Deux critiques de Didier Guillot

Critique de Eylyne Léraut :

Émouvant, initiatique, « J’ai appris à rêver» est un phénomène éditorial.

Un futur classique dès l’aube née.

« Sur les pas de Stevenson» essentialiste, fascinant, l’intime à fleur de peau, loin d’un récit voyageur, ici, c’est la marche qui honore la venue d’un théologal prêt à éclore.

Un homme, en l’occurrence Didier Guillot décide d’affronter 180 km à pied, s’éprouver et vaincre ses démons enfouis.

« Surtout ne pas mépriser la force du hasard car à trop vouloir maîtriser les évènements, on se prive de voyage.

« C’est seul que je partirai en cavale pour arpenter les replis de mon imaginaire.

« Je suis ce sédentaire contrarié avec des petits bouts d’ailleurs,

envahissant mon domicile.»

L’aurore en horizon, l’esprit vif et attentif, Didier Guillot, de monts en villages, de rencontres ou de solitude œuvre à sa renaissance. Le poids lourd d’un deuil, pierre dans son sac à dos, son frère décédé, le mouton noir, !’égaré, lorsque Didier n’avait que treize ans. Le périple est une prière. Les pensées, des fiançailles avec les souvenirs. Une chapelle qui dresse son armure d’ivoire, l’antre à portée de vue.

Il marche et retient dans ses mains l’image subliminale d’un frère allié, aimé à ra folie de son enfance mie de pain. Partir et affronter le regard bleu, l’invisible si émouvant encore.

Didier Guillot prend soin des hôtes de ses hasards.

« Plusieurs bières sont nécessaires pour que naisse une conversation fraternelle aux accents de vraie vie. »

« La terre digère lentement les vaincus. »

Poursuivre la marche, cailloux dans la chaussure, bientôt le lac et les eaux profondes, la pluie dévaste les horaires réguliers.

La nature écrin, Stevenson interpelle le glaneur des contre-jours. Pénétrer subrepticement un monde fantastique.

L’écriture si belle et confidente s’arrime aux cimes avides de lumière. Un sage déambule, l’électrochoc des intériorités, sons des cloches à flanc de montagne.

Écoutez :

« L’envie de solitude doit se résoudre à faire un peu de place aux autres. »

« Mon frère, dix ans plus âgé que moi, englué dans sa mauvaise

une nymphe après qui courir »

Retenir la page, bruissements d’herbe, perles de rosée sur un front pâle, le regard en visière, le plein du monde sur le cœur. Le périple est une chorale, une espérance, une vertu à soi¬ même. Quand bien même les larmes du marcheur, elles sont belles et accueillantes.

« Ce fils laissé en jachère est ici reconnu par les siens. Ici, archange messianique. Sa chapelle garnie d’estropiés cueillant dans l’air tremblant d’une nuit de mai, le brin de dignité que le jour leur refuse. »

Les mots s’envolent, myriades de beauté, voûte céleste. Ici, c’est le tremblant verbal qui est macrocosme. Didier Guillot ne met jamais le genou à terre. L’offrande au frère-roi est son émancipation en advenir.

« La peine d’un enfant n’est pas sérieuse. Les Indiens ont une mort plus belle que la nôtre. »

L’Escoutal et son nid d’aigle, la dernière pluie exutoire, l’orage s’approche. Qu’importe ! La résilience est un chemin de croix. Je confesse des torts partagés.

« J’ai appris à rêver » est un premier roman qui dépasse largement ses grands frères. Didier Guillot sait la marche intrinsèque d’une littérature de renom. D’aucuns trouveront dans ce récit la source où s’abreuver. La lumière qui perce au travers des collines. Vous avez la vie qui palpite, les nostalgies souveraines et les épreuves gagnantes. Ce livre est une merveille d’apaisement et de complétude. un havre où chaque de gré est l’épiphanie. « Les années ont usé la douleur. Aucune carte ne voit cette croisée de chemins du clocher du village. » Une rédemption, une ode au frère. magistral, salvateur, une réussite hors pair, un monument véritable et bouleversant. Publié par les majeures éditions La Trace.

Critique de JPL : 

Un parcours initiatique, avec en toile de fond une quête tragique, rythmée par le déroulement des paysages et des rencontres parfois cocasses qui nous ramène à une réalité très concrète… là est toute la modernité du récit.

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