Le Huffington Post redonne la parole à Frédéric Bizard, auteur de « Complémentaires santé : le SCANDALE ! » aux Éditions Dunod : La descente aux enfers de l’Assurance maladie (et donc de notre système de santé) s’accélère ! (21 octobre 2013)

 Recopié du site Le Huffington Post

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Par Frédéric Bizard, Maître de conférences à Sciences-Po Paris, Économiste de la santé, auteur de Complémentaires santé : le SCANDALE ! aux Éditions Dunod (paru le 9 octobre 2013, attachée de presse Guilaine Depis 06 84 36 31 85)

La descente aux enfers de l’Assurance maladie (et donc de notre système de santé) s’accélère !

Publication: 21/10/2013 12h08

PLFSS* 2014 : la descente aux enfers de l’Assurance maladie (et donc de notre système de santé) s’accélère!

Le PLFSS 2014, présenté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 22 octobre, est remarquable à au moins trois titres.

bizardid.jpgD’abord, il s’inscrit dans la continuité des précédents PLFSS sur le plan de l’affaiblissement de notre Assurance Maladie et donc de notre système de santé.D’une majorité à l’autre, on observe la persistance du refus de toute réforme structurelle de notre système de santé, qui conduit à laisser notre administration colmater un système qui prend l’eau de toute part. De 2002 à 2012, la France a cumulé une dette sociale de 160 milliards d’euros, dont près de la moitié provient de l’Assurance maladie. Nos politiques de droite et de gauche ont transformé le principe de solidarité qui fait que les bien portants d’aujourd’hui paient pour les malades d’aujourd’hui en un principe d’injustice sociale qui fait que les bien portants de demain paieront pour les malades d’aujourd’hui. Ce PLFSS prévoit un déficit de 6,2 milliards d’euros en 2014, soit 62% du déficit total de la sécurité sociale, un des taux records en la matière. Aucun retour à l’équilibre n’est envisagé à l’horizon 2017, malgré le retour de la croissance. C’est donc la persistance dans l’erreur d’une gestion comptable depuis dix ans avec des coupes budgétaires de 2 à 3 milliards d’euros chaque année, sans recherche de gain d’efficience. A titre d’exemple, le développement de la chirurgie ambulatoire en France au niveau d’autres pays comparables ferait économiser 5 milliards d’euros chaque année, tout en améliorant le confort des patients. Pour cela, il faudrait restructurer la carte hospitalière, du fait de la suppression de 50 000 lits d’hospitalisation traditionnelle, ce que refuse la technostructure sanitaire. Ce PLFSS, comme les précédents, repousse à plus tard l’inéluctable refondation de notre système de santé et est marqué du même sceau de la décadence morale de nos gouvernants qui font supporter nos dépenses sociales sur les épaules des futures générations.

couvBIZARD.jpgLe deuxième fait remarquable de ce PLFSS est la dégradation de l’accès aux soins pour les classes moyennes instauré par l’évolution des contrats responsables. Ces contrats responsables (qui représentent 95% du marché) ne rembourseront plus les compléments d’honoraires de la majorité des médecins spécialistes. Le gouvernement, après une mascarade de négociation conventionnelle, va ouvrir un contrat d’accès aux soins qui consiste à faire payer par l’Assurance maladie (et donc à creuser son déficit) les cotisations sociales des médecins qui acceptent de ne pas augmenter leurs tarifs pendant trois ans. Les médecins préférant vivre de leurs actes plutôt que de subventions, l’opération est un retentissant fiasco, à tel point que l’Assurance maladie se mure dans le silence sur les chiffres réels. Ce PLFSS active le levier qui referme le piège sur les assurés, les contrats responsables ne rembourseront plus les compléments d’honoraires de la grande majorité des médecins spécialistes, ceux qui n’ont pas signé ce contrat d’accès aux soins. La Ministre de la santé a parlé de durcissement des contrats responsables; c’est bien la cas mais uniquement pour ceux qu’elle est sensée défendre, les assurés. Ces contrats responsables, invention de la droite en 2004, sont une fantastique aubaine pour les complémentaires puisqu’ils limitent leur remboursement tout en baissant leurs taxes. Tout pouvoir politique soucieux de l’intérêt général les supprimerait sur le champ. Le nôtre non seulement ne le fait pas mais en aggrave les effets pervers. Le résultat est que la classe moyenne française, après devoir déjà renoncer fréquemment à des soins dentaires pour raison financière, n’aura bientôt plus les moyens d’aller consulter dans le cabinet des médecins spécialistes de leur quartier. Qu’elle se rassure, le gouvernement a pensé à elle et veut remettre à la mode les dispensaires du 19ème et 20ème siècle, rebaptisés centres de santé, où les soins seront gratuits.

images.jpegLe troisième fait remarquable de ce PLFSS est de préparer la grande idée santé du quinquennat de Hollande, la généralisation de la complémentaire santé. Les Français de la classe moyenne (les plus défavorisés ont la CMU-C) ont de plus en plus de mal à payer les cotisations de leur complémentaire; les primes ayant augmenté de plus de 70% en dix ans. Il était donc temps d’appeler l’Etat à la rescousse pour subventionner les contrats avec de l’argent public. C’est chose faite grâce à la montée en puissance de l’aide à la complémentaire santé, autre invention de la droite en 2004 dont ce gouvernement aggrave encore les effets pervers, prévue dans ce PLFSS. On dépense des centaines de millions d’euros (4 millions de personnes éligibles à un chèque compris entre 100 et 500 euros selon leur âge) d’argent public pour s’assurer que tout le monde souscrive à un contrat, très souvent inutile puisque les complémentaires refusent de mettre en face de bonnes garanties. Une bonne mesure serait la suppression de cette aide et son remplacement par la CMU-C pour ses bénéficiaires. On préfère faire payer la publicité de cette aide par l’Assurance maladie et subventionné les complémentaires. Le renvoi d’ascenseur présidentiel suite au soutien de la Mutualité française lorsqu’il était candidat en 2012 est décidément bien cher payé par l’assuré. Cette même Mutualité française vient d’ailleurs d’annoncer une hausse de 3% des contrats pour 2014, soit une hausse de 1 milliard d’euros pour des assurés qui verront la même année leur remboursement diminué grâce à ce PLFSS. Il fallait y penser!

A ceux qui pensent que la France a touché le fond et compte sur la reprise économique pour nous sortir de la crise profonde et multiforme de notre pays, ce PLFSS 2014 a au moins le mérite de leur démontrer que le pire est à venir en matière de protection sociale en général et de notre système de santé en particulier.

* Projet de loi de financement de la sécurité sociale

Rémy Brisson s’entretient avec Frédéric Bizard pour JOL Press (18 octobre 2013)

Capture d’écran 2013-10-21 à 15.11.34.pngENTRETIEN AVEC FRÉDÉRIC BIZARD

« Complémentaires santé : le scandale ! » : un secteur opaque

Ecrit par Rémy Brisson – publié le 18/10/2013

« Ce que j’essaie de faire, c’est avant tout de créer, à mon échelle, un débat public sur un secteur qui concerne chacun d’entre nous ». L’économiste de la santé Frédéric Bizard espère, par son livre, apporter un éclairage sur les complémentaires santé et sur un système qu’il juge inefficace, injuste et coûteux. Mais si le livre met en avant les incohérences de ce système, il propose aussi des solutions concrètes et des pistes de réflexion pour réformer le secteur.

JOL Press : Comment peut-on expliquer la généralisation des complémentaires santé, qui concernent désormais la quasi totalité des Français ?
 

Frédéric Bizard : Le système des complémentaires a persuadé la plus grande partie d’entre nous qu’il était absolument indispensable de souscrire à un contrat de ce type pour avoir un bon accès aux soins. Et cela sans que personne n’ait vraiment regardé si ces contrats étaient pertinents.

C’est un secteur qui sait faire du lobbying, pour que la puissance publique lui soit favorable. Pouvoirs publics qui entendent régler les problèmes d’accès aux soins en faisant en sorte de généraliser ces contrats à 100 % de la population. À cela s’ajoute aussi une très forte puissance médiatique.

Capture d’écran 2013-10-21 à 15.12.03.pngIl y a une sorte de mythe qui s’est développé dans la société française, qui voudrait qu’il soit indispensable de recourir à ce type de contrats, quels que soient son profil de risque et sa catégorie socioprofessionnelle.

JOL Press : Alors qu’en réalité, comme vous le développez dans votre livre, ces contrats ne sont que rarement pertinents ?
 

Frédéric Bizard : En moyenne, en France, le reste à charge, c’est-à-dire le montant après que l’assurance maladie ait financé les soins, est de 300 euros. On peut se demander si tous les Français ont besoin de s’assurer pour couvrir un reste à charge de 300 euros.

Dans notre système actuel, tout le gros risque est supporté par l’assurance maladie. Il y a bien sûr quelques soins coûteux, au reste à charge, notamment les soins dentaires.

Mais une très grande majorité des Français n’a pas de pathologie déclarée. Pour la majorité de ces personnes, dans l’organisation actuelle du système, il n’est pas nécessaire de souscrire à un contrat d’assurance maladie.

Capture d’écran 2013-10-21 à 15.12.20.pngJOL Press : L’objectif de votre livre est donc de dénoncer un système qui n’est finalement pas cohérent ?
 

Frédéric Bizard : Le but de ce livre, c’est tout d’abord d’essayer de mieux faire comprendre un système et un secteur économique qui est extrêmement opaque et très peu maîtrisé, aussi bien par les décideurs que par le grand public. Au point que certains décideurs sont convaincus que si on avait 100 % de la population avec une complémentaire santé, les choses iraient mieux. À la veille de la généralisation des complémentaires santé, il est important de se demander si c’est vraiment la bonne route. Ce que j’essaie de créer, c’est un débat public, sur un secteur qui touche chacun d’entre nous. La santé n’est jamais un sujet abordé lors des campagnes présidentielles, parce que traitée uniquement de façon technique, alors qu’il y a de vrais choix de société à faire. J’essaie de poser la problématique de la façon la plus accessible et objective possible.

Le deuxième point sur lequel je voulais attirer l’attention, c’est le volonté actuelle de donner aux assureurs complémentaires santé, en plus du simple rôle d’assureur, un rôle d’organisateur, de régulateur des soins.

Il y a par exemple le projet de loi Le Roux qui a été voté l’année dernière à l’assemblée puis au Sénat, avec des amendements, et qui doit repasser à l’automne, qui donne la possibilité aux assureurs, aux mutualistes en particulier, de faire des réseaux de soins, avec les médecins, les hôpitaux. C’est déjà fait avec les opticiens. C’est vraiment leur donner un rôle très actif. Encore une fois, il faut s’interroger : est-ce que cela va améliorer le système ou le détériorer ?

Capture d’écran 2013-10-21 à 15.12.35.pngJOL Press : Pour vous, le système actuel est injuste en plus d’être inefficace ?
 

Frédéric Bizard : C’est un système qui est en effet inefficace, dans lequel vous dépensez beaucoup et vous avez un reste à charge qui fait que vous pouvez en arriver à des renoncements aux soins. Une enquête CSA pour Europ Assistance vient de montrer que le renoncement aux soins concernerait un Français sur trois, ce qui donne un pourcentage parmi les plus élevés en Europe. Et cela concerne majoritairement les soins dentaires, secteur principalement géré par les complémentaires santé.

Le système est également injuste, tous les Français n’ont pas accès au même contrat complémentaire pour un même prix. Si vous êtes chômeur ou retraité, vous allez payer votre contrat de complémentaire santé beaucoup plus cher et pour une moins bonne couverture, que si vous êtes un cadre supérieur.

Dans les complémentaires, il y a deux mondes : les contrats individuels, supportés à 100 % par l’assuré, et les contrats collectifs, dont le coût est partagé avec l’employeur. Pour ces derniers, les contrats sont d’autant meilleurs que vous êtes dans une grande entreprise et à un niveau élevé dans la hiérarchie. Il faut également tenir compte du fait que ces contrats collectifs sont subventionnés avec 4 milliards d’argent public. On a ici une vraie injustice sociale. Cette généralisation dont on parlait tout à l’heure, elle va se faire avec de l’argent public.  

En plus de ça, aujourd’hui, le prix de ces contrats atteint un niveau rédhibitoire pour beaucoup de gens. Entre 2001 et 2006, les primes, les cotisations, ont par exemple augmenté de 50 % ! L’augmentation du prix des contrats est bien plus rapide que celle du pouvoir d’achat. Si les prix ont tant augmenté, c’est parce que les complémentaires santé, les mutuelles en particulier, n’ont jamais fait le travail de restructuration nécessaire pour prendre en compte notamment la révolution numérique. Elles ont augmenté systématiquement les cotisations dès qu’elles ont eu des charges supplémentaires.

Face à cette situation où le coût des complémentaire représente un problème pour beaucoup de Français, au lieu de faire un effort de leur côté, elles ont fait un lobbying intensif auprès des pouvoirs publics pour qu’ils fournissent une aide.

L’Etat a été d’accord pour un système de chèques santé donnés aux gens en fonction de leur situation. Encore, si le système était efficace, si l’on aidait les gens à souscrire à de bons contrats, cela pourrait être acceptable, mais ce n’est clairement pas le cas. On a demandé aucune garantie de qualité aux complémentaires, ou du moins elles ont refusé. Je pense que les contrats achetés avec de l’argent public doivent apporter une garantie de sécurité, une couverture suffisante.

couvBIZARD.jpgJOL Press : Concrètement, que pourrait-on faire à court terme pour améliorer ce système ?
 

Frédéric Bizard : Il y a des choses à faire à court terme pour rendre le système plus efficace, plus juste et moins coûteux. Il faut déjà rétablir une transparence et rendre ce marché véritablement concurrentiel, avec une régulation beaucoup plus efficace. Il est impératif que les tableaux des garanties soient lisibles par tous, que tout le monde puisse dans une premier temps voir si un contrat est nécessaire, et si oui, choisir le plus adapté à ses besoins, ce qui est pratiquement impossible aujourd’hui.

Il faut également sortir les tickets modérateurs du marché de l’assurance pour qu’ils redeviennent de vrais tickets de modération, destinés à responsabiliser les assurés. Ils doivent être supportés par tout le monde, sauf les plus démunis bien sûr, pour ne pas que ces derniers soient contraints à un renoncement aux soins. Les plus défavorisés pourraient donc continuer à bénéficier de la CMU complémentaire, qui les couvre à 100 % sans tickets modérateurs.

Par contre, pour les autres, le ticket modérateur n’est pas pertinent. Il est générateur de profits très importants pour les assureurs, qui peuvent très facilement calibrer la prime en y mettant le profit voulu. Les mutuelles essaient de faire en sorte de ne rembourser finalement que ça. Lorsque vous souscrivez à un contrat uniquement pour ne pas payer votre ticket modérateur, vous êtes sûr d’être perdant. Vous êtes sûr de payer plus que ce que l’on va vous rembourser.

Je préconise aussi dans mon livre de séparer les soins essentiels à la santé des soins non essentiels. Il faut distinguer l’assurance complémentaire de l’assurance supplémentaire. Les soins non essentiels doivent faire partie d’un autre marché qui est un système d’assurance supplémentaire.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

Frédéric Bizard est économiste de la santé et travaille depuis plus de quinze ans dans ce domaine aux Etats-Unis et en Europe. Il dirige actuellement la société Salamati Conseil, société de conseil spécialisée sur le secteur de la santé. Il est par ailleurs maître de Conférence à Science Po Paris.

Son livre « Complémentaires santé : le scandale ! », est disponible aux éditions Dunod.

La descente aux enfers de l’Assurance maladie continue en 2014 (pistes de réflexion de Frédéric Bizard dans « Complémentaires santé : le SCANDALE ! », Dunod, 2013)

plfss-2014_une_0.pngQuelques idées mises en avant par l’économiste Frédéric Bizard dans soin livre Complémentaires santé : le SCANDALE ! (Dunod) pour comprendre l’actualité sur le PLFSS 2014: 
 
L’assurance maladie (AM) est vraiment la branche malade de notre sécurité sociale. La part du déficit de l’AM en 2014, 62% (6,2 milliards pour un déficit total de 10 milliards € pour la sécu), sera un record historique. Et ceci, après une année record en 2013 avec un déficit de l’AM de 8 milliards € soit 55% du déficit de la sécu (14 milliards€). Pourquoi une telle situation ? 
 
les-indemnites-journalieres-maladies-diminuees-par-le-plfss-2012-125.jpgParce que Mme Touraine a décidé de dérouler le tapis rouge aux complémentaires santé (CS) : Aucun transfert de prise en charge de la sécurité sociale vers les CS.
La sécu doit tout supporter, la forte hausse des coûts des ALD (80% de la croissance des dépenses), la hausse régulière des soins courants et les remboursements permanents des soins non essentiels à la santé (médicaments à SMR faible, soins thermaux…). Ca , c’est pour 2014. 
 
Pour 2017, c’est la garantie que l’assurance maladie, et donc la sécu sera à l’agonie avec la généralisation du tiers payant et la CS pour tous qui vont coûter entre 10 et 20 milliards € par an à la sécu ( incitation à la sur-consommation, coût de gestion du tiers payant, intégration des soins non présentés au remboursement…).  
 
images.jpegCe PLFSS 2014 est très favorable aux CS puisqu’il prévoit entre autres une baisse de 1 milliard € sur le prix des médicaments ; les CS remboursant 16% des dépenses de médicaments, elles vont économiser 160 millions € en 2014. Malgré l’absence de charges supplémentaires et ces économies, les CS ont annoncé, par la voie de la Mutualité française, qu’elles vont augmenter de 3% leurs cotisations.
 
Les grands perdants de ce PLFSS sont donc bien les assurés sociaux et les grands gagnants sont… les CS !!

Le PLFSS 2014 bat son plein : la lecture de « Complémentaires santé : le SCANDALE ! » de Frédéric Bizard s’impose. Ce nouveau livre paru le 9 octobre 2013 chez Dunod évoque d’autres voies possibles. C’est l’ouvrage INDISPENSABLE de l’actualité !

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SOUS LES FEUX DE L’ACTUALITÉ 

Cette semaine du 14 au 20 octobre 2013 commence l’examen en commission des affaires sociales du PLFSS* 2014 et la semaine suivante en 1ère lecture en séance publique à l’Assemblée Nationale.

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale

Le PLFSS est voté tous les ans depuis 1996 par le Parlement et détermine les recettes et dépenses des 4 branches de la sécu, dont la santé (l’assurance maladie, AM). En 2013, il est examiné à partir de mardi 15 octobre en commission des affaires sociales de l’assemblée nationale (AN) et mardi 22 octobre en 1ère lecture en séance publique à l’AN.

couvBIZARD.jpgLa lecture du nouveau livre de Frédéric Bizard « Complémentaires santé : le SCANDALE ! » (Dunod) est incontournable sur la stratégie de régulation des dépenses de santé :
– uniquement par l’offre de soins comme c’est le cas dans ce PLFSS (en réduisant les prix des médicaments et des tarifs des médicaments)
 
ou
– un mix demande et offre (inciter les gens à moins dépenser. Dans ce cas-là, schéma soutenu par Frédéric Bizard, il serait judicieux par exemple de sortir les tickets modérateurs du marché des complémentaires…)

 

Frédéric Bizard répond aux questions des 3000 décideurs de l’hospitalisation privée en France (newsletter n°228 du 10 octobre 2013)

couvBIZARD.jpgPourquoi avoir écrit ce livre?

Frédéric Bizard : D’abord, je suis frappé de constater que le sujet du financement de notre système de santé soit autant négligé dans notre pays. Les performances en matière d’efficience, de qualité et d’accès aux soins de tout système de santé sont pourtant étroitement liées à la qualité du système de financement. Nous disposons toujours du système mis en place en 1945 avec une protection santé principalement assise sur les revenus du travail (75% des recettes de la sécu), une assurance maladie qui assure la partie solidaire du système (entre les bien-portant et les malades) et une assurance complémentaire sensée optimisée l’accessibilité financière (en mutualisant les restes à charge). On a apporté quelques évolutions en 1967 et 1990 mais globalement l’ossature du système est restée la même, tout en ayant largement dévoyée notamment concernant les tickets modérateurs. Or, le monde a considérablement changé depuis 1945. Entre autres évolutions, la part des dépenses ALD est passée de moins de 30% à près de 70% aujourd’hui et 75% en 2020. L’assurance maladie s’est donc progressivement spécialisée sur le gros risque et s’est désengagée progressivement des soins courants. Un débat doit être lancé sur la refonte de notre système de financement, c’est le premier objectif de ce livre.

Ensuite, la série de mesures prises depuis dix ans concernant le financement des  soins est intéressante à analyser tant elle démontre, de mon point de vue, les erreurs stratégiques réalisés. On a  fébrilement tenté de responsabiliser financièrement les Français dans les soins courants en instaurant des franchises et autres participations financières. Or, depuis bien longtemps, les complémentaires santé ont fait des tickets modérateurs, inventés pour modérer la consommation de soins des Français (éviter les soins non pertinents), leur premier marché d’assurance (22 milliards € de co-paiements aujourd’hui). Sans risque, facile à prévoir, ce marché est une formidable machine à cash pour l’assurance complémentaire. Plus de 50% des contrats individuels ne servent d’ailleurs qu’à couvrir ces tickets modérateurs, et sont de ce point de vue inutiles pour l’assuré et nuisibles financièrement pour la collectivité (l’assurance maladie). Sauf qu’en permettant aux Français de se protéger de ce non-risque, on dédouane complètement les Français de sur-consommer des soins (des études américaines et françaises ont démontré la forte corrélation entre couverture du risque santé et dépenses de santé). La première victime de cette situation est évidemment l’assurance maladie, qui reste le premier financeur de la plupart des soins. A titre d’exemple, la participation financière de 1 euro ne risque pas d’avoir beaucoup d’effet alors que le ticket modérateur de 6€ est couvert par une assurance complémentaire lors d’une visite chez le généraliste (c’est encore plus vrai pour les médicaments). Face à l’échec de cette tentative fébrile de responsabilisation financière des usagers, les pouvoirs publics ont jeté  leur dévolu sur le contrôle de l’offre de soins (tarifs des médecins, des soins hospitaliers, des médicaments). Cette stratégie de maîtrise des coûts par l’offre atteint rapidement ses limites et se traduit par une dégradation de la qualité des soins. On a même conceptualisé cette politique sous le label de parcours de soins pour justifier de restreindre la qualité du panier de soins solidaire afin de mieux maîtriser les dépenses.

Enfin, la politique actuelle de santé berce les Français d’une musique laissant une large place aux soins des complémentaires santé. C’est le cas de l’avenant 8, de la généralisation des contrats complémentaires, de la PPL Le Roux et des nouveaux contrats responsables. Est-ce bien dans l’intérêt général que les pouvoirs publics empruntent ce chemin ? Il m’a semblé intéressant de faire un point détaillé et objectif sur ce secteur économique auquel on veut donner un rôle de plus en plus structurant dans notre système de santé.

Cette volonté de pédagogie me paraît utile pour tous les usagers du système, mais aussi pour les professionnels de santé qui sont confrontés à de nombreuses questions de leurs patients, et peut-être aussi aux décideurs du secteurs de la santé qui n’ont pas forcément toutes les données du problème à l’esprit.

Quels sont les aspects les plus problématiques aujourd’hui du système de complémentaire santé?

bizardid.jpgNotre financement par les complémentaires santé est inefficace, coûteux et inéquitable. 

Je rappelle que l’Assurance santé complémentaire a été laissée facultative en France parce que le risque santé réel et majeur en France est pris en charge par l’Assurance maladie. Il est utile de rappeler que le reste à charge moyen d’un patient non-ALD (56 millions de personnes) en France est de 373€ et celui d’un patient ALD (9 millions de personnes)  de 700€. Le prix d’un contrat standard pour une personne variant de 500€ à 1500€, il est aisé de comprendre que la couverture actuelle de 96% de la population française par un contrat de complémentaire santé est une anomalie dans le système et démontre le travail très efficace réalisée par le secteur pour laisser penser que nous avions tous besoin d’une complémentaire santé. Le plus gênant encore vient de la mauvaise couverture de la majorité des contrats pour les vraies raisons qui peuvent justifier la souscription à un contrat de complémentaire santé : les frais (de prothèses) dentaires et les soins liées à une  opération chirurgicale. Du fait de la décision des pouvoirs publics évoqués précédemment, la part remboursée par l’assurance maladie est devenue minoritaire par rapport au tarif réel de ces actes. On est ici au cœur du métier des complémentaires santé, assurer les Français par rapport à un risque de reste à charge important pour des soins essentiels à la santé. Globalement, le secteur de l’assurance complémentaire est défaillant dans ce rôle. Une enquête auprès de 30 mutuelles réalisée en 2013 par l’Union des Chirurgiens de France démontre un reste à charge moyen après remboursement de l’assurance maladie et de la complémentaire (contrat standard pour un couple de 45 ans) de 70% du tarif d’une prothèse dentaire soit 520€. Ceci explique pourquoi le dentaire est la première raison de renoncement aux soins pour raisons financières. Si on ajoute à cela que le combat principal actuellement mené par les complémentaires santé est centré sur la réduction à minima du remboursement des compléments d’honoraires des spécialistes, on transforme des contrats peu utiles pour l’accessibilité financière à des soins essentiels à la santé en contrats totalement inutiles. 

Le système est très coûteux comme le révèle le niveau faramineux des frais de gestion et d’acquisition du secteur : 7,3 milliards € en 2010 (en hausse de 6% vs 2009) soit 22% des cotisations dont 3,5 milliard€ pour les frais d’administration (RH, informatique…), 2,3 pour les frais de communication et le reste pour les frais sur prestations. Le secteur de l’assurance complémentaire dépense presque autant pour gérer 13,7% des dépenses totales de santé que l’assurance maladie pour gérer 75,5% de ces dépenses. Il s’ensuit que le système de santé français a les charges totales d’administration les plus élevées au monde selon l’OCDE, après les Etats-Unis et que les primes des contrats n’ont cessé de progresser à vive allure ces dernières années. Pour des personnes modestes, le taux d’effort d’acquisition d’une complémentaire peut représenter plus de 10% de son revenu disponible. Dans ces conditions, le secteur a convaincu les pouvoirs publics qu’il était nécessaire de subventionner les contrats avec de l’argent public (ACS), au nom bien sur de l’accès aux soins pour tous et sans contrepartie en matière de qualité des garanties des contrats (l’UNOCAM a refusé de participer à la convention sur le label ACS, pourtant prévue dans la LFSS 2012) ! 

Enfin, le secteur des complémentaires est profondément inéquitable. Les contrats collectifs, accessibles aux salariés du privé sont deux fois moins chers et ont une couverture deux fois meilleure que les contrats individuels. Au sein des contrats collectifs, il existe une grande hétérogénéité enter ceux destinés aux grandes entreprises et ceux destinés aux petites. La généralisation de ces contrats à toutes les entreprises (accord ANI de 2013) aurait un intérêt si elle garantissait un niveau élevé de garantie des contrats, ce qui est loin d’être le cas. C’est une généralisation par le bas, couplée à la suppression de liberté de choix contractuel pour des millions de salariés. Si on ajoute à cela la fiscalisation de la part employeur, l’année 2013 aura été l’année de la désorganisation et de la dégradation de la couverture collective complémentaire, qui représentait pourtant la part la plus efficace du secteur (43% du marché avant l’ANI).

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Quelles solutions préconisez-vous ?

A court terme, il est nécessaire de réguler plus efficacement ce secteur pour assurer la transparence du marché, condition essentielle pour que les Français puissent choisir un contrat adapté à leurs besoins et faire jouer pleinement la concurrence. A titre d’exemple, les tableaux de garanties sont encore présentés en incluant quasi systématiquement la part remboursée par la sécurité sociale et sont exprimés en pourcentage de sommes inconnues par les Français. Ensuite, il faut légiférer pour distinguer clairement deux marchés distincts : l’assurance complémentaire qui englobe les soins non essentiels à la santé et l’assurance supplémentaire qui englobe des soins non essentiels à la santé. Enfin, parmi les soins essentiels à la santé, il est nécessaire d’exclure du marché les tickets modérateurs des soins de ville, afin de revenir à un principe fondamental de notre système de santé, la responsabilisation des assurés dans leurs consommation de soins. Sans que cela ne soit une quelconque barrière à l’accès aux soins puisque ces tickets modérateurs  sont remboursés pour les soins les plus coûteux (ALD, hôpital) et pour les personnes les plus défavorisés (10 millions de Français éligibles à la CMU-C et l’ACS). 

A moyen terme, nous n’échapperons à une réforme global de notre système de financement qui s’inscrira dans celle de notre système de santé.

Cocktail de lancement de « Complémentaires santé : le SCANDALE ! » au restaurant Lapérouse vendredi 11 octobre 2013 dès 19h

couvBIZARD.jpgPour le lancement du livre de Frédéric BIZARD Complémentaires santé : le scandale ! (parution ce mercredi 9 octobre 2013 aux Éditions Dunod), nous organisons vendredi 11 octobre à partir de 19h, au restaurant LAPEROUSE, 51 quai des Grands Augustins, Paris 6ème un cocktail.


Les journalistes inscrits auprès de l’attachée de presse du livre, Guilaine Depis, y sont cordialement invités dans la limite des places disponibles.


Réponse obligatoire à guilaine_depis@yahoo.com ou par sms au 06 84 36 31 85.


Sur la photo : Philippe Cuq et Frédéric Bizard

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RSVP Point presse sur « Complémentaires santé : le SCANDALE ! », Frédéric BIZARD invité par l’UCDF mardi 8 octobre 2013 à 10h30

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POINT PRESSE

Mardi 8 octobre 2013 à 10h30

Hôtel Holiday Inn, salon Elysées

79 avenue du Maine Paris 14ème

A l’occasion de la sortie du livre COMPLÉMENTAIRES SANTÉ : LE SCANDALE ! 
le 9 octobre prochain (éditions Dunod)

Nous vous invitons à rencontrer l’auteur, Frédéric Bizard, économiste de la santé et enseignant à Sciences-Po Paris

Au moment où les organismes complémentaires se voient confier un rôle structurant dans notre système de santé, assiste-t-on à la fin du modèle français ? Frédéric Bizard apporte des réponses aux questions que se posent les professionnels de santé tout comme les usagers, et tente d’introduire clarté et transparence dans ce système.

Merci de vous inscrire auprès de Guilaine Depis (06 84 36 31 85), attachée de presse Grand Public de « Complémentaires santé : le SCANDALE ! » de Frédéric BIZARD