Francis Richard écrit une très belle critique de « Mortelle petite annonce » d’Hélène Rumer

Le blog de Francis Richard

  « Semper longius in officium et ardorem »

Ils étaient tous morts ! Le père, la mère et les trois enfants. Tous d’une balle dans la tête. À jamais gravées dans sa mémoire, ces images la hantent de jour comme de nuit. Toujours les mêmes: celles de ces corps immobiles, de ces visages ensanglantés.

C’est le début du roman d’Hélène Rumer. Il donne tout de suite le ton, noir: cela commence bien! Toute la famille Jarnac est morte, le père, Pierre, la mère, Marie-Ange, leurs trois enfants, Antoine, Augustin et Paul.

Dans la nuit du 27 au 28 juin 2020, Laurie, la baby-sitter, qui aurait dû prendre le train pour rejoindre à Rouen sa mère et sa soeur, en a été empêchée par des travaux sur la voie ferrée, et a fait la macabre découverte.

Comment et pourquoi ce drame s’est-il produit, alors que la famille Jarnac semblait sans histoires et habitait une grande maison dans un quartier cossu de Versailles? C’est l’objet de ce roman sombre et tout à fait singulier.

Pour ce faire, l’auteure donne d’abord la parole à quatre personnages, Marie-Ange, Pierre, Laurie et Denise. Singulièrement les deux premiers voient de l’au-delà se dérouler leur vie entière et les dix-huit mois qui précèdent:

Dans la chambre à coucher faiblement éclairée par les rayons de lune, je flotte au-dessus de mon corps inanimé. J’ai l’air de dormir. Envahie par une paix intérieure indéfinissable, je me vois suspendue au néant. Marie-Ange

Mon corps gît sur le sol ensanglanté de la salle de bains, le carrelage est froid. J’ai le goût salé de mon sang dans la bouche, je ne ressens aucune douleur. Je viens tout juste de passer l’arme à gauche, je suis en train de quitter le monde. Pierre

Laurie, engagée neuf mois plus tôt, a répondu à la Mortelle petite annonce qui donne son titre au livre: logée dans un studio indépendant, elle devra s’occuper de Paul, faire quelques repas et quelques tâches ménagères.

Laurie se confie à un psy et lui raconte ce qui s’est passé pendant le temps où elle a occupé son emploi et les circonstances dans lesquelles elle s’est trouvée impliquée dans ce drame qui l’a profondément traumatisée.

Denise Laborde est la tante de Pierre, la soeur de sa mère, Geneviève. Elle habite juste en face et son témoignage est donc déterminant, puisqu’il s’agit en fait d’une proche de la famille Jarnac, à tous points de vue.

Au fil du récit, il apparaît que la famille donne le change et n’est pas sans histoires, à la fois intimes et professionnelles, qui rejaillissent sur le comportement de ses cinq membres auxquels il faut ajouter un sixième.

Ce membre de la famille est bien mystérieux. Peu à peu le lecteur apprend qui est ce Nicolas qui a quitté la maison à la fin de 2018, Se confirme alors qu’il est en fait la clé de ce terrible fait divers, hors normes.

Les témoignages recueillis par la police au cours de son enquête et qui se trouvent à la fin du roman, éclairent les zones d’ombre de ce secret, qui, révélé, explique la tragédie qui s’est jouée et donne matière à réflexion.

Après tant de noirceur, l’épilogue, un peu plus d’un an plus tard, apporte une touche poétique bienvenue: les nouvelles en provenance de l’au-delà ne sont pas toutes sinistres, et le lecteur éprouvé en est réconforté…

Francis Richard

Mortelle petite annonce, Hélène Rumer, 204 pages, Pearlbooksedition

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