Thierry Delcourt se réfère à Antoinette Fouque dans son livre « Artiste Féminin Singulier »

Extrait d’une lettre de l’auteur : (…) la pensée d’Antoinette m’a aidé dans mon travail de recherche sur le processus de création et la voie singulière qu’y tracent les femmes et je l’ai citée à plusieurs reprises. (…) C’est de que partent nombre d’initiatives traçant le parcours de libération, de visibilité et de combat des femmes… Ce qui est ma préoccupation, non seulement dans ce livre Artiste féminin singulier, mais aussi dans ma pratique de psychiatre et psychanalyste, et comme homme. Thierry Delcourt

Thierry Delcourt – ARTISTE FEMININ SINGULIER (nouveauté juin 2009, éditions L’Âge d’homme)

9782825139479_1.jpg

Avec la participation des artistes

 

 

 

Lydie Arickx • Edith Canat de Chizy

Carolyn Carlson • Colette Deblé • Mame Faguèye Bâ

Anta Germaine Gaye • Louise Giamari

Sylvia K. Reyftmann • Florentine Mulsant

Marylène Negro • Orlan • Sophie Rocco

Valérie Rouzeau • Agnès Thurnauer

La création a-t-elle un sexe ? Existe t-il une différence entre femmes et hommes quant à leurs pratiques créatives ? Entre distinction et spécificité, que met en jeu le processus de création au féminin au-delà de la singularité de chaque artiste et de chaque oeuvre ?

Il n’y a pas si longtemps que la création artistique des femmes a droit de cité et ce n’est pas sans combat ! S’extrayant des partis pris de tous bords, quatorze artistes – chorégraphe, poète, peintres, plasticiennes, styliste, sculpteures et compositeurs – ont accepté de parler longuement et intimement de leur pratique, de la place qu’elle occupe dans leur vie et des incidences de leur création sur leur être-femme.

Thierry Delcourt est allé à leur rencontre en se dégageant autant que faire se peut des a priori. Il les a écoutées attentivement parler de leur acte, de leur oeuvre et du processus de création qui les anime. Ainsi, il est possible de mieux comprendre, au-delà des évidences, le formidable mouvement impulsé par les femmes dans la création artistique contemporaine. Il ne s’agit pas pour autant de catégoriser ces artistes dans une spécificité discriminante, même positive. Cette étude permet de tracer, à partir des singularités de chaque artiste, une distinction qui traverse le champ féminin où il est aussi possible de croiser des hommes, de ceux qui ont fait le choix éclairé de quitter des prérogatives aussi aliénantes qu’illusoires en s’exposant au risque de créer.

Forme, expression, concept, corps, sensibilité, énergie… se conjuguent ici avec recherche, déconstruction, subversion, hétérogène, identité questionnée, appropriation… Cette mise en chantier de l’art ouvre un espace de vie et de création passionnant et semble préserver un archipel d’humanité dans un monde où l’homme est sa propre crise.

Thierry Delcourt, né en 1951, est psychiatre et psychanalyste. Il partage son temps clinique avec une recherche et un enseignement dans le domaine de la psychopathologie. Il anime un séminaire sur la créativité et sa fonction dans le psychisme humain. Il a publié une étude sur le processus de création artistique : Au risque de l’Art en 2007 aux éditions L’Age d’Homme. Ses articles et d’autres textes sont publiés dans des ouvrages collectifs (Ères, L’Esprit du Temps, Revue Psychiatries…)

Illustration de la couverture : Elle, Sémaphore. Peinture sur papier. Lydie Arickx, 2008. http://www.lagedhomme.com/boutique/liste_rayons.cfm

Antoinette Fouque répond aux questions d’Eli Flory pour le Magazine des Livres

antoinette_fouque.jpgAntoinette Fouque, éditrice et psychanalyste pour Le Magazine des livres – 19 mai 2009

Interview par l’exquise Eli Flory

D’où est née la création, en 1973, de votre maison d’édition ? Comment a-t-elle été accueillie dans le paysage éditorial ?

 

Elle est née du sentiment d’une injustice, d’une discrimination envers les femmes dans la République des Lettres, qui se lisent clairement dans l’histoire littéraire. Peu de femmes écrivains ont traversé l’histoire, non parce qu’elles n’ont pas de génie, mais parce qu’elles sont censurées quantitativement et qualitativement. Jusqu’en 1973, les manuscrits des femmes ne convenaient jamais, trop longs, trop courts, trop ceci, pas assez cela ; ils ne correspondaient pas aux codes d’évaluation.

Puisqu’en 1968, nous avions pris la parole, nous allions prendre le stylo et nous mettre à écrire. « Des femmes » est née du désir de lutter contre l’interdit de s’exprimer, d’écrire autrement que comme un homme ou de manière « neutre » – ce qui revient au même.

Il s’agissait de donner lieu au non lieu : une maison pour habiter le monde, un lieu pour créer une écriture qui ne serait pas phallique, articulée à une libido creandi qui signifie autant création génésique que création artistique, une création littéraire qui soit une création par l’écriture.

 

Préférez-vous que l’on dise d’une femme qu’elle est écrivain ou écrivaine ? Pourquoi ?

 

Pourquoi pas écrivaine, comme on dit châtelaine ? Mais j’aurais préféré que ce soit imposé par l’usage plutôt que par un décret.

Parler, penser, n’est jamais neutre, puisque le corps, donc l’esprit, ne le sont pas. Le monde, l’amour, la vie d’une femme, ses expériences, ses compétences (égales à celles d’un homme), pour être pleinement humaines, n’en sont pas moins différentes. La gestation, par exemple, est une « exclusivité » tout à fait universelle, qui n’est un continent noir que pour les hommes, encore que les plus imaginatifs comme Tirésias parviennent à l’éprouver.

Or creare, en latin, signifie à la fois procréation et création.

 

Comment expliquez-vous que les femmes soient si souvent peu récompensées par les prix littéraires de l’automne ?

 

Aujourd’hui, le paysage a changé grâce aux pionnières – n’oublions pas aussi Colette Audry, Régine Deforges. Bien plus nombreuses sont celles qui dirigent des maisons d’édition.

Mais la misogynie perdure, et avec elle la forclusion du corps et des écrits des femmes. 

 

Que pensez-vous d’une initiative comme celle du prix Lilas ?

 

Le prix Lilas, un prix de plus, peut aider, surtout si y participent des femmes exceptionnelles  comme mon amie Arielle Dombasle.

 

Une femme pour incarner la « grantécrivaine » ?

 

Je dirais grande écrivaine, parce que si on l’écrit en deux mots, le « d » reste sonore.

Cependant, cette  notion demeure souverainiste, phallocentrée…

Elle fait peu de cas de la géni(t)alité des femmes, qui, outre la compétence du langage (Lacan) propre aux humains, leur donne celle également humaine, bien qu’exclusivement femelle, de la gestation.

La question est pour moi, comment inscrire le génital, donner texte à
l’aventure génésique ? Comment lui donner une inscription satisfaisante qui laisse entendre la voix charnelle, la voix miséricordieuse du cœur, la voix humaine ? Il s’agit d’écrire d’une écriture ne refoulant pas l’oral – à la recherche d’une écriture articulée à l’inconscient, une écriture matricielle, utérine.

 

Antoinette Fouque, éditrice pionnière des livres audio

Extrait d’un texte d’Antoinette Fouque, éditrice pionnière des livres audio :

afvoix.jpgEn 1980, j’ai eu envie de faire une « bibliothèque des voix ». A l’époque, il n’y en avait pas en France et très peu, non plus, ailleurs. Je voulais dédier ces premiers livres parlants à ma mère, fille d’émigrants, qui n’est jamais allée à l’école, et à ma fille qui se plaignait encore de ne pas arriver à lire, et à toutes celles qui entre interdit et inhibition ne trouvent ni le temps, ni la liberté de prendre un livre.
Je crois que par l’oreille on peut aller très loin… On n’a peut-être pas encore commencé à penser la voix. Une voix, c’est l’Orient du texte, son commencement. La lecture doit libérer, faire entendre la voix du texte -qui n’est pas la voix de l’auteur-, qui est sa voix matricielle, qui est dans lui comme dans les contes le génie est dans le flacon. Voix-génie, génitale, génitrice du texte. Elle y est encryptée dirait Derrida, prisonnière dirait Proust.
La « bibliothèque des voix » compte aujourd’hui plus de 100 titres. Sont ainsi regroupés les voix et les textes de Nathalie Sarraute, Marguerite Duras, Julien Gracq, Françoise Sagan, Marie Susini, Danielle Sallenave, Georges Duby, et Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, Arielle Domsbale, Jean-Louis Trintignant, Nicole Garcia, Michel Piccoli, Marie-Christine Barrault, Anny Duperey, Daniel Mesguich, Fanny Ardent … prêtent leur voix à Madame de Lafayette, Diderot, Balzac, Colette, Proust, Freud ou Stefan Zweig…

Coline Serreau se réfère à Antoinette Fouque dans Nouvelles Clés (juin-août 2009)

col2.jpgRésister – nouvelles clés juin-août 09
Propos recueillis par Patrice van Eersel
 
La grande colère de Coline Serreau
 
Toute la presse a parlé du grand documentaire écologique en six parties que prépare la réalisatrice la moins conformiste de France. Mais sans nous dire de quelle énorme indignation elle est partie – que son reportage autour du monde n’a fait que confirmer.
Selon elle, à peu près partout, les femmes continuent à subir l’inégalité, l’oppression et, pire que tout, la non reconnaissance du rôle créateur de leur ventre. Telle serait la cause n°1 de nos problèmes : le matricide, qui nie l’utérus et l’humus. Vous pensiez que la lutte des femmes était finie ?
 
Coline Serreau, dont nous avons adoré les fictions utopistes – La Belle Verte, La Crise, Saint-Jacques… La Mecque – est partie filmer toutes sortes d’acteurs de la mouvance des « rebelles de l’humus », de Pierre Rabhi à Nicolas Hulot, de l’Indienne Vandana Shiva au Marocain Hassan Zaoual, des savants libertaires aux paysans sans terre. On les verra à l’écran, cet hiver, dans une série de six documentaires-manifestes : La Terre vue de la terre – Solutions locales pour un désordre global. La réalisatrice se trouve en plein dérushage de ses 150 heures de tournage, au moment où nous débarquons chez elle pour lui demander en quoi elle croit, au fond.
 
Quels sont vos critères, pour trier le meilleur de toutes les images que vous avez tournées ?
Aujourd’hui, toute la journée, j’ai décrypté ma longue interview de la philosophe Antoinette Fouque, figure mythique du MLF et fondatrice de la Librairie des Femmes. J’adhère entièrement à ce qu’elle dit sur le meurtre du vivant. La terre et l’utérus, c’est le même mot. Mater, matière, utérus, terre, tout ça a la même racine. L’humus, l’humanisme, l’humilité, voilà mes critères. Les progressistes, dont je me suis longtemps sentie proche, n’ont jamais voulu voir le fond du problème : la relation entre la terre et l’utérus. Aujourd’hui, si les écologistes ne comprennent pas que l’urgence n°1 est l’arrêt du matricide, ils échoueront comme les autres. (…) L’interview fait plusieurs pages….
 

Taslima Nasreen filmée à l’Espace des Femmes-Antoinette Fouque par TV5 Monde (Sophie Goldstein) pour le 8 mars !

taslima_nasreen-390.jpg Taslima Nasreen : regardez la vidéo ici

Taslima Nasreen est un symbole de la lutte pour les droits des femmes.
L’écrivain paye le prix fort pour son engagement: tête mise à prix en Inde et exil forcé, elle vit maintenant à Paris. C’est ce qu’elle a confié à notre équipe dans une interview exclusive.

Reportage de Sophie Golstein et Ivana Jurisa
8 Mars 2009

Antoinette Fouque écrit sur l’oeuvre de Françoise Gilot

Texte recopié du catalogue des trente ans des Editions des femmes :
francoise_gilot.jpgFrançoise Gilot
Anamorphoses, 15 juin / 31 juillet 1986
La Porte rouge, huile sur toile, 73×59 cm, 1982
 
… Ou la prégnance du regard
 
Texte d’Antoinette Fouque pour le catalogue de l’exposition Anamorphoses de Françoise Gilot, à la Galerie des femmes, en juin 1986 (repris dans Mémoires de femmes 1974 – 2004)
 
Rencontrer une femme ? Aventure difficile dans une civilisation en malaise, ravagée par l’épidémie féministe. Femme : espèce en voie de disparition, transformée en fossile vivant avant d’avoir pu exister.
N’être femme à Marseille et rencontrer, à San Diego, à l’extrême Occident, un demi-siècle après, une « soeur océane », c’est affaire de destin, plutôt que de hasard. Il y aura fallu la guidance poétique et l’endurance femelle ; il y aura fallu cette lente remontée de la mer prostituée jusqu’aux eaux pacifiques, d’un port à l’autre, à de la naissance à la maturité, du passé au futur, anabase et exil.
Ici, là-bas, en Californie, en France, on m’avait tout dit sur Françoise Gilot : sur presque dix années de vie partagée avec Picasso, le géant du vingtième siècle, elle sortant à peine de l’adolescence et lui entrant dans son grand âge ; leurs deux enfants, Claude et Paloma ; et puis Aurélia, plus tard avec un autre ; on m’avait dit qu’elle écrivait des livres (biographies, théorie, poésie), qu’elle était peintre ; qu’elle était aujourd’hui la femme du Docteur Salk, le génial inventeur du vaccin contre la poliomyélite. On remarquait qu’elle ne devait pas être quelqu’un d’ordinaire pour avoir été aimée par des hommes aussi éminents (la gloire de Lou Andreas-Salomé en pâtit encore). On m’avait tout dit, mais rien d’essentiel.
 
picasso_francoise_gilot.jpgD’abord, il y a vos yeux. C’est le premier contact. Tous mes poètes aux mots fertiles répondent à l’appel. « Il viendra un être au regard si vrai que le réel le suivra. » Prégnance du regard : les yeux d’algue et d’guître, bleue et verte, les yeux du commencement du vivant, les yeux de l’océan et de l’huître. Ils nous regardent, au-dehors, au-dedans. L’une et l’autre veillent sur le mouvement, sur les mutations laborieuses. La femme intérieure remonte lentement : « female », « artist-woman », toute en couleurs (même quand vous êtes en blanc). Ici les gens disent que le français est la langue de l’océan. Et si la langue anglaise, plus na(t)ive, était celle des femmes ?
Alors, il y aura plusieurs entretiens, timides, de part et d’autre, comme de juste. Mais, à l’essentiel, vous allez droit. La quintessence, le cinquième élément, pour le peintre, c’est la couleur, pour la femme, c’est le vivant. Pour les deux en une, ce sera la peinture.
Vous me racontez l’enfance. La petite fille et sa peinture, des jumelles. Elle vous est née avec vous, la peinture comme nature. Vous l’avez toujours sue, depuis le « vortex d’abeilles » (dans le midi on dit « avoir des abeilles » pour exprimer un certain état d’excitation : ni le bourdon, ni le cafard, mais une sorte de vertige enthousiaste).
Vous me racontez les voyelles, a, i, o, l’autre et vous, et l’entre-elles. Et i, a, o – a, o – o, a – fortda – ici-là et l’o dans l’a, l’o du nom, aquarelle. Les consonnes F, G, la sixième et la septième, les sept couleurs de l’arc-en-ciel ; F, G, fille et garçon. Vous jouez avec vos deux genres mais vous ne les confondez pas. Vous créez avec un seul sexe, multiple, hétérogène, complémentaire. C’est toute la différence. Votre « porte rouge » est naturellement bordée de vert. Il s’agit là bien sûr du « naturel en peinture ».
Vous me dites comment vous concevez avec vos deux yeux, à contre-perspective, sans diplopie, sans obsession, par plans ; vous l’avez appris en direct de votre vieil ami Matisse.
francois-gilot-picasso.jpgVous peignez avec vos deux mains, de la gauche, au couteau, de la droite, au pinceau (toutes les techniques vous viennent comme autant de langues fluantes), vos deux mains se touchant dans la chir du tableau. Vous vivez avec vos deux cerveaux, le gauche pour la rigueur, pour le sens (vous refusez le système pour mieux construire la théorie), le droit pour l’intuition, l’anticipation symbolique.
A La Jolla, dans l’enceinte de l’atelier de Françoise Gilot, j’ai vu une centaine de toiles, une infime partie de son oeuvre seulement. Question de lieu, question de temps. Dix heures par jour, en moyenne, d’un travail acharné, sur plusieurs décades. La peinture ininterrompue, abondante, multiple. Travail du lieu, travail du temps. Le lieu y enlace le temps. Le corps antérieur, la chair précoce de l’artiste, plutôt que sa mémoire, s’y exerce, dans une langue de silence, par séries. Le lieu est clos, pour s’ouvrir au-dedans : s’y enfermer, s’y recueillir, s’y concentrer, s’y inspirer presque jusqu’à l’asphyxie (Goya aussi), la gorge serrée à s’en rompre les cordes vocales, le souffle retenu dans le vortex intérieur, ce tourbillon creux et fluide suscité autrefois par l’absence de la mère, Artémis à l’oeil meurtrier, chasseresse d’oiseaux migrateurs.
Le vertige en abîme s’est converti, une fois l’angoisse domptée, en motions, en couleurs, en réserves de passions propres à la faire revenir, autre, la mère, à la faire advenir femme. La passion de la réserve, parfois portée comme un masque de timidité, s’éclate, debout, à la force du geste et relaie le temps en durée de gestation. Elle fait venir la nouvelle née, fille ou amante, tierce peinte, entre elle et la toile : c’est une excorporation, par la transparence profonde des aquarelles bleu sombre, vert liquide, par la précision incisive des lignes acrobates, par la flamboyance des huiles cadrées, recadrées, cernées, construites en villes orientales.
francoisegilot.jpgLa vie dans les yeux, la peintre touche son horizon intérieur, se remet en face des choses, les atteint et les transmet de les atteindre plutôt que de les représenter. Instase. Descendre au lieu inné, en soi, où l’autre se désaltère, et faire naître. S’éloigner de plus d’une mort ; faire vivre plus d’une vie par cet affort d’amour. La peinture est un acte, un fait qui me réveille, me touche à l’intouchable ; l’élément chair aussi a ses rêveries de labeur. Relation d’être à être, en écho, sans miroir, de pensant-vivant.
Instance de la couleur. L’un désirait parfois « se montrer jusqu’au rouge ». Françoise Gilot porte au bleu l’espérance, ouverte sur la vie. On s’éloigne des portes de l’enfer, on s’éloigne des portes du paradis, des portes de l’exil ouvertes sur les sables, des portes désespérées de la comédie divine, de la corrida domestique, de l’idée fixe, de l’obsession du temps, de la phobie du vivant, de la scène à répétition, de la résistance stérile, de l’Art considéré comme un assassinat, du culte du moi-moi, de la sublimation du Divin, du Pouvoir.
Les yeux vivants touchent le ciel. Le corps sensible, intime, monte jusqu’aux étoiles
. Une femme offre en écho chiasmé, visible, l’invisible. Elle en oublie l’oubli, une certaine indifférence. Pas de Dieu incréé et donc pas d’incréable. Son art originaire (Urkunst ?) appelle l’expansion. Elle anticipe la réminiscence d’une communauté symbolisante. Celle qui voit et celle qui regarde, deux, plusieurs femmes, ont désormais même inconscient, prégnant, agile comme un corps subtil, mouvant comme un bonheur océan. C’est faire oeuvre d’analyste. C’est du même coup démasquer « le travail du rêve », comme pâle contrefaçon, du travail de tout l’être : corps et sens, sexe, coeur, jambes, poumons, cerveau, pensée, langage et conception entrelacent leurs jeux dans la lumière et l’eau de la chambre utérine. La forêt vierge ruisselle rouge sang sur la toile. La relation est cette fois de connaissance. Aucune femme ne serait plus tenue à l’envers d’elle-même, ne serait plus contrariée dans ma mère à la folie.
 
photo-Francoise-NY.jpgC’est l’accueil en ce lieu, le vôtre, de peinture, qui interrompt l’exil, notre existence en pointillés. La coleur fait reculer la psychose, les blancs à l’âme, le spleeen et l’idéal du Narcisse ; elle mobilise la joie. En elle, un peu, je me retrouve cette fois dans Paris. La pierre vire aux roulements du corps de l’autre, aux balancements matriciels. Votre « persona » a les yeux pers. Ce n’est pas un autoportrait. Vous avez mieux à faire que de vous prendre pour Dieu. Votre soleil se lève tôt, tranché de vert, deux fois troué. Votre fenêtre de femme-peintre ouvre sur une autre dimension, peut-être la quatrième quant au dessin des pulsions (après l’inhibition, la perversion, la sublimation). C’est en tous cas la dimension du mouvement, donc du vivant-pensant, pour chaque sexe.
Vous êtes de l’autre côté des avant-gardes à systèmes, des « génies » ravageurs, enragés. Votre modernité, du côté de Matisse, ouvre la tradition, pense la transmission, retient la permanence du sens, perdu/trouvé, à mettre au monde. Elle est la forme expulsée comme nouvelle, et hors d’elle-même comme autre : anamorphose. Vous la nommez « Idole enfantine », « Amour », « Lien », « Equinoxe ». Elle est forme externée, sécrétion de couleurs perlées, la remontée à soi d’une pulsion profonde, inexistante, invisible. Grosse d’affects et d’échos, vous la voulez symbole. Vous la mobilisez vers son ailleurs. Vous la placez au commencement de demain. Vous l’imaginez au présent d’une expérance. Ce n’est plus la régression progédiente et l’angoisse du créateur, mais la prégnance de l’enfante-femme d’avant le premier jour.
 
Et si toute naissance était anamorphose ?
La (pro)création serait géni(t)ale ou ne serait plus.
Alors, il faudrait saluer ici une naissance de peinture.
Antoinette Fouque, La Jolla-Paris, juin 1986

Antoinette Fouque, Elisabeth Badinter, même combat ! (sur la gestation pour autrui) – La Une du Monde daté du 31 mars 2009

1941.jpgSoixante personnalités et chercheurs lancent un appel pour une légalisation encadrée des mères porteuses
LE MONDE | 30.03.09 | 14h04

Dans un appel lancé samedi 28 mars, une soixantaine de personnalités demandent la légalisation des mères porteuses. « Nous pensons que la gestation pour autrui ne porte pas atteinte à la dignité de la femme si elle est pratiquée dans des conditions claires et sûres, altruistes, dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, qui exclut toute marchandisation de la personne », affirment-ils.

Mère porteuse : un ultime recours, toujours illégal en France
Cet appel a été lancé par Clara, une association fondée par Sylvie et Dominique Mennesson, parents de jumelles nées en 2000 grâce à une mère porteuse californienne. Malgré une première décision de justice favorable en 2007, ces petites filles ont été privées d’état civil, en France, par la Cour de cassation, du fait de l’interdiction de la gestation pour autrui inscrite dans les lois de bioéthique de 1994.

L’appel a été signé par la philosophe Elisabeth Badinter, la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, la féministe Antoinette Fouque, le député Noël Mamère, la sociologue Dominique Mehl, le médecin Israël Nisand ou encore l’avocat Frank Natali.

En cette année de débat sur la révision des lois de bioéthique, les signataires plaident pour une légalisation encadrée de cette pratique tolérée en Belgique et aux Pays-Bas, autorisée au Royaume-Uni, en Grèce, au Canada et aux Etats-Unis. Trois des signataires expliquent leur engagement.

François Olivennes, spécialiste de la médecine de la reproduction : « Aujourd’hui, en raison de l’interdiction de la gestation pour autrui, les femmes privées d’utérus sont les seules femmes infertiles auxquelles la médecine ne peut rien proposer. Contrairement à ce que l’on dit souvent, je ne crois pas que cette pratique conduirait à une marchandisation du corps humain : il faut, pour éviter toute dérive mercantile, que la loi interdise la rémunération de la femme porteuse et impose le seul remboursement des frais occasionnés par la grossesse.

Il y a, depuis la nuit des temps, des femmes qui ont envie d’aider d’autres femmes à avoir des enfants, sans qu’elles soient pour autant folles ou désespérées. Les études montrent ainsi que les femmes porteuses considèrent cette grossesse comme un don et qu’elles ne sentent pas la « vraie » mère de l’enfant. Reste, bien sûr, que toute grossesse présente un risque médical : c’est pour cela que la loi doit prévoir une parfaite information de la gestatrice. »

Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse : « Il faut changer l’ensemble des lois sur la filiation afin d’ouvrir tranquillement la voie aux nouvelles formes de procréation. En France, la gestation pour autrui se fait de manière sauvage, dans une certaine clandestinité : plutôt que de crier à l’apocalypse, encadrons donc les pratiques pour éviter que n’importe qui fasse n’importe quoi.

Ainsi, il vaut mieux, à mon sens, que les mères porteuses aient déjà eu des enfants et qu’elles ne puissent pas porter l’enfant de leur fille ou de leur soeur : tout ce qui est incestueux est à bannir. La rémunération doit en outre être limitée pour éviter que des femmes s’engagent dans cette voie pour des raisons strictement commerciales. Enfin, il faut que la mère ait la possibilité de garder l’enfant, à la naissance. »

Maurice Godelier, anthropologue : « Avec les mères porteuses, le processus de la maternité est scindé en deux : une première femme assume la conception, une seconde la grossesse, ce qui est nouveau dans l’histoire de l’humanité. La gestation pour autrui est le fruit des progrès de la médecine, mais c’est aussi le produit des évolutions de la parenté dans les sociétés occidentales : je pense à la valeur extraordinaire que nous accordons à l’enfant et à l’importance que nous attachons à notre liberté de choix de vie au-delà des institutions consacrées et des rituels traditionnels.

La gestation pour autrui, comme l’homoparentalité, a été inventée par des couples qui trouvaient là une solution à leurs problèmes mais qui ne se rendaient pas forcément compte que leurs pratiques allaient dans le même sens et qu’elles se sont cristallisées dans des revendications communes. Ce mouvement est irréversible en Occident et ces pratiques seront de mieux en mieux acceptées par nos sociétés. Il n’y a pas de raison de les refuser, mais elles doivent être l’objet d’un débat politique et culturel sérieux et être encadrées de réglementations très claires définissant les responsabilités, c’est-à-dire les droits et les devoirs de chacune des personnes engagées dans ces relations. »

Antoinette Fouque, citoyenne d’honneur sur La Chaîne Parlementaire (à vos télés, dès le 31.03.09 à 8 h 30 !!)

afnoir.jpgmardi 31 mars de 8 h 30 à 9 h première d’une longue série de diffusion de « Citoyen d’honneur » sur La Chaîne Parlementaire – Assemblée Nationale – (émission hebdomadaire présentée par Nathalie Cuman) consacrée à Antoinette Fouque http://www.lcpan.fr/emission/72206

Ils agissent parfois dans l’ombre, ils luttent souvent contre l’exclusion.
Ils s’engagent toujours pour de justes et nobles causes…
« Ils », ce sont les Citoyens d’honneur, des femmes et des hommes, connus ou anonymes. Nous avons souhaité leur consacrer une émission pour mettre en valeur leur engagement et leurs actions en faveur des autres.

Deux fois par mois, Nathalie Cuman reçoit un citoyen d’honneur pour découvrir sa vision de la citoyenneté et mieux comprendre ses missions et ses convictions. Face à un jeu de l’oie à tonalité citoyenne, l’invité d’honneur se raconte peu à peu. Question après question, se dessine le portrait de ce citoyen pas comme les autres pour qui le pluriel a remplacé le singulier.

Hay dos sexos !! (traduction en espagnol d' »Il y a deux sexes »)

hay-dos-sexos.jpg

lien : http://www.mujeresnet.info/2009/03/hay-dos-sexos-ensayos-de-feminologia.html

« Hay dos sexos: ensayos de feminología », FOUQUE, Antoinette (Siglo XXI Editores, México, 2008)
Libros, lecturas y publicaciones

Por Antoinette Fouque
Cofundadora del Movimiento de Liberación de las Mujeres (MLF) y creadora de las ediciones Des Femmes, ex eurodiputada, es psicoanalista y directora de investigación en la Universidad de Paris VIII, Francia.

La feminización de la pobreza, la inseguridad sexual y el auge de los integrismos habían motivado ya, desde hace más de diez años, la primera edición en francés de este volumen. El balance negativo que yo hacía en esa época, lejos de ser obsoleto, es más actual que nunca. Los nuevos textos de la reedición francesa, que forman parte de esta edición en español, delatan una regresión, una contraliberación amenazantes.

La Pasión por el Uno arraiga su violencia simbólica en el lugar mismo de lo real, de la fuente (pro) creadora, y en ella erige su soberanía y los poderes, religiosos, políticos e intelectuales que se derivan. Al cubrir con un velo de ignorancia la envidia o deseo del útero que la obsesiona, la protesta viril, la paranoia libran una guerra unilateral y despiadada en contra de las mujeres, esclavizadas tanto por una economía libidinal falocentrada (cambista y libertina) como por una economía política capitalista (librecambista y ultraliberal).

Liberar de su fuente la libido creandi de las mujeres es lanzar un desafío permanente a esta guerra y abrirse a la gen(i)talidad de los dos sexos. Recordar que el primer medio ambiente de cada ser humano es un cuerpo viviente, hablante; recordar que todos nacemos de una mujer (y también de un hombre) y experimentar gratitud por ello es abolir un orden simbólico, tiránico, hegemónico; es vencer la adicción, especular de Narciso, evadirse de los dogmas y de la ilusiones, de las religiones del Libro; es detener la especulación del Todo mercancía, del Todo ganancia; pero es también, sin duda, empezar a pensar.

¿La gestación, hospitalidad tanto psíquica como carnal, como paradigma de la ética, de la responsabilidad y del don?

Genitoras, genealogistas, arqueólogas, archivos y archivistas de la especie humana, las mujeres han empezado a vivir su nueva ‘condición histórica’, han empezado ha escribir la génesis de una modernidad tardía.

Es la hipótesis positiva que reafirmo en esta nueva edición.