L’âme lumineuse de Bruno Salazard

CHEMIN DE VIE

Je suis en 1972 en Alsace, d’un père agent EDF et d’une mère à domicile. Deux sœurs m’ont précédé, de 2 et 6 ans. Mon père était originaire du Forez, pupille de l’Assistance Publique parti en Alsace pour un poste à EDF. Ma mère était alsacienne, froide et autoritaire alors que mon père est un tendre, très intelligent en manque de confiance.

Nous avons vécu en Alsace jusqu’à mes 5 ans puis en Savoie, dans un petit village de montagne où l’école avait une classe unique qui se faisait le plus souvent sous les arbres ou au milieu des champs d’alpage. J’étais petit en taille et j’ai sauté le CM2 pour arriver à 1, 22 m en 6ème.

A l’âge de 10 ans, nous sommes partis vivre en Provence où j’ai perdu une certaine naïveté par la rencontre avec une population différente. Ma mère était hospitalisée régulièrement pour dépression et je fuyais la maison dans des activités multiples (modélisme, course à pied, lecture intensive). J’étais réveillé dès 5h le matin et je comblais les heures en lisant. Je courais beaucoup, jusqu’à 140 kms par semaine. Plus tard j’ai couru des marathons (dont un en Ethiopie), les 100 kms de Millau.

J’ai passé les années jusqu’au bac en dilettante, murissant de nombreux rêves. Le bac en poche à 16 ans ½, je m’inscrivais sans conviction en médecine. Je travaillais la nuit comme aide-soignant puis comme infirmier et je passais mes examens sans conviction sur la pratique du métier mais passionné par l’apprentissage des maladies. J’ai fait une pause de deux ans pour être pompier dans mon village et organiser un voyage humanitaire en Afrique.

De retour dans les études après une rencontre amoureuse, nous avons voulu des enfants et ma fille est née lorsque j’avais 23 ans, étudiant en 5èmeannée de médecine. Mon fils est né 16 mois plus tard. J’ai passé l’internat en cherchant une spécialité liée aux enfants. D’abord pédiatrie puis finalement chirurgie plastique pédiatrique. Partant de zéro en chirurgie, je me suis beaucoup investi dans le travail, voyageant dans le monde pour les congrès, pour apprendre auprès des meilleurs chirurgiens de la spécialité. En parallèle, je reconstruisais deux ruines en pierre à La Ciotat et en Ardèche. J’ai appris les métiers du bâtiment, du maraichage avec dans l’idée d’une autonomie de vie possible. Mon fils était un enfant précoce avec une vision lucide et cynique du monde. Suivi à ses onze ans ans par un équipe de psychologues, suite à des prises de stupéfiants et des questionnements sur la vie intenses, je refusais un poste de professeur à l’hôpital et m’installait en libéral pour avoir plus de temps pour les enfants.

Nous avions une relation privilégiée avec les enfants et beaucoup d’admiration les uns pour les autres. Je les emmenais souvent en randonnée à travers le monde et nous partagions le même goût de l’humour absurde. J’ai divorcé à 40 ans et nous sommes allés vivre à Marseille, face à la mer avec mes enfants. J’ai repris des missions humanitaires au Bangladesh, Cambodge, Centrafrique, Gaza, Jordanie, Colombie, Cameroun…

Je diminuais mon activité chirurgicale pour être président de l’ONG HumaniTerra et pour développer une activité entrepreneuriale de centres de médecine esthétique et de cheveux à Marseille. J’ai développé l’ONG avec la mise en place d’une structure salariée pérenne et de beaux projets de développement, de formations, en Asie et en Afrique. Je m’inscrivais en parallèle dans un master de « Politique de Santé » à Sciences Po Paris.

A 18 ans, mon fils s’est suicidé, ce qu’il avait programmé depuis très longtemps dans sa tête. Un gouffre s’est ouvert devant moi car nous étions très proches. Nous parlions beaucoup, nous avions gravi des montagnes dans les Alpes et aux Népal ensemble, soudés. J’ai surmonté cette épreuve avec ma fille et aussi grâce à de solides amitiés anciennes. J’ai décidé de changer de ville et je me suis installé à Toulouse avec une femme rencontrée peu avant la mort de mon fils. J’ai commencé à écrire, ayant accumulé de nombreux idées, histoires, images au fur et à mesure des années. Nous avons, un an et demi plus tard, eu un enfant, un petit garçon. La maman a eu des troubles psychologiques majeurs qui ont conduit à ce que la justice me confie la garde exclusive dès ses 5 mois. Nous nous sommes installés tous les deux à la campagne près de Toulouse, au milieu des arbres, d’un jardin potager et de poules. Je me nourris de cet être extraordinaire et j’écris quotidiennement.

Les histoires que j’écris sont le fruit de ce parcours, où chaque image a été vue pour être écrite, chaque personne rencontrée a été décortiquée pour être dépeinte, chaque paysage a été admiré pour être évoqué. Les thèmes de l’artisanat, de l’agriculture, de l’amitié, de la paternité accompagnent une vision parfois cynique de l’évolution de l’homme que tempère une capacité d’émerveillement et d’émotion qui resurgit régulièrement.

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