« Financièrement, c’est devenu compliqué. Le PGE a fondu comme du beurre au soleil, je n’avais pas de trésorerie, pas de chiffre d’affaires. J’ai bien tenté de faire de la vente à emporter, mais ça n’a fonctionné qu’un peu à Noël, au Nouvel An et à la Saint-Valentin, sinon pas vraiment. Les gens ont privilégié les pizzas et les burgers, pas la gastronomie à emporter. »
« Pour les finances, heureusement que le fonds de solidarité a augmenté [son aide] à 10 000 euros, ça nous a évité le crash immédiat. Les reports de charges ne changeaient pas grand-chose aux frais divers et je n’ai pas voulu souscrire de nouveau PGE. Avec les emprunts courants, le PGE précédent, les reports de charges, etc., je voyais s’accumuler les dettes. J’arrivais alors à plus de 500 000 euros à rembourser, le tout sans aucune visibilité sur la date de reprise. C’est un sacré coup porté au moral. »
Activité menacée
Déprimé, « au milieu du brouillard », Franck Archimbaud opte pour « la navigation à vue » :
« Je ne vais pas mentir, mais c’est dur. Pour les finances, je joue les prolongations, continue à demander des reports, mais ça devient très compliqué. Je veux tout faire pour sauver mon projet, mon bébé, mais ça fait un an que je n’ai plus de salaire, que je pioche dans mes économies, que je réduis la voilure au maximum, que je suis soutenu par ma compagne… Je ne sais pas quand ni comment, mais le Covid va casser mon entreprise. »
Pudiquement, cela signifie que le restaurateur fait les comptes et envisage de fermer une partie de son activité. Si le 19 mai apparaît comme « le soleil derrière le brouillard », seul Le Saint-Pierre dispose d’une terrasse. Et encore, avec la jauge de 50 %, cela le limite à vingt clients par service. « Même si ça ne représente que 5 % de l’activité, je vais rouvrir parce que ça sera la première possibilité pour les équipes de recuisiner, de se remobiliser. »
La longue fermeture a eu raison de l’entrain. Deux salariés de Franck Archimbaud ont décidé de le quitter pour se reconvertir, et deux autres vont enchaîner congé maternité et congé parental – « C’étaient deux piliers, qui sont dans d’autres projets de vie, et je ne sais pas si elles reviendront… »
Toute l’hôtellerie-restauration semble en plein doute à l’approche de la réouverture : 100 000 salariés pourraient ne pas reprendre leur activité, d’après une étude citée par « les Echos ». « J’ai lancé des recrutements, mais j’ai beaucoup moins de réponses qu’auparavant », constate notre restaurateur, miné. « J’espère juste que ça va enfin repartir pour de bon, que je puisse sauver ce qui peut encore l’être, que je maintienne l’emploi et ce projet qui est toute ma vie. »