« Au fil de l’eau » ou la naissance d’un peintre

Exposition Au fil de l’eau de Catherine Bonnet Litzler

Parisiennes et Parisiens ressortent après Covid comme les escargots après la pluie. Ils ont besoin de prendre le frais et de se frotter aux autres après des mois de confinements successifs. Les terrasses des trottoirs sont bondées, surtout dans le quartier des artistes, Saint-Germain des Prés. C’est dans une petite galerie sur deux niveaux de la rue Jacques Callot, derrière l’Hôtel des Monnaies et les longs bâtiments de l’Institut de France rue Mazarine, en face d’un café à la terrasse débordant avec exubérance sur la rue, que se tient « le jaillissement joyeux du mouvement », selon les mots de l’artiste.

Au fil de l’eau, ce ne sont que poissons à l’horizontale ou fleurs à la verticale, tous sur fond bleu. Catherine Bonnet-Litzler, 58 ans, approfondit depuis une quinzaine d’année son art, « une seconde vie ». Ce n’est pas bien faire qui compte, mais faire selon son plaisir. Ne vous trompez cependant pas ! Le plaisir n’est rien sans la technique, qui s’apprend. Il s’agit donc d’abord de bien faire, durant de longues années, avant de se lancer dans l’inconnu de soi. Et le soi de Catherine, c’est la joie d’être en vie, de faire envie de fleurs et de poissons. Un bonheur en sortie de Covid !

A l’école de Patrice de Pracontal à Issy-les Moulineaux puis d’Edgard Sailen à Montrouge, notre peintre a appris au final l’art du « lâcher prise » : se retrouver seule dans le grand bain des formes et des couleurs, faire passer sa propre émotion face à la beauté des choses, des êtres et du monde. Car bien voir est un travail empli d’humilité et de persévérance. Voir va plus loin que regarder car il ajoute la profondeur de l’être. Il s’agit d’une vision « au-delà » des apparences, une essence des choses si l’on veut, mais subjective, propre à chaque artiste.

Qui, bien entendu a en commun avec le reste de l’humanité sa capacité d’observation, d’analyse et d’émotion, ce pourquoi des peintures de chevaux ou de bisons d’il y a 20 000 ans nous parlent encore aujourd’hui. Si « la beauté est un signe », comme le croit François Cheng (chroniqué sur ce blog), il est celui des capacités humaines à s’émerveiller devant le monde, la nature et les êtres. Une transcendance sur cette terre avant tout. Les croyants peuvent y ajouter autre chose, mais cet étonnement face au monde et son admiration, en soi suffisent.

Cet élan exubérant de la vie qui jaillit dans les fleurs dressées vers le soleil, ou dans ces poissons libres qui passent en banc dans le bleu de l’océan, est un hommage au vivant, un hymne au vital qui nous constitue tous. Cet hymne-là me touche personnellement, moi qui le cherche et le voit en chaque être.

Catherine Bonnet-Litzler ne présente ici de son œuvre que les poissons et les fleurs, alors qu’elle a peint aussi des paysages et des portraits. C’est que cette quarantaine de toiles, peintes à différents moments et suivant des inspirations diverses, compose une unité. Elle est certainement la part la plus aboutie de son travail.

Au fil de l’eau ou la naissance d’un peintre.

Galerie 5

Du 7 au 17 octobre 2021

5 rue Jacques Callot, 75 006 Paris

Du lundi au samedi de 11h à 19h30

Site Internet de l’artiste

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Evoquer avec gravité une histoire d’amour sado-masochiste, le premier roman de Pierre March

La Balustrade de Guilaine Depis vous propose pour la période octobre à mars 2021:
(pour demander un livre, merci d’adresser un mail à guilaine_depis@yahoo.com et pour interviewer l’auteur sms 06 84 36 31 85)
 
« La petite fille qui regardait le Bosphore » le premier roman de Pierre March 
Préface de Maîtresse Françoise (qui fut la grande entremetteuse de LA rencontre du livre)
aux Editions Le Four banal*
 
Parution en novembre 2021
Sortie simultanée pour le public anglophone (Traductrice Hannah Doyle)
 
* Loin de tout folklore, outrance ou provocation, le parti pris de l’auteur est l’évocation sérieuse, et même grave, d’un sujet poignant : Le sado-masochisme. 
 
* Un sujet difficile, délicat à comprendre et qui peut choquer les imbéciles qui jugent la sexualité des autres adultes consentants. Or, rien ne peut moins être jugé par autrui que la sexualité entre adultes consentants. 
Les imbéciles ignorent aussi sans doute que nombre des plus grands philosophes et écrivains se sont penchés sérieusement sur ce sujet : D’où vient le masochisme ? Le besoin d’avoir mal ? De préférer le fouet aux caresses ?
 
Une histoire d’amour folle, sulfureuse : « Depuis Shakespeare on n’a plus guère écrit d’histoire d’amour qui mérite d’être lue. Tout a été résumé en ces deux destins tragiques et je n’oserai leur comparer le nôtre. Il y manque un sacrifice en premier lieu, le mien. »
* Une ode élégiaque à une femme, une femme intelligente, surdouée, qui savait aimer et ne savait pas vivre.
* Pierre March dit par le temps infini qu’il lui a fallu pour pouvoir écrire ce récit, véritable mausolée de papier, la difficulté de vivre un tel amour et de le voir périr.
* Le destin peu commun de cette femme, née dans la communauté juive d’Istanbul, étudiante brillante à Notre dame de Sion, doctorante précurseure dans un domaine encore confidentiel quand elle débarque à l’Université Claude Bernard à Lyon pour y étudier la génétique et qui créera en France le premier laboratoire privé alors très masculin.
 
« Je ne te retrouve que maintenant. La nuit est déjà bien commencée et tu es là, immatérielle dans l’air ambiant, et me manquent déjà l’odeur acidulée de ta peau, la lumière de ton rire, ta voix infiniment douce qui me demandait : 
– « Fouette-moi, fouettez-moi, Maître, je vous en prie ! », et ton corps dénudé et offert, soumis à mon désir, paisible comme il l’était après s’être plié à mes exigences les plus troubles. Me manque aussi ce sentiment d’être Maître du monde après que j’aie triomphé de toi. »
La maison d’édition : Autrefois, le Ban était la règle qui régissait les rapports entre les seigneurs et les habitants. Le seigneur devait ainsi mettre à disposition contre une redevance, des équipements que les gens n’avaient pas le droit de posséder: un moulin, un pressoir, un four… Le gens cuisaient leur pain au four banal. Le pain était de bonne qualité et le four banal était un lieu de rencontre, d’échange, de partage. On y racontait des histoires, des ragots aussi… 
L’auteur : Pierre March a travaillé comme Directeur des Ressources humaines dans de grands groupes, un métier qui lui a permis de prendre conscience de ses talents de diplomate. Au bout de 30 années de gestation, ce livre sur celle qui s’appelait *Marine quand il l’a rencontrée sous le pseudonyme *Hugo Boss paraît enfin comme une impérieuse nécessité.

Décembre 2021 – Un ancien conseiller de Gorbatchev à interviewer lors du 30ème anniversaire de la fin de l’URSS

Décembre 1991
– Décembre 2021: 
30ème anniversaire de la fin de l’URSS
Un livre pour tout comprendre
Christian Mégrelis, ancien Conseiller de Gorbatchev durant l’effondrement de l’URSS, et actuel Vice-Président de la Société d’économie libérale russe
Pour recevoir le livre /
interviewer Christian Mégrelis, contacter guilaine_depis@yahoo.com 06 84 36 31 85
Au moment de la chute du mur de Berlin, le gigantesque paquebot de l’URSS prend l’eau de toute part. Le passage du communisme au capitalisme semble être le seul espoir de survie du dernier des grands empires de la planète. C’est la « Nouvelle Pensée » de Mikhaïl Gorbatchev.
Christian Mégrelis est chargé par le cabinet du président de l’URSS et son Premier ministre de sensibiliser les élites économiques et politiques mondiales aux changements promis par la perestroïka. S’ensuivent, avec la complicité de Raymond Barre, une série de conférences aux quatre coins du globe pour permettre aux apôtres de la « Nouvelle Pensée » de convertir les principaux acteurs économiques, sceptiques mais passionnés.
La désétatisation de l’économie était la pierre angulaire du programme de Mikhaïl Gorbatchev. Christian Mégrelis a été le seul économiste étranger dans l’équipe resserrée chargée par le Président d’élaborer, en quelques mois, le « Plan des 500 jours » qui devait gouverner cette transition stratégique. Dans le même temps, il avait la mission de démarrer la négociation des premiers accords de coopération entre l’UE et l’URSS. Bien malgré lui, il s’est retrouvé très vite le témoin du putsch de 1991 qui a sonné le glas de l’Empire soviétique.
Aujourd’hui, avec un recul de trente ans, il livre le récit de cette aventure picaresque. En 21 escales-tableaux croquées sur le vif, truffées d’anecdotes savoureuses, le narrateur donne des clés de lecture inédites d’un événement de portée mondiale, ainsi que des conditions ubuesques de la renaissance de la Russie et de l’émergence de la première génération post-communiste.
Au travers de conversations, d’analyses psychologiques, de références historiques, on suit les multiples étapes de l’auteur au Kremlin, à la Mairie de Moscou, ses entretiens avec les dirigeants de l’URSS, d’Ukraine, de Crimée, de Géorgie, d’Azerbaïdjan et du Kazakhstan, nouveaux Etats émergeant du néant, ses échanges avec le futur Président russe, les futurs oligarques, les grands banquiers, les hiérarques de l’Eglise orthodoxe, les gouverneurs de provinces.
Le récit, rythmé par quelques articles d’étape publiés par l’auteur dans la presse française, se conclut par une simple réflexion sur l’avenir de la Russie dans le jeu mondial et la place que la France pourrait y retrouver.
L’auteur : Christian Mégrelis : X, HEC, Sciences-Po, est chef d’entreprises, essayiste et écrivain. Après quelques années au Ministère de la Défense, il s’oriente vers une carrière internationale. Il crée sa start-up en 1970. Tourné vers les marchés internationaux, son groupe, installé en Russie depuis 1989, intervient sur tous les continents pour étudier et construire des projets industriels et d’infrastructures. Auteur de plusieurs ouvrages publiés aux Etats-Unis, en France et en Asie sur la géopolitique, les relations internationales, et le christianisme. Son ouvrage Keys for the future, publié en 1981 aux Etats-Unis, anticipait déjà la fin de l’URSS.

Interview. Yves Boudier : «Le Marché de la poésie est avant tout une vitrine de l’édition de poésie contemporaine et de l’édition de création »

Interview. Yves Boudier : «Le Marché de la poésie est avant tout une vitrine de l’édition de poésie contemporaine et de l’édition de création »

Certes, les temps que nous vivons depuis deux ans sont durs. Chacun trouvera à cela ses raisons et ses urgences. La poésie, elle, risque de perdre de sa sève, non pas celle de ses ressources que l’on sait inépuisables, mais sur l’amputation qu’on lui impose de tendre vers ses lecteurs, obligés, eux, à un exil forcé dans la peur. Voilà pourquoi cette phrase de Giovanni Pascoli retrouve ici toute sa puissance et sa vérité : « Sans le rêve, il n’y a pas de poésie possible. Et sans la poésie, il n’y a pas de vie supportable ».

Depuis 1983, Le Marché de la poésie célèbre offre tous les ans à un nombre très important d’auteurs, d’éditeurs et de revues de création, l’occasion de se faire connaître et de partager l’amour pour ce genre littéraire sans égal.

Monsieur Yves Boudier, vous êtes le président de cette manifestation. Pouvez-vous nous dire brièvement quelques mots sur son histoire, sur sa nature et sur le rayonnement dont elle a su s’entourer depuis sa création ?

Crée en 1983, le Marché de la poésie est avant tout une vitrine de l’édition de poésie contemporaine et de l’édition de création.

C’est le plus grand rassemblement de poésie en France, qui réunit une grande partie des éditeurs de poésie contemporaine (cette année, plus de 650 nouveautés sont d’ors et déjà annoncées pour l’occasion ainsi que près de 500 signatures d’autrices et auteurs sur les stands. Nous avons également une scène qui accueille des lectures, tables rondes, rencontres, remises de prix, hommages…

Où se tient cette manifestation et sur combien de jours ? Est-elle présente à Paris seulement ou dans d’autres régions de France, ou à l’étranger ? Comment va-t-elle s’appeler cette année ?

Le Marché de la Poésie se tient place Saint-Sulpice (Paris 6e) et dure cinq jours, en l’occurrence cette année du 20 au 24 octobre (mais notre calendrier habituel est au mais de juin). Il est entouré d’une Périphérie du March é qui se déroule un peut partout en France, voire à l’étranger (cette année, 38 événements vont rythmer cette Périphérie, durant plus d’un mois, autour des dates du Marché, permettant ainsi au public de découvrir ou d’aller à la rencontre de poètes contemporains.

Cette année, nous consacrons nos États généraux permanents de la poésie à la thématique des Finalités du poème.

Qui est concerné par le Marché de la Poésie, à part les auteurs ? Y a-t-il aussi des éditeurs, des journalistes qui y sont présents ?

Le Marché de la Poésie réunit près de 500 éditeurs et revues de poésie, place Saint-Sulpice, pendant cinq jours.

La plupart des amateurs de poésie (y compris journalistes) s’y donnent rendez-vous, pour avoir ainsi accès à une production de poésie peu visible dans la chaîne traditionnelle du livre, et également pour un contact direct avec les éditeurs et poètes ; en quelque sorte, un marché direct, du producteur au consommateur. Mais c’est également un lieu d’échanges d’une grande richesse.

L’événement de cette année 2021 revient après une année d’interruption. Comment avez-vous vécu cette coupure imposée par la crise et comment comptez-vous remettre cette manifestation sur les bons rails acquis depuis ses presque 40 ans d’existence ?

Après deux années sans Marché, cette édition est quelque peu spéciale : tout d’abord parce qu’elle se tient à l’automne, et ensuite parce nous souhaitons plus que jamais mettre l’accent sur le travail des éditeurs, et donc, plus encore, des poètes.

Cette année la Présidente d’honneur du Marché de la poésie est l’écrivaine et dramaturge Hélène Cixous, Prix Médicis 1969, pour son roman Dedans (Grasset). Pouvez-vous nous en dire plus sur le choix de cette personnalité littéraire ?

Nous avons choisi de ne pas forcément demander à des poètes d’être présidents d’honneur, pour ne pas rester dans « l’entre soi ». Hélène Cixous, grande figure de la littérature et de l’engagement – sans être pour autant poète, est très sensible à l’univers de la poésie, et c’est ce qui nous importe avant toute chose

Chaque année un pays étranger est accueilli comme invité. De quel pays s’agit-il cette année ?

Exceptionnellement nous n’aurons pas de pays invité d’honneur : nous reportons à juin 2022 l’invitation faite au Luxembourg).

Quant aux auteurs invités, que pouvez-vous nous dire des critères auxquels sont soumises les invitations ?

Notre objectif est de montrer la diversité de la poésie contemporaine, et l’on devrait même ajouter, des poésies contemporaines tant ses univers d’écriture et d’oralité sont variés. Donc nous essayons de faire intervenir des poètes venant de tous horizons.

Que pouvez-vous nous dire des états généraux de la Poésie ?

Lorsque nous avons souhaité, il y a 4 ans, mettre en place des États généraux de la poésie, c’était pour mener ensemble, avec les structures, les poètes, les éditeurs et les institutions une réflexion sur la poésie contemporaine. Mais le sujet est si vaste qu’il nous aura fallu continuer. Et quel lieu plus naturel que le Marché de la Poésie, où cette réflexion a lieu partout pendant  les cinq jours, pour mener ces États généraux, devenus désormais permanents car nous nous attachons à faire découvrir des écritures mais également à poursuivre cette réflexion sur la poésie d’aujourd’hui.

Et le journal Marché des lettres ? De quoi s’agit-il ?

Initialement, ce journal avait été crée pour parler de poésie, autour du Marché, avec des articles de fonds, des critiques, des entretiens. Malheureusement les moyens économiques ne suffisaient pas pour en faire un journal rédactionnel. Aujourd’hui, c’est plus un support de communication sur le Marché de la Poésie et sa Périphérie. Généralement il est accompagné d’un supplément consacré à la poésie du pays invité (avec un article de fonds retraçant la poésie du pays en question, ainsi qu’une brève anthologie des poètes invités).

Où peut-on trouver plus d’informations sur cette manifestation qui se tiendra cette année du 20 au 24 octobre ?

Le mieux est d’aller sur le site du Marché de la Poésie (www.marche-poesie.com) que nous alimentons en permanence des informations du Marché, de sa Périphérie, des biographies des auteurs, ainsi que des informations sur les éditeurs, leurs nouveautés…

Propos recueillis par Dan Burcea

Le quotidien des Seniors interviewe le philosophe du BONHEUR !

Emmanuel Jaffelin : «Pour être heureux, il faut être actif»

On dit que le bonheur est le but d’une vie, mais est-il à la portée de tous et à quelles conditions ? Comment faire pour être heureux malgré les difficultés de la vie ? L’est-on plus en vieillissant ? Autant de questions qui trouvent des réponses dans le dernier livre du philosophe Emmanuel Jaffelin que nous avons eu le plaisir de rencontrer.

Emmanuel Jaffelin © DR

Comment avez-vous abordé et vécu, à titre personnel, mais aussi en tant que philosophe et observateur, cette crise sanitaire depuis son arrivée ?

Emmanuel Jaffelin : Avec beaucoup de conditions pour exercer la sagesse et m’appliquer ce que j’enseignais à mes élèves à travers Epictète, qui est un des représentants du stoïcisme antique. Il faut bien comprendre que nous n’enseignons plus la sagesse. La philosophie est devenue quelque chose de strictement intellectuel qui doit donner à l’esprit des élèves – enfants, adolescents ou adultes – l’occasion de réfléchir, mais en aucun cas l’occasion de modifier leur mode de vie. C’est d’ailleurs interdit par la laïcité. La philosophie telle qu’elle est enseignée dans les lycées n’est pas là pour enseigner la sagesse. Elle est simplement une propédeutique à la réflexion ; un peu comme les mathématiques ne sont pas là pour former à la physique.

Emmanuel JaffelinVous êtes souvent qualifié par les médias de« philosophe de la gentillesse », suite au succès depuis dix ans de vos différents essais sur cette thématique. Quel regard portez-vous sur les phénomènes de division, voire de haine, qui secouent la société française actuellement ?

E.J. : Ils sont le signe que nous ne sommes pas un pays où l’on vit heureux. Il y a évidemment plein d’explications sociologiques, politiques, socio-économiques que je laisse de côté, en tous cas, il est sûr que la France n’est pas un pays qui veut inviter ses citoyens à être heureux. Cette notion ne fait pas du tout partie de la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité ». Exit le bonheur.

Comment expliquer le mal-être actuel ? Est-ce que les gens sont en train de prendre conscience de leur propre finitude ou est-ce avant tout un problème de confiance dans la parole publique ?

E.J. : Si je peux répondre par une troisième solution, je crois que c’est une absence de conscience de la présence de chaque être humain dans le Cosmos (l’Univers). Et le problème de notre société et des sociétés occidentales en général, c’est qu’elles ont eu tendance à éduquer et à faire croire à l’individu qu’il était le centre du monde. Elles ont développé l’égotisme qui est bien pire que le narcissisme pour lequel il suffit un lac ou une mare dont l’eau permet à Narcisse de se regarder et s’admirer. Alors que là, l’idéologie invite les individus à se considérer comme uniques au monde et exceptionnels. Il n’y a donc plus de conscience du Cosmos et personne ne prend sa place au milieu des évènements, tout en étant surpris par chaque évènement auquel il est confronté individuellement et collectivement.

Vous avez sorti en septembre un nouvel essai chez Michel Lafon intitulé « Célébrations du bonheur ». Pourquoi ? Parce que tout le monde le recherche au fond de lui ou parce que c’est un thème qui fait vendre ?

E.J. : J’ignorais que ce thème se vendait. Même si mon livre devait se vendre, je crois que le Bonheur ne s’achète pas, il se mérite, il suppose un effort d’intellection et de volonté. D’intellection, c’est-à-dire d’intelligence du monde dans lequel on vit et dont les évènements doivent être anticipés, prévus, afin que, lorsque cet évènement arrive, il soit accepté. Et ça, c’est toute une philosophie qui est peu compatible avec le monde égocentrique et égotique dans lequel nous vivons. C’est bien pour cela que je n’ai pas du tout écrit ce livre avec la croyance que j’allais le vendre, tellement il est à rebours d’une société fondée sur le plaisir. Or le Bonheur n’est ni un plaisir ni une forme suprême du plaisir.

Vous expliquez justement qu’on ne peut goûter au bonheur que lorsqu’on a compris et admis qu’il devait toujours être un effet, jamais un but. Expliquez-nous.

E.J. : En général, quand on a un besoin à satisfaire comme avoir faim ou avoir soif, on se fixe pour but de manger ou de boire. Et je pourrais dire la même chose non pas du besoin mais du désir, notamment sexuel. Le Bonheur n’a rien à voir avec cela : il n’est pas le fruit d’un manque. Si on cherche à être heureux, on n’aura aucune chance d’y arriver surtout si l’on n’a pas fait l’effort de le comprendre et de le définir. Par conséquent, le Bonheur est une harmonie avec soi-même et le monde, un équilibre de l’âme. Ce que les épicuriens appellent l’ataraxie et les stoïciens l’apathie. L’ataraxie, c’est l’absence de troubles. L’apathie vient du mot grec pathos. C’est donc l’absence de pathos, moins l’absence de pathologie que l’absence de passion. Autrement dit, pour être heureux, il ne faut pas être passif, il ne faut pas se laisser envahir par ses passions ; au contraire, il faut être actif, donc plutôt mobiliser sa volonté que son désir. Et le principal objet de la volonté, c’est d’être capable de se penser comme une particule au milieu de l’Univers et de prévoir tout ce qui peut nous arriver, sachant qu’il peut nous arriver beaucoup de choses, des bonnes et d’autres dites « mauvaises ». Donc, même quand une chose dite mauvaise arrive, dans la mesure où elle a été prévue, elle est accueillie.

Vous citez d’ailleurs dans votre livre le cas de personnes gravement malades ou handicapées qui ont trouvé le secret du bonheur…

E.J. : Oui, en effet, ce sont des personnes gravement malades ou atteintes de maladies incurables et qui l’acceptent. Elles font plus que survivre, elles vivent mieux que des personnes en bonne santé, elles vivent heureuses. Parce que le Bonheur, c’est développer leur capacité à accepter la réalité, plutôt que de sans cesse la refouler, en se plaçant dans une position – courante depuis le milieu du XXe siècle – qui est celle de la victimité. Moi j’invite les gens à être heureux en étant responsables. Etre responsable, ce n’est pas seulement la capacité à répondre de nos actes, mais c’est de pouvoir éviter de se considérer victime de ce qui nous est arrivé.

Donc, si je vous comprends bien, on a tous la capacité de changer la donne ? Cela veut-il dire, selon le dicton populaire, que « Quand on veut, on peut » ?

E.J. : Oui, mais le bonheur n’est pas le but de la volonté. Il est au mieux son effet secondaire, dont le premier est la responsabilité. Quand on veut être heureux, on peut être heureux, malgré toutes les circonstances jouissives de notre société. Le paradoxe du bonheur, il est là, on n’a pas besoin de remplir toutes les conditions matérielles et superficielles, qui sont celles de notre société et qui se vendent, pour être heureux. C’est pour cette raison que le bonheur se conquiert et qu’il ne se vend pas.

On se rend compte en regardant autour de soi qu’il y a des gens qui semblent avoir tout pour être heureux mais qui ne le sont pourtant pas. Comment l’expliquer ?

E.J. : Peut-être parce qu’ils ont perdu le sens de l’effort, qu’ils vivent dans les acquis et que tout ce qui peut contredire un acquis les contrarie. Prenons un exemple que je ne cite pas dans mon dernier livre, celui de Dorine Bourneton. Voilà une jeune femme qui a eu un accident d’avion quand elle avait 16 ans et qui a perdu l’usage de ses jambes. Elle est devenue à force de volonté et d’efforts une pilote aguerrie, même la première femme pilote de voltige aérienne en situation de handicap. On a aménagé l’avion pour qu’elle puisse conduire sans les jambes. Elle décolle, elle vole, alors que des personnes sans handicap n’y arriveront pas ! On voit bien que les gens heureux sont des gens qui sont capables de dépasser mentalement intellectuellement, de manière sapientiale, les handicaps que lui fournisse la réalité.

Le bonheur est-il également accessible par une forme de sagesse ?

E.J. : C’en est même la seule condition ! C’est pour cela que je pourrais dire qu’il est difficile d’enseigner le Bonheur dans un lycée, en cours de philosophie, dans une république laïque et laïcarde, dans la mesure où des parents viendraient dire aux professeurs qu’ils ont une autre conception du bonheur qui peut être post-mortem ou en ayant accès au paradis. La question de la sagesse est donc une question très personnelle.

Peut-on trouver d’autres voies pour parvenir à ce bonheur, à cette sagesse, comme de ne pas mettre la barre trop haute, de cultiver la gratitude et la gentillesse, de profiter de l’instant présent ?

E.J. : Je ne les trouve pas mauvaises mais je trouve que l’absence de contraintes élevées est un sous-épicurisme. La vie nous offre des contraintes à accepter pour les dépasser. Je dirais même que c’est parce qu’il nous arrive des problèmes, et parce qu’on les accepte et qu’on les surmonte, qu’on se met à aimer les avoir eus. Il y a plein de gens qui avouent que leur évolution personnelle ou sociale, elle leur vient de handicaps ou d’obstacles qu’ils ont réussi à dépasser ou à sauter.

Est-ce qu’en recherchant le bonheur d’autrui on peut être heureux soi-même, ou est-ce en se donnant les moyens de son propre bonheur qu’on rend les autres heureux ? Ou les deux à la fois ?

E.J. : C’est une bonne question. J’ai eu dernièrement un échange sur LinkedIn avec un homme qui s’appelle Pascal Alexandre. J’en parle ici parce qu’il m’a autorisé à le citer. Il lui est arrivé quelque chose d’insupportable pour le commun des mortels. Il a eu un enfant, une petite fille, Julie, née en 1999, à qui les médecins ont diagnostiqué une grave maladie, plus précisément un syndrome de Prader Willy. Ce papa savait au bout de quelques mois que sa fille était condamnée à la mort et elle a beaucoup souffert. Quand cette petite fille voyait ses parents souffrir, elle les enlaçait, leur souriait et les rassurait. On constate que c’est souvent la personne qui souffre le plus et qui voit les autres en pâtir qui surmonte le pathos, la passivité, et qui devient active. Paradoxalement, ce que dit le père, c’est qu’il a subi une leçon de cette vie courte de sa fille, une leçon de vie. A travers cet exemple, on voit bien que c’est le bonheur rendu par le courage et la capacité de cette petite fille à surmonter la tristesse et la douleur de ses parents qui a généré une ouverture au monde entier, à autrui.

La « recette » est-elle la même à tout âge, notamment quand on vieillit ? Plus d’expérience devrait nous amener à plus de sagesse, donc à être plus heureux ?

E.J. : Les seniors, par définition, c’est l’âge de la sagesse. On n’est pas sage à 5 ou à 7 ans. On n’a pas eu assez d’expérience de la vie. Un enfant ne sait pas tout ce qui peut lui arriver et ce qui va lui être enseigné. On va lui ouvrir les yeux pour qu’il devienne par exemple prudent. On vit dans une société tellement peureuse qu’on veut éviter à tout enfant qu’il lui arrive quoi que ce soit, d’où la montée en puissance des assurances. On vit dans la peur. Les personnes âgées ont le mérite d’avoir une expérience de la vie, une addition de difficultés qu’elles ont rencontrées. Elles apprécient la vie avec un regard plus ouvert ou plus intelligent que les nouveaux nés ou les jeunes enfants.

Et pourtant, le fait de vieillir rend beaucoup de gens malheureux…

E.J. : Oui, parce qu’on est dans une société qui met en valeur le jeunisme, l’apparence, la pseudo-beauté, la flexibilité, la peau lisse, etc. Mais il y a une beauté de la vieillesse qui s’illustre justement par sa sagesse. Ça rime d’ailleurs vieillesse et sagesse. Donc cette beauté-là, les enfants et les jeunes en ont besoin. Il faudrait arrêter de décrédibiliser les seniors dans une société qui devrait plutôt y voir une lumière ; une société qui paradoxalement arrête de faire des enfants. En même temps, elle valorise le jeunisme et en même temps, elle développe le nombre de personnes âgées. Je crois que l’espérance de vie avant la seconde guerre mondiale était de 47 ans et qu’on est passé à plus de 80 aujourd’hui. Il serait temps que nous soyons cohérents avec nous-mêmes si nous voulons être heureux. Dans notre société, on survalorise la jeunesse à tel point que les personnes âgées, les femmes comme les hommes, passent par la chirurgie esthétique comme si ce n’était pas beau d’avoir la trace de leur existence sur leur visage. Pourtant, une ride inspire !

Quel message essentiel aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre dernier livre ?

E.J. : Il faut distinguer le bonheur du plaisir. Il n’est pas une forme supérieure du plaisir. Il est l’harmonie de soi-même avec tous les évènements qui nous arrivent et avec l’Univers. Ce qui demande d’accepter de se placer soi-même dans la situation où l’on est et d’accepter le monde et pour cela d’avoir fait l’effort d’anticiper les évènements qui vont continuer d’arriver, qu’ils soient bons ou dits mauvais. J’aimerais ajouter qu’il n’y a pas d’âge pour être heureux, ce n’est pas au moment de la puberté ou juste avant la ménopause, c’est vraiment une question de conscience de soi-même et de sa place dans l’Univers, c’est-à-dire prendre conscience que nous ne sommes que des particules, qu’on soit jeune ou qu’on soit vieux. ν

Propos recueillis par Valérie Loctin.

Invitation 21 octobre 2021 à 19h exposition Daho à la Louisiane, photographies de Nicolas Comment

INVITATION pour les journalistes

Vernissage de l’exposition

Hôtel des infidèles

photographies d’Etienne Daho

par Nicolas Comment

jeudi 21 octobre 2021 à 19h

Hôtel La Louisiane

60 rue de Seine 75 006 PARIS

Inscription obligatoire pour le cocktail par sms au 06 84 36 31 85

Exposition Etienne Daho à la Louisiane du 20 octobre au 14 novembre 2021

Contact presse guilaine_depis@yahoo.com

 

 

PROGRAMME PRECIS DES TABLES RONDES AU FESTIVAL LITTERAIRE DE CABOURG

PROGRAMME DES TABLES RONDES AU FESTIVAL LITTERAIRE DE CABOURG

23 et 24 OCTOBRE 2021

SAMEDI 23 OCTOBRE 2021 APRES-MIDI
 

14h Présentation d’ouverture Panorama de la littérature de l’enfance : Thierry Clermont du Figaro

14h30 – 15h15 Rencontre avec un académicien atypique 
hommage à Gonzague Saint-Bris
avec Jean-Marie Rouart

15h30 à 16h15

Les politiques à travers les siècles
avec Franz-Olivier Giesbert, Gilles Martin-Chauffier et Gael Tchakaloff

16h30 à 17h15

Quatuor d’écrivains mélomanes

avec Evelyne Bloch-Dano, Nicolas d’Estienne d’Orves, Jean-Maurice de Montremy, Patrick Poivre d’Arvor

17h30 à 18h15 

L’islamophobie, l’islamogauchisme et les nouvelles censures
avec Pascal Bruckner, Lydia Guirous et Emmanuel Pierrat

18h30 – 20h 
Comment la littérature et l’amour se célèbrent mutuellement
Présentation des deux derniers livres de ce couple suivi d’un récital à deux voix de textes sur l’amour
avec Leili Anvar et Frédéric Ferney 

DIMANCHE 24 OCTOBRE 2021 MATIN

10h30 à 11h15

Restituer les lieux et personnages du passé par la grâce des mots
avec Thierry Clermont, Marie de Hennezel et Hélène Waysbord 

11h30 à 12h15

Le bonheur est-il toujours possible ? 
avec Emmanuelle de Boysson, Anne-Laure Buffet et Emmanuel Jaffelin

DIMANCHE 24 OCTOBRE 2021 APRES-MIDI

14h – 14h45

ORLAN Corps-Sculpture : Y a t-il des limites à la liberté de création ? 
avec ORLAN et Emmanuel Pierrat

15h – 15h45

Contes et mythologies : comment l’imaginaire façonne nos vies

avec Catherine Clément, Jean Claverie et Jean-Maurice de Montremy & Emmanuel Pierre

16h – 16h45

La guerre des sexes est-elle déclarée ? Réflexion autour du phénomène Me Too, enfant du Wokisme
avec Pascal Bruckner, Jérôme Clément et Sabine Prokhoris